Dans une interview accordée à Maroc Diplomatique, Dr Mohamed Badine El Yattioui, expert en défense et professeur d'études stratégiques au National Defense College des Emirats arabes unis, a partagé ses analyses sur la nécessité du Maroc à acquérir des sous-marins afin de renforcer sa marine royale. Selon lui, cette acquisition représente non seulement une réponse aux tensions régionales, mais aussi une étape cruciale qui va permettre au Royaume de conserver sa souveraineté maritime et assurer la sécurité de ses ressources naturelles. L'expert analyse également les implications géopolitiques et stratégiques de ce projet et explore les options technologiques qui s'offrent au Maroc dans ce domaine. Le Maroc semble de plus en plus déterminé à se doter de son premier sous-marin, un projet qui, bien que repoussé à plusieurs reprises, apparaît désormais comme indispensable. Dr El Yattioui confirme cette tendance en soulignant que, dans un contexte géopolitique tendu avec l'Algérie, la possession de sous-marins devient une nécessité stratégique. « Il est clair que le Maroc doit renforcer ses capacités de défense, et l'acquisition de sous-marins en fait partie. C'est une nécessité, notamment pour rééquilibrer les forces navales dans la région et se doter de moyens nécessaires pour sécuriser ses eaux territoriales », déclare-t-il. L'acquisition de sous-marins de combat permettrait aux Forces Armées Royales (FAR) de rétablir l'équilibre des forces navales dans la région et de dissuader toute action hostile. Dr El Yattioui précise : « Le Maroc est le seul pays de la région sans sous-marins, et il est impératif de combler cette lacune pour garantir la sécurité de ses espaces maritimes et de ses ressources stratégiques ». Scorpène ou Amur 1650 : quel sous-marin pour le Maroc ? Le renforcement de la flotte sous-marine représente une initiative stratégique majeure pour le Maroc, visant à protéger ses ressources maritimes et à assurer la sécurité de son espace maritime. Comme l'explique Dr El Yattioui, « Les sous-marins jouent un rôle crucial dans la sécurisation des frontières maritimes du Royaume et la défense de ses ressources naturelles en mer, essentielles à son économie ». Face à des ressources sous-marines précieuses, le Maroc doit pouvoir les défendre contre toute forme de menace, qu'elle soit d'ordre militaire ou économique. Dans ce cadre, l'acquisition de sous-marins deviendrait un moyen efficace de maintenir une surveillance permanente sur les eaux marocaines, notamment dans la région du Sahara marocain, où la souveraineté du Maroc est un enjeu primordial. « La mer est un espace stratégique, et le Maroc doit pouvoir protéger ses eaux territoriales pour garantir la sécurité des ressources naturelles qui y sont présentes », ajoute-t-il. Le Maroc pourrait également bénéficier de l'autonomie que confèrent ces navires. L'acquisition de sous-marins permettrait au Royaume de développer une force de dissuasion et de projection de puissance en mer, tout en réduisant les vulnérabilités face à d'éventuelles menaces extérieures. Sur le plan technologique, l'expert recommande au Maroc d'explorer les offres de sous-marins disponibles sur le marché international. Parmi les options envisagées figurent le Amur 1650, un sous-marin polyvalent russe à propulsion diesel-électrique, et le Scorpène, un modèle développé par le groupe français Naval Group. Ce dernier est particulièrement apprécié pour sa furtivité et ses capacités avancées en termes de détection et de propulsion. « Le Scorpène est un sous-marin technologiquement très avancé, offrant une autonomie et une réduction significative des émissions sonores, ce qui est crucial pour les opérations sous-marines », explique le Dr El Yattioui. De plus, les sous-marins français sont équipés de batteries lithium-ion, ce qui permet une autonomie accrue, un élément particulièrement important pour le Maroc, dont les eaux territoriales couvrent une vaste étendue. « L'autonomie des sous-marins français serait un atout majeur pour la marine royale marocaine, surtout lorsqu'il s'agit de missions prolongées en mer », ajoute-t-il. Une flotte marocaine en constante évolution La marine royale marocaine se classe actuellement parmi les meilleures flottes navales de la région, avec une flotte de 121 navires, dont la frégate multimissions Mohammed VI, d'une valeur de 470 millions d'euros, et livrée en 2017 par le constructeur français DCNS (devenu Naval Group). Cette frégate est conçue pour des missions de défense antiaérienne, de lutte sous-marine et de combat en mer. Dr El Yattioui remarque que l'acquisition de sous-marins viendrait compléter cette flotte et renforcerait l'efficacité opérationnelle des FAR dans le domaine maritime. Le Maroc possède également d'autres unités de grande valeur, comme les trois frégates SIGMA fabriquées aux Pays-Bas, ainsi que deux frégates de surveillance de classe Floréal et une corvette de classe Descubierta, fabriquée en Espagne. En 2021, le Royaume a signé un contrat avec le groupe espagnol Navantia pour l'acquisition d'un patrouilleur en haute mer Avante 1800, dont la livraison est prévue pour 2026. Des implications géopolitiques et stratégiques L'acquisition de sous-marins n'est pas seulement une question militaire, mais aussi géopolitique. Selon l'expert, « cette décision pourrait avoir des répercussions géopolitiques considérables. Le Maroc cherche à renforcer son rôle de puissance régionale, et l'acquisition de sous-marins est un moyen de gagner en puissance maritime, tout en projetant une image de souveraineté accrue ». El Yattioui met en lumière que cette décision pourrait également avoir des implications sur les relations du Maroc avec ses voisins, notamment l'Algérie et l'Espagne, ainsi que sur ses partenariats stratégiques avec des pays comme la France et le Brésil. Le Maroc semble bien conscient de ces enjeux, et dans le cadre de la coopération croissante avec la France, la présence de représentants du groupe Naval lors de la visite d'Emmanuel Macron au Maroc a renforcé l'idée que la France pourrait jouer un rôle crucial dans la fourniture de sous-marins. Dr El Yattioui ajoute que cette coopération permettrait également au Maroc de renforcer ses relations avec des pays comme le Brésil, avec lequel il développe des partenariats en matière de défense, notamment en ce qui concerne la sécurité maritime dans l'Atlantique Sud. L'acquisition de sous-marins devient ainsi un impératif pour le Maroc, tant sur le plan militaire que géopolitique. Dr El Yattioui conclut en soulignant que cette initiative s'inscrit dans une stratégie plus large de modernisation des forces armées royales, qui inclut également la mise à jour des hélicoptères, des avions de chasse et des blindés. « Pour que le Maroc continue de jouer un rôle de leader régional et puisse protéger ses intérêts, il est crucial que la marine royale soit dotée des équipements nécessaires, y compris des sous-marins », conclut-il. Avec des investissements en cours pour moderniser ses infrastructures et une volonté croissante de renforcer sa défense, le Maroc semble déterminé à renforcer ses capacités maritimes et à sécuriser ses frontières maritimes, consolidant ainsi sa position sur la scène géopolitique internationale.