La pression redoublée cette semaine de l'ONU sur la Birmanie dans la crise des Rohingyas pourrait se révéler « préjudiciable » au retour des centaines de milliers de ces musulmans réfugiés au Bangladesh voisin, a réagi mercredi le gouvernement de la prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi. Le Conseil de sécurité de l'ONU avait appelé lundi la Birmanie à mettre un frein à sa campagne militaire dans l'Etat Rakhine, région de l'ouest du pays où vivaient les Rohingyas, et à permettre aux centaines de milliers de réfugiés de revenir chez eux. Cette déclaration conjointe « ignore le fait que les problèmes auxquels la Birmanie et le Bangladesh sont confrontés aujourd'hui ne peuvent être résolus que de façon bilatérale« , a réagi dans un communiqué le gouvernement dirigé de facto par Aung San Suu Kyi, même si officiellement elle est ministre des Affaires étrangères. Et cet appel « pourrait sérieusement nuire aux négociations bilatérales entre les deux pays » sur le retour des réfugiés, ajoute-t-elle, alors que les discussions entre Rangoun et Dacca pour le retour des réfugiés piétinent, malgré plusieurs semaines d'échanges. Quelques 900.000 musulmans Rohingyas de Birmanie sont entassés aujourd'hui dans des conditions insalubres dans ces camps de tentes dans le sud du Bangladesh. L'exode de plus de 600.000 d'entre eux depuis fin août a été qualifié par l'ONU d' »épuration ethnique« . Dans leur déclaration, les 15 membres du Conseil de sécurité, dont Pékin, expriment leur « grave préoccupation » devant les violations des droits de l'homme, « incluant celles commises par les forces de sécurité de la Birmanie« , et ils réclament la traduction en justice de leurs auteurs. Ces violations incluent des meurtres, des abus sexuels et la mise à feu des maisons et des biens des Rohingyas dans l'Ouest birman. Le gouvernement birman a promis d'enquêter, mais il soutient jusqu'ici les responsables militaires, qui restent les maîtres du jeu malgré la dissolution de la junte. Le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson est attendu le 15 novembre à Naypyidaw, la capitale administrative birmane, où il devrait rencontrer Aung San Suu Kyi et le chef de l'armée, le général Min Aung Hlaing. Un groupe d'élus du Congrès américain a déposé une proposition de loi qui sanctionnerait l'armée birmane et plusieurs de ses généraux, illustrant le durcissement de l'attitude américaine face à la crise des Rohingyas.