La question du stress hydrique n'a pas laissé indifférente la Cour des comptes, qui dans son rapport est revenu sur les programmes et des mesures mises en œuvre pour valoriser les barrages. Jugées défaillantes, la Cour pointe du doigt les incohérences des politiques de valorisation des barrages, qui entraînent une perte d'eau considérable occasionnant près de 400 millions de m3 de perte d'eau par an, avec comme conséquence un retard dans le développement économique et social du pays. Le Maroc dispose d'un patrimoine hydraulique important, avec plus de 140 barrages d'une capacité totale de plus de 18 milliards de m3. Ces ouvrages sont censés contribuer à la sécurité alimentaire, à la production d'énergie, à l'approvisionnement en eau potable, à la lutte contre les inondations, à la préservation de l'environnement et au développement du tourisme. Pourtant, la Cour des comptes, dans son dernier rapport sur la gestion des ressources en eau, dresse un bilan mitigé de la valorisation des barrages, qui souffre de plusieurs dysfonctionnements et insuffisances. Concernant la cohérence et la coordination des politiques de valorisation des barrages, la Cour des comptes constate que les programmes et les mesures mis en œuvre pour valoriser les barrages ne sont pas cohérents ni coordonnés entre les différents acteurs et secteurs concernés. Elle relève notamment l'absence d'un programme dédié à la réhabilitation des canaux de transport d'eau depuis les barrages, qui sont souvent vétustes et mal entretenus. Selon la Cour, si ce programme avait été mis en œuvre, il aurait permis des économies d'eau importantes, estimées à 400 millions de m3 par an, soit l'équivalent de la consommation annuelle de la ville de Casablanca. La Cour déplore également qu'aucun programme de valorisation des petits barrages n'a été mis en place, alors que ces ouvrages représentent près de 40% du nombre total des barrages. Elle constate que la majorité de ces barrages (94%) ne sont pas mis à la disposition des Agences de bassins hydrauliques après leur construction et sont pratiquement en état d'abandon, faute de maintenance et de surveillance. Elle souligne que ces barrages pourraient pourtant jouer un rôle important dans la mobilisation des eaux de surface, la recharge des nappes souterraines, l'irrigation des périmètres agricoles et la création d'activités génératrices de revenus. Lire aussi : Taxi urbain : Les parlementaires veulent évacuer le vide juridique entourant les services alternatifs A propos du « Programme national de prévention et de lutte contre la pollution industrielle », lancé en 2009, elle estime qu'il est resté un document d'encadrement et n'a pas été suivi par un plan de mise en œuvre. Elle rappelle que la pollution industrielle constitue une menace sérieuse pour la qualité des eaux des barrages, qui sont exposés à des rejets toxiques provenant de divers secteurs, tels que le textile, le cuir, la chimie, la métallurgie ou l'agroalimentaire. Elle recommande de renforcer le contrôle et la réglementation des effluents industriels, ainsi que de mettre en place des systèmes de traitement et de valorisation des eaux usées. La Cour pointe également du doigt les insuffisances au niveau du pilotage, du suivi et de la coordination des programmes et projets en lien avec la valorisation des barrages. Elle note que les objectifs et la stratégie de mise en œuvre de ces programmes et projets ne sont pas clairement définis, ni harmonisés avec la Stratégie nationale de l'eau 2009-2030 (SNE). Elle regrette l'absence d'une entité chargée de la supervision et de la direction de la mise en œuvre de la SNE, qui devrait assurer la cohérence et la convergence des actions des différents intervenants dans le domaine de l'eau. Des retards significatifs dans la réalisation des projets de valorisation des barrages La Cour des comptes observe que les réalisations en matière de valorisation des barrages sont en deçà des prévisions et des besoins du pays. Elle relève des retards significatifs dans la construction des nouveaux barrages, l'interconnexion des bassins hydrauliques, l'alimentation en eau potable, la valorisation agricole, la production d'énergie et le développement touristique. Sur la période 2010-2020, elle estime que sur une trentaine de grands barrages prévus, seuls 16 ont été construits, soit un taux de réalisation ne dépassant pas les 53%. Elle attribue ces retards à des contraintes techniques, financières, foncières et environnementales, ainsi qu'à des difficultés dans le choix des sites et la conception des ouvrages. Elle souligne que ces retards ont des conséquences négatives sur la mobilisation des ressources en eau, qui est insuffisante pour faire face à la demande croissante des différents usages. La Cour recommande d'accélérer la réalisation des projets de barrages en cours et de programmer de nouveaux projets, en tenant compte des besoins actuels et futurs du pays en matière d'eau. Elle suggère également de diversifier les sources de financement des barrages, en faisant appel au secteur privé, aux bailleurs de fonds internationaux ou aux partenariats public-privé. En ce qui concerne les effets des actions de valorisation, il a été relevé que les grands barrages mis en service sur la période 2010-2020 n'ont permis d'augmenter le volume d'eau mobilisé que de 246 millions de m3, soit 14,5% seulement de l'objectif escompté en 2030, à savoir un volume additionnel de 1,7 milliards de m3. Au vu de cette situation alarmante, la Cour des comptes a recommandé de renforcer la coordination entre les principales parties prenantes concernées par la valorisation des barrage (le département chargé de l'Eau, le département chargé de l'Agriculture et l'ONEE), dans le but de réaliser les projets de valorisation dans les délais convenus et atteindre les objectifs de rentabilité économique escomptés.