Au bord d'une crise politique sans précédent, la France, plongée dans l'incertitude totale, entame, lundi, une semaine politique des plus mouvementées, avec un gouvernement plus que jamais affaibli qui affronte deux motions de censure, après son recours à l'article 49.3 de la Constitution pour faire passer, sans vote, son projet très décrié de la réforme des retraites. Intransigeant face aux oppositions et aux syndicats qui n'ont eu de cesse de dénoncer un texte « injuste » pour les travailleurs, le Président Emmanuel Macron et son gouvernement se sont montrés déterminés, voire obstinés, à aller jusqu'au bout dans leur bras de fer contre les opposants de la réforme. Le dernier épisode de cette bataille livrée dans le parlement mais aussi dans la rue, où des centaines de milliers de Français ont manifesté lors de plusieurs journées de grèves et de mobilisations depuis le 19 janvier, s'est traduit par l'activation du 49.3, alors que le combat législatif s'acheminait, jusqu'à quelques heures avant l'annonce gouvernementale, vers un vote à l'Assemblée nationale. Mais, conscient de la difficulté de la tâche après le renvoi d'un texte de consensus auquel est parvenue la commission parlementaire paritaire, suite à son vote favorable au Sénat, l'Exécutif a dû dégainer le 49.3 pour la 11ème fois depuis l'arrivée d'Elisabeth Borne à Matignon, pour éviter un vote défavorable des députés. Emmanuel Macron opte ainsi pour le "pire des scénarios", qui risque de plonger le pays dans une nouvelle crise politique et sociale, après celle des "gilets jaunes", suscitant colère et indignation des oppositions, qui dans la foulée, ont déposé deux motions de censure pour tenter de renverser son gouvernement, et dans le même temps, invalider l'adoption du texte controversé. Lire aussi : France : La popularité d'Emmanuel Macron au plus bas depuis 2019 (sondage) Ainsi, une motion de censure a été cosignée par 91 élus des oppositions de cinq groupes à l'Assemblée nationale, la première motion de censure « transpartisane » a été déposée par le groupe Liot (Libertés, Indépendant, Outre-mer territoires). La deuxième a été présentée par les 88 députés du groupe d'extrême droite, le Rassemblement national (RN) à la Chambre basse. Mais, pour qu'une motion de censure aboutisse, elle doit recueillir le vote de la majorité des députés, soit 287 voix. Dans le contexte actuel, sa validation dépend du vote favorable des Républicains (LR – droite républicaine), aux côtés de tous les députés du RN, de la Nupes (La Nouvelle Union populaire écologique et sociale) et de tous les élus du groupe Liot. L'ensemble des oppositions représente 298 députés, soit 11 petites voix d'avance. Selon les observateurs, les deux motions qui seront examinées dès ce lundi à l'Assemblée nationale, ont peu de chances d'aboutir, d'autant plus que nombre de députés, tout particulièrement LR, sont indécis, alors que certains parmi eux ont déjà signalé leur rejet des motions de censure. Toutefois, ils s'accordent à dire que l'entêtement du Président Emmanuel Macron à faire passer son projet, promesse-phare de sa campagne électorale, ne manquera pas d'avoir des répercussions néfastes sur la vie politique, sociale et économique du pays, à un moment où une large frange de la population subit de plein fouet les conséquences de la guerre en Ukraine, qui a entraîné, entre autres, une inflation galopante et une forte hausse des prix de l'énergie. L'autre menace qui guette le quotidien des Français est celle en lien avec une éventuelle radicalisation de la mobilisation dans la rue et des syndicats, déterminés à ne pas fléchir et à aller de l'avant dans leur mouvement contestataire, au point de mettre le pays à l'arrêt, à coup de blocages et de grèves reconductibles dans des secteurs stratégiques. Si, jusqu'à l'heure, les manifestations s'étaient déroulées pacifiquement et sans soubresauts, celles ayant suivi le recours au 49.3 ont été émaillées de violences et d'affrontements entre manifestants et forces de l'ordre dans plusieurs villes, notamment à Paris, puant depuis près de deux semaines, par la grève des éboueurs, et où des dizaines de milliers de tonnes de déchets jonchaient les rues de plusieurs arrondissements. En outre, la décision du gouvernement porte un coup dur à l'image du Chef de l'Etat, dont la cote de popularité ne cesse de dégringoler, comme en témoignent les résultats du dernier sondage de l'Institut Ifop. Cette enquête d'opinion fait ressortir que la popularité du président français Emmanuel Macron a reculé à 28% en mars, un niveau jamais atteint depuis le début 2019 au sortir de la crise des ''gilets jaunes''. Avec 70% de Français mécontents, la cote de popularité du Chef de l'Etat chute de 4 points en un mois, et passe sous la barre symbolique des 30% de satisfaits (28 %), pour se situer désormais derrière sa Première ministre, Elisabeth Borne (29% de satisfaits). Ainsi, les yeux des Français seront rivés, dès ce lundi à 16 heures à l'Assemblée nationale, pour suivre le dénouement d'une nouvelle bataille sur la fameuse réforme des retraites. Avec MAP