Des violences et des affrontements entre manifestants et forces de l'ordre ont émaillé des rassemblements spontanés, organisés jeudi soir dans plusieurs villes françaises, après la décision du gouvernement d'activer l'article 49.3 pour faire adopter son projet controversé de réforme des retraites sans vote à l'Assemblée nationale. Quelques heures après l'annonce par la première ministre Elisabeth Borne du recours à cet outil constitutionnel, plusieurs manifestations surprises se sont organisées à travers le pays, notamment à Paris, Nantes, Rennes, Lyon, Dijon, Marseille, le Havre, Angers, Cholet, Amiens, Lille, Strasbourg, Aubenas, Moulins, Toulouse à La Rochelle, selon les médias français. Dans la capitale, où des manifestants étaient rassemblés près de l'Assemblée nationale depuis le matin dans l'attente de la décision du gouvernement au sujet de sa réforme, des milliers de personnes ont conflué vers place de la Concorde pour exprimer leur colère. D'abord pacifique, le rassemblement parisien a été émaillé, plus tard dans la soirée, de violences et de dégradations avec plusieurs départs de feu dans des quartiers voisins. Des poubelles ainsi que plusieurs véhicules ont été incendiés, alors que le ministre de l'Intérieur a fait état de 258 interpellations parmi les manifestants parisiens, 310 sur l'ensemble du pays. Des violences ont été aussi signalées dans d'autres villes, comme Nantes où des poubelles ont été incendiées et des cocktails Molotov ont ciblé les forces de l'ordre, alors qu'à Marseille, plusieurs commerces ont été saccagés dans le sillage de la manifestation organisée après l'annonce du gouvernement, selon les médias de l'hexagone. Lire aussi : Macron semble perdre le combat pour sa crédibilité et son autorité (The Telegraph) À Rennes, « de multiples enseignes ont été dégradées dans le centre-ville et 26 feux ont été éteints" par les sapeurs-pompiers, d'après la préfecture d'Ille-et-Vilaine, tandis qu'à Lyon, le siège de la mairie de la ville a été dégradé par des manifestants en colère. Elisabeth Borne a engagé, jeudi, la responsabilité de son gouvernement en faisant recours à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire passer le projet controversé de réforme des retraites, quelques heures après que le texte a reçu le feu vert du Sénat. La décision de dédaigner cet article a été prise en conseil de ministres exceptionnel réuni autour du président Emmanuel Macron, qui n'a pas été en mesure de s'assurer une majorité absolue pour passer au vote à la chambre basse du parlement. L'équipe de Mme Borne comptait jusqu'à l'heure sur le soutien des députés Les Républicains (droite) pour faire pencher la balance à sa faveur. Toutefois, après plusieurs réunions, l'exécutif, privé de majorité absolue, a préféré ne pas prendre de risque de passer au vote à l'Assemblée. La décision du gouvernement a suscité la colère et l'indignation des oppositions qui ont dénoncé un « déni » et un « choc » démocratique de la part de l'exécutif et une « honte » pour la démocratie française. Plusieurs partis de l'opposition, qui ont également accusé le gouvernement de « bafouer » le parlement, ont annoncé le dépôt dans les 24 heures de motions de censure pour faire tomber l'exécutif. De son côté, l'intersyndicale, réunissant les principaux syndicats du pays, a appelé à une nouvelle journée de grèves et de manifestations pour le jeudi 23 mars, la neuvième depuis le 19 janvier. Vendredi matin, des actions « coup de poing » et des blocages ont concerné plusieurs secteurs dans le cadre de la mobilisation syndicale contre le projet de réforme des retraites, alors que Paris s'est transformée en une décharge à ciel ouvert, suite à la grève des éboueurs qui se poursuit depuis une dizaine de jours.