Après une série de grèves et de journées de mobilisations ayant démarré le 19 janvier contre le projet controversé de réforme des retraites voulu par le président Emmanuel Macron, les principaux syndicats français ont décidé de hausser le ton, en brandissant la menace d'une paralysie totale du pays, à compter du 7 mars prochain. En effet, l'intersyndicale, réunissant les principaux syndicats de France, a averti samedi dernier, à l'occasion d'une nouvelle journée de manifestations, la 4ème en moins d'un mois, après celles du 19 et 31 janvier et du 7 février, qu'elle mettrait le pays à "l'arrêt total" dès le 7 mars, si l'exécutif ne retirait pas son projet réformiste, et tout particulièrement sa mesure très contestée de relever l'âge de départ à la retraite à 64 ans. Dans un communiqué, elle sommait le gouvernement à « assumer le blocage de l'économie" en France, et appelait les salariés à faire grève de manière « reconductible » afin de maintenir la pression sur l'exécutif. Le même jour, le secrétaire général de la Confédération générale du travail (CGT), Philippe Martinez, estimait que « la balle est dans le camp du président de la République et du gouvernement pour savoir s'il faut que le mouvement s'amplifie, se durcisse ou s'ils prennent en compte les mobilisations actuelles ». Si les syndicats se contentait jusqu'à présent de battre le pavé à coup de manifestation qui ont vu défiler, à chaque fois, entre 1 et 2,5 million de personnes partout en France, ils ont décidé de "battre leur dernière cartouche", à savoir paralyser le pays, le but étant de faire plus de pression sur un gouvernement jugé "intransigeant" et le contraindre à faire marche arrière sur son projet débattu depuis 6 février à l'Assemblée nationale, où il est privé de majorité absolue, indique à la MAP l'économiste français, Pierre Maurin. Selon lui, si le risque d'un blocage total de la France est bel et bien existant, il va falloir que les syndicats mobilisent l'ensemble des travailleurs, dans le public et le privé, dans un mouvement de protestation reconductible, rappelant, à cet égard, le cas du "contrat première embauche" (CPE) sous Dominique Villepin, qui avait été voté par le parlement mais qui n'a jamais été appliqué, sous la pression des syndicats. En effet, le projet de loi instituant en France le CPE, puis son adoption par le Parlement français le 31 mars 2006 entraînent, au cours des mois de février, mars et avril 2006, un important mouvement étudiant et lycéen, soutenu par des partis politiques et par la plupart des syndicats. Face aux manifestations, le 10 avril, Dominique de Villepin annonce que »les conditions ne sont pas réunies » pour que le CPE s'applique, deux mois après son adoption par le Parlement et dix jours après la validation de la loi par le Conseil constitutionnel, entraînant le retrait du texte. Une paralysie du pays rappellerait aussi le mouvement social qui a eu lieu entre décembre 2019 et février 2020, contre ce même projet de réforme des retraites, ce qui fut le mouvement social le plus important en France depuis les manifestations contre la réforme des retraites de 2010. A l'époque, une série de mobilisations nationales et de grèves avaient secoué le pays avant que le gouvernement ne se voit contraint de mettre son projet au placard avec l'apparition de la pandémie de Covid-19. Aux yeux de M. Maurin, la réforme tombe au "mauvais moment", où la France souffre toujours des séquelles de la pandémie et de la crise énergétique en partie liée au conflit russo-ukrainien, avec une grande partie des Français croulant sous une inflation galopante, avec un pouvoir d'achat en chute libre et des salaires qui n'augmentent pas suffisamment. Cette réforme, poursuit-il, ne prend suffisamment pas en compte les séniors, supprime les régimes spéciaux, mais pas tous, et est moins développée sur les carrières longues et la pénibilité, pointant "un certain nombre d'imperfections" dans le texte. Et d'ajouter que l'impact d'un éventuel blocage du pays à partir du 7 mars serait très localisé et sectoriel sur certains secteurs économiques comme le tourisme et le commerce. A l'Assemblée nationale, les débats font rage depuis le 6 février, entre une coalition présidentielle en manque de moyens faute d'une majorité absolue, et des oppositions déterminées à aller le plus loin possible, comme en témoignent les plus de 20.000 amendements présentés par la NUPES (coalition de gauche). Celle-ci a annoncé, lundi soir, retirer un millier d'amendements, un geste jugé insuffisant par le gouvernement, qui compte sur le soutien de la droite républicaine pour faire valider son projet, avant de le renvoyer au Sénat le 17 février, au lendemain d'une nouvelle journée de mobilisation et de manifestations des syndicats. "Le débat entre dans une semaine cruciale", estime, de son côté, le politologue Jérôme Besnard, pour qui les discussions à la chambre basse du parlement "ancrent Emmanuel Macron dans une position d'entre droite, faute de pouvoir encore parler à la gauche". Le parti Les Républicains (droite) officiellement favorable à la réforme est au "bord de la crise de nerfs" entre libéraux et gaullistes sociaux, note le professeur de droit, faisant valoir qu'à l'Assemblée nationale, la NUPES assume de jouer "les trouble-fête quitte à enliser le débat dans une débauche d'amendements législatifs". De son côté le Rassemblement nationale (RN – extrême droite) de Marine Le Pen joue la carte de l'opposition "franche mais responsable", selon M. Besnard. Avec MAP