Des milliers de Sénégalais ont manifesté mercredi après-midi à Dakar contre le rejet de la liste nationale de l'opposition pour les prochaines législatives et plus généralement contre le pouvoir. Réunis à la place de la Nation au centre de Dakar, militants et citoyens ont répondu à l'invitation de la coalition, car déclarent-ils, la démocratie est en recul dans le pays, depuis l'avènement du président Macky Sall. Une foule dense largement drapée dans les couleurs nationales vert, or et rouge s'est rassemblée sur la place de la Nation dans une ambiance festive de musique et de chants alors que les tensions politiques du moment faisaient craindre un réveil des passions et des violences de mars 2021. Le principal opposant au pouvoir, Ousmane Sonko, a priori écarté des législatives par une récente décision du Conseil constitutionnel, a été accueilli sous les vivats à son arrivée sur cette vaste esplanade s'étendant autour d'un immense obélisque commémorant l'indépendance. C'est le lieu habituel des manifestations, à distance de la présidence et du centre politique. Selon Momar Diongue, journaliste et analyste politique, « Il faut se rendre à l'évidence et admettre que le Sénégal est semblable à un bateau ivre, voguant en eaux troubles, à la merci des vagues et susceptible de se fracasser contre les récifs. Inconscients, on en oublie que nous n'avons pas le gigantisme d'un bateau, encore moins sa solidité. » Une coalition d'opposition a appelé à manifester contre le président Macky Sall sur différents thèmes: les manoeuvres dont elle l'accuse pour éliminer politiquement ses adversaires, l'intention qui lui est prêtée de briguer un troisième mandat en 2024, mais aussi la hausse des prix. Depuis le dépôt de demande d'autorisation de manifester, ces préoccupations ont été rejointes par la question de la participation de M. Sonko et d'un certain nombre de personnalités d'opposition aux législatives du 31 juillet. Le Conseil constitutionnel a créé une situation pleine d'incertitude en confirmant vendredi soir le rejet de la liste nationale de Yewwi Askan Wi, menée par le parti de M. Sonko. Cela revient à écarter des élections M. Sonko, troisième de la présidentielle de 2019 et candidat déclaré à celle de 2024. « Les complaintes de l'opposition semblent justifiées pour toutes ces raisons, elle n'est pas non plus exempte de reproches. Divisée, désorganisée et peu solidaire en son sein, elle facilite la tâche à Macky Sall qui n'a jamais caché sa volonté de la « réduire à sa plus simple expression .», déclare M. Diongue Les législatives visent à renouveler les 165 députés de l'Assemblée nationale, largement dominée par la coalition présidentielle. Mais le problème c'est au-delà des affaires d'élections. Dans son analyse, Momar Diongue déclare que « de la justice à la presse, en passant par l'administration et la société civile, les remparts de la démocratie s'effilochent ou s'effondrent l'un après l'autre. Et c'est là que réside toute la gravité de l'instant que nous vivons au plan politique. Les acteurs sont à couteaux tirés sans qu'aucun rempart ne se dresse entre eux et qu'aucun régulateur social ne s'interfère pour éviter le pire. »