L'histoire abonde d'ironie. La sortie humiliante de l'armée américaine d'Afghanistan, quasiment 20 ans après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 est une tragique illustration de cet aphorisme. Ce triste anniversaire intervient au moment le plus périlleux de la jeune présidence de Joe Biden, lui qui se présente pourtant comme le dirigeant expérimenté capable d' »unifier » l'Amérique. Dans la foulée du chaos du retrait d'Afghanistan, la cote de popularité du locataire de la Maison Blanche est tombée à 43 % selon le dernier sondage NPR/PBS NewsHour/Marist. Ce recul de 6 points de pourcentage par rapport à l'enquête menée en juillet, constitue le score le plus faible pour Biden dans ce sondage depuis sa prise de fonction en janvier dernier. Dans une récente tribune, le chroniqueur du New York Times, Bred Stephens, offre un réquisitoire sans détour sur la situation aux Etats-Unis 20 ans après le 11 septembre 2001. « Nous commémorons la première grande victoire djihadiste sur l'Amérique, en 2001, juste après avoir livré la deuxième grande victoire djihadiste sur l'Amérique, en 2021. Le mémorial du 11 septembre au World Trade Center – de l'eau chutant en cascade dans un vide, puis s'écoulant, hors de vue, dans un autre – n'a jamais été aussi approprié », écrit Stephens. Les attentats du 11 septembre 2001 furent sans nul doute un tournant dans l'histoire des Etats-Unis. → Lire aussi : Procès des terroristes du 13 novembre 2015 : Un procès du « dérèglement politique du Monde » Pour huit Américains sur dix, ces événements ont à jamais changé le pays. Près de la moitié (46 %) disent que les événements du 11 septembre ont changé le pays pour le pire, tandis que 33 % disent qu'ils l'ont changé pour le meilleur, selon un récent sondage de Washington Post-ABC News. Ce sentiment contraste fortement avec les réactions des Américains au même sondage en septembre 2002. Quelque 55% des sondés estimaient alors que le 11 septembre avait changé le pays pour le mieux. Pour plusieurs observateurs, ce changement d'opinion s'inscrit dans le cadre d'une tendance générale de perte de confiance des Américains dans leur gouvernement, dans les médias et les autres institutions. Pour la chroniqueuse du Washington Post Jennifer Rubin, « la confiance est l'autre victime du 11 septembre ». « De même que les attentats du 11 septembre ont suscité un élan de patriotisme et une confiance presque naïve dans le gouvernement pour nous protéger d'une répétition de cette journée, la campagne ingagnable qui a suivi pour mettre en place un gouvernement national autonome en Afghanistan et la guerre malavisée en Irak ont contribué à faire chuter la confiance dans le gouvernement à des niveaux lamentables dont elle ne s'est toujours pas relevée », a expliqué Mme Rubin. Pour certains, la pandémie de coronavirus est un tournant tout aussi profond de l'histoire des Etats-unis que le fut le 11 septembre il y a vingt ans. Avec plus de 653.000 morts, la pandémie est un 11 septembre plus lent, plus macabre et dont les conséquences ne sont pas prêtes de s'estomper. « La pandémie de Covid de 2020 et son lot de décès ont été une sorte de 11 septembre qui aurait dû rassembler le pays, mais qui ne l'a pas fait. Le meurtre de George Floyd en milieu d'année a été utilisé pour accentuer les divisions », commente le Wall Street Journal. En effet, rien n'illustre autant les clivages politiques qui se sont métastasés aux Etats-Unis au cours des 20 dernières années que la pandémie de coronavirus. Avec 47% des Américains qui ne sont toujours pas entièrement vaccinés, malgré des vaccins abondants et à portée de mains, le pays enregistre toujours des statistiques affolantes en termes de mortalité et d'infections quotidiennes au virus. Au milieu de cette ambiance délétère, à New York, où le traumatisme du 11 septembre est indélébile, le Bureau du médecin légiste en chef de la ville de New York offre une lueur d'espoir. Ce dernier a en effet réussi à identifier deux nouvelles victimes des attaques contre le World Trade Center, quelques jours seulement avant le 20ème anniversaire de la tragédie. Selon le New York Times, les médecins légistes testent sans relâche plus de 22 000 parties de corps récupérées sur le site des tours jumelles, à Ground Zero. La plupart des tests sont effectués à partir de fragments d'os de la taille d'un Tic Tac. L'effort de longue haleine pour identifier les victimes des attaques du World Trade Center est considéré comme l'enquête médico-légale la plus importante et la plus complexe de l'histoire des Etats-Unis. « Peu importe le temps qui passe depuis le 11 septembre 2001, nous n'oublierons jamais, et nous nous engageons à utiliser tous les outils à notre disposition pour faire en sorte que tous ceux qui ont été perdus puissent retrouver leurs familles », a promis Barbara Sampson, médecin légiste en chef de New York. ( Avec MAP )