Le Général de Gaulle dont la présidence a coïncidé dans les années 60 avec les « Trentes glorieuses » avait incarné par son charisme et sa forte personnalité la grandeur de la France. D'autres grands Présidents lui ont succédé. Mais depuis deux décennies, les effets de la mondialisation et en l'absence de projets politiques structurants et mobilisateurs, les français et la classe politique s'interrogent sur leur avenir. L'élection d'Emmanuel Macron, un homme neuf, brillant et jeune a été prémonitoire d'un changement de paradigme socio-électoral et politique en France. Les anciens clivages droite-gauche ont perdu de leur impact sur l'électorat. Son élection avait provoqué un « big bang politique » et un vent d'optimisme chez les français. Son action avait commencé à avoir des résultats positifs sur la croissance économique et le chômage. Mais la crise sanitaire a interrompu la trajectoire positive enclenchée. Aussi, peut-on s'interroger si La France ne connaîtrait-t-elle pas un nouveau « big-bang » politique lors de la prochaine élection présidentielle prévue en 2022. Mondialisation et ruptures politiques en France : Depuis près de deux décennies, avec l'émergence d'un monde multipolaire, la classe politique française s'interroge sur la place de la France dans le monde. La seule réponse viable sur laquelle se sont appuyés les dirigeants français successifs a été de s'appuyer sur l'ensemble européen pour en faire un pôle de puissance capable de faire face à l'expansion de la Chine, de la Russie, de l'Inde... et aussi face aux autres regroupements régionaux. Mais cette ambition est de plus en plus contrariée par les divisions de l'Europe et par l'absence d'adhésion des populations à céder des parts de souveraineté aux structures européennes. « L'isolationnisme » des Etats-Unis enclenchée par l'ex Président Trump au cours des dernières années dont il sera difficile de se relever rapidement par l'équipe Biden a fini par compliquer la tâche. D'autre part, les crises récurrentes causées par les effets notamment d'une mondialisation erratique et non maîtrisée ont laminé les partis politiques de gauche comme de droite évoluant dans le cadre républicain. Les menaces sur la croissance économique et le modèle social, ont généré des phénomènes sociopolitiques complexes qui s'expriment notamment par certaines formes de « crise identitaire et de repli communautariste ». Cela signifie également que la France a changé. Ces changements commencent à faire l'objet d'un examen attentif par les chercheurs et analystes de la société française. Par exemple, l'ouvrage intitulé « L'archipel Français » dont l'auteur n'est autre que Jérôme Fouquet, connu pour être un expert en matière de sondages, met en perspective finement à partir de données chiffrées les bouleversements de la société française depuis près de 30 ans. Il relève à travers ses analyses que la France était devenue selon lui une nation « multiple et divisée ». L'une de ses conclusions serait que l'élection du Président Macron dont il qualifie l'évènement de « big bang » serait l'un des résultats de ces bouleversements socioculturels en France. Mais à l'instar de ses prédécesseurs immédiats MM. Sarkozy et Hollande, ils ont vu leurs ambitions pour la France broyées par les crises inédites et profondes de dimension mondiale (crise financière, crise sécuritaire et terrorisme, croissance mondiale ralentie...). Aussi, peut-on s'interroger également si la prochaine élection présidentielle qui se déroulera dans un contexte de crises multiples aigües: effets de la crise sanitaire, ralentissement économique, secteurs économiques sinistrés... ne risqueraient pas d'entraîner un nouveau « big bang politique » avec un fort virage droitier comme certains sondages le prédisent déjà. Quels scénarios pour la prochaine élection présidentielle ? la France post-Covid 19 : Selon une récente édition du Journal du Dimanche du 10 avril 2021 (JDD) qui présente les résultats d'un sondage IFOP sur les prochaines échéances électorales présidentielles, les chiffres indiquent les données suivantes : « ... si l'élection avait lieu ce dimanche, aucun des prétendants de gauche à la succession d'Emmanuel Macron ne serait en mesure de se qualifier au second tour. Dans chacun des onze scénarios testés par l'institut de sondages, la première manche serait nettement dominée par le match entre Marine Le Pen (25 à 27%) et Emmanuel Macron (23 à 28%). Mais ce n'est pas tout. Même en cas de duel au second tour face à la candidate d'extrême droite, ni Jean-Luc Mélenchon, ni Yannick Jadot et ni Anne Hidalgo ne parviendraient à la battre, récoltant respectivement 40%, 47% et 50% des voix ». Source JDD-France (édition du 10 avril 2021) Par conséquent, il y a tout lieu de croire que la prochaine élection présidentielle sera probablement un indicateur de la direction qui sera prise par la France post-Covid 19. Déjà, est-il annoncé qu'au second tour, selon les sondages d'opinion actuels « le duel Macron-Marine Le Pen » sera- probablement le scénario le plus plausible, autrement dit, un « remake » de la précédente élection présidentielle. En 2017, le Président Macron était fort d'une image d'un homme neuf, jeune et se situant au-delà des clivages gauche-droite. Il avait argumenté, lors du débat décisif avant le second tour, qu'il représentait « la France de l'ouverture et des lumières » contre son adversaire Marine Le Pen dont il reprochait de prôner une politique « du repli xénophobe et populiste » qui ne sied pas à la France. Les électeurs l'avaient alors suivi et choisi pour diriger la France. Pour la prochaine présidentielle, les observateurs de la chose politique en France soulèvent cette fois-ci de sérieux doutes sur une nouvelle victoire de « Macron face à Marine Le Pen ». En effet, les préoccupations des Français – harassés par la crise sanitaire et un climat anxiogène grandissant et entretenu par certains médias et leaders d'opinion qui se plaisent à pointer à longueur de journées et de soirées les déficits de gestion de la crise sanitaire, économique et sociale auxquels, certains n'hésitent pas en rajouter sur la question migratoire et sécuritaire, thèmes qui reviennent de manière lancinante à toutes les élections, ou encore plus récemment celui de « l'islamisme politique» – ne seraient-elles pas en train de faire basculer l'électorat modéré de droite et de gauche vers les extrêmes et plutôt celui de droite que prétend incarner la candidate du Rassemblement national, Marine Le Pen. La France post-Covid 19 et le besoin de nouveaux modèles sociétaux : Néanmoins, toute une frange de la population française demeure imperméable aux discours extrémistes notamment les jeunes dont l'intérêt politique pencherait plutôt sur des thématiques innovantes : nouveaux modèles de société, climat, lutte contre les inégalités, justice sociale, accès élargi à la culture et à l'éducation, services publics performants. La question climatique les mobilise fortement et une bonne partie des électeurs continuent de rejeter l'obsession des discours polarisés sur les thèmes de la migration, de l'islam et de la sécurité présentés comme la source de tous les maux de la France. Cette frange de la population, toutes catégories confondues, veut des réponses politiques intelligentes et inclusives en lieu et place des « approches sécuritaires » considérées comme la panacée. Il y a fort lieu de croire que les bons résultats des mouvements écologistes qui ont su mobiliser ces électeurs lors des précédentes échéances électorales puissent être les leviers de nouvelles propositions et de nouvelles alliances politiques qui changeront la donne lors de la prochaine présidentielle. De l'imprévisibilité en politique : Les sondages présentés ci-haut comme il est souligné dans l'article du JDD, représentent une photographie à l'instant T. Or, nous sommes encore à un an des élections présidentielles. Beaucoup d'évènements pourraient survenir pour démentir les pronostics présentés comme des tendances lourdes de l'opinion des français. Une grande partie des Français et de la classe politique afficheraient d'ores et déjà leur rejet en 2022 d'un nouveau duel « Macron-Marine Le Pen ». Cela pourrait conduire à des scénarios inédits surtout si la gauche s'entendait sur un candidat commun « rassembleur et consensuel » et que la droite républicaine ferait de même. Les problèmes actuels de la France ne pourraient se résoudre par les extrêmes. Un sursaut sur des options politiques plus conformes aux traditions de modération de la France permettrait de conserver sa place singulière dans le monde. Pour cela une mobilisation collective est indispensable pour concevoir de nouveaux schémas de pensée politique. Les prochaines élections régionales pourront être prémonitoires. A suivre... TB-Economiste