La poussée de criminalité en Algérie avec la hausse remarquable du nombre de féminicides dans différentes régions du pays a extrêmement choqué la société algérienne, en relançant de nouveau le débat sur la peine de mort, qualifié de « faux » par certains acteurs, qui dénoncent « une opération de diversion ». Ce débat a ressurgi notamment avec la découverte de trois corps de femmes sans vie entre les 2 et 10 octobre à Tamanrasset (sud), à Thenia (nord) et à El Eulma (nord-est), qui a provoqué une véritable onde de choc. L'indignation était tellement intense que de nombreuses franges de la société réclamaient justice pour ces jeunes femmes, alors que d'autres voix se sont élevées pour exiger l'application de la peine capitale à l'encontre des homicides. Si elle est largement soutenue par un grand nombre d'Algériens, la peine capitale n'est pas abolie dans ce pays maghrébin, mais elle n'est plus appliquée depuis septembre 1993, date à laquelle elle a fait objet d'un moratoire. Les arguments avancés par les différents acteurs en faveur de l'abrogation de la peine de mort « montrent plus que jamais que c'est une peine injuste », selon Belkacem Benzenine, chercheur au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle, qui appelle le gouvernement à un « débat serein » sur cette question. Selon lui, ce n'est pas l'opinion publique qui doit décider de ce qu'il y a à faire devant une telle situation. « Il y a une justice et des psychologues, des juristes et des spécialistes des droits de l'Homme qui doivent intervenir. L'Algérie est liée par des conventions internationales, tout ça doit être pris en compte », a-t-il argué. Cette position est partagée par la Ligue Algérienne de Défense des Droits de l'Homme (LADDH). Son président Me Noureddine Benissad estime que la douleur des victimes, si respectable soit-elle, ne doit pas commander à une société la mort du coupable, expliquant que tout le progrès historique de la justice a consisté, au contraire, à dépasser la « vengeance privée ». Il appelle d'ailleurs à ne pas assimiler la suppression de la peine de mort à une impunité des criminels, tel que distillé par des courants populistes qui surfent sur la peur, mais à la remplacer par la condamnation à vie comme alternative. « Pourquoi réparer un crime par un autre crime, faut-il par la justice ? Une justice qui tue n'est pas une justice », dit-il. Pour sa part, Nadia Aït Zaï, juriste algérienne et membre du Collectif Maghreb-Egalité 95, a souligné que la peine de mort « ne va pas empêcher les criminels de passer à l'acte », plaidant plutôt pour un durcissement des peines. De son côté, Wiame Awres, militante féministe a souligné qu'il s'agit d'un « faux débat », qui « nous éloigne des réelles questions concernant les violences faites aux femmes ». Elle a plaidé pour l'augmentation des centres d'hébergement pour les femmes et l'amélioration de leur situation économique pour qu'elles soient indépendantes financièrement. Pour d'autres acteurs, au lieu de faire une diversion aux vrais problèmes auxquels sont confrontés les Algériens, il faudrait plutôt mener un large débat sur les défis auxquels l'Algérie est confrontée et sur les moyens de les relever, tout en accordant une attention particulière à la jeunesse algérienne, qui représente la majeure partie de la population. Mais, face à la recrudescence des crimes atroces commis contre des innocents en Algérie, notamment l'enlèvement de femmes suivi du décès de la victime, les auteurs de ce type de criminalité ne devraient pas bénéficier de circonstances atténuantes, ni d'adaptation de la peine, préconisent les autorités. Ces criminels ne pourront pas non plus bénéficier de « procédures de permis de sortie, de semi-liberté, de placement extérieur ou de libération conditionnelle », mais devront purger la totalité de la peine en un « environnement clos », prévoit un projet de loi conçu à cet effet. Indignée face à la « banalisation » de meurtres perpétrés contre des personnes sans défense, une partie de l'opinion publique algérienne a demandé explicitement le rétablissement de la peine capitale, notamment contre les kidnappeurs d'enfants et les assassins. « L'exécution doit être appliquée au tueur, pour être un exemple pour tous ceux qui pensent à la même action », avaient réclamé des internautes, après l'assassinat d'une jeune fille début octobre. Bien que son abolition soit réclamée par de nombreux acteurs, la peine capitale reste appliquée dans plusieurs pays sur tous les continents. Les acteurs qui se prononcent contre cette peine comme sentence pour réparer une injustice, la jugent « injustifiable, inhumaine, inefficace et irrévocable ». ( Avec MAP )