« Au cours du mois dernier, l'avance de Biden sur Trump a été à la fois incroyablement stable et inhabituellement importante », tels sont les mots choisis jeudi par le site américain spécialisé dans l'analyse des sondages FiveThirtyEight pour résumer l'état des lieux à quatre moins d'un duel qui s'annonce serré entre les deux prétendants à la Maison Blanche. Confronté à une double crise sanitaire et sociale historique, Donald Trump a vu sa côte de popularité s'éroder au cours des derniers mois. D'une part, les Américains sont de plus en plus nombreux à critiquer la gestion par l'administration Trump de la pandémie de coronavirus. Alors que de nombreux pays occidentaux ont aplati la courbe du virus, les Etats-Unis enregistrent des niveaux records de nouvelles infections quotidiennes (plus de 59.000 mercredi). D'autre part, Trump est la cible des manifestations contre le racisme et la brutalité policière qui secouent le pays depuis le meurtre de George Floyd le 25 mai dernier, asphyxié sous le genou d'un policier à Minneapolis. Depuis la mi-juin, l'avance de l'ancien vide-président Joe Biden sur Trump oscille dans une fourchette étroite de 8,9 à 9,6 points de pourcentage, selon la moyenne des sondages nationaux de FiveThirtyEight. Selon la même source, aucun candidat n'a réussi à combler un tel retard à quatre mois de la présidentielle. Outre les sondages, Trump est en train de lâcher du lest dans un domaine où sa domination était incontestable jusqu'ici, celui des levées de fonds de campagne. Entre avril, mai et juin, la campagne présidentielle de Donald Trump a levé 266 millions de dollars, dont 131 millions pour le seul mois de juin. De son côté, son adversaire démocrate a totalisé 282 millions de dollars (141 millions en juin). Biden réussit ainsi à lever plus d'argent que le président pour le deuxième mois consécutif, malgré la crise économique. Pour tenter de renverser la tendance, Trump s'est tourné vers l'une de ses armes les plus redoutables, les rassemblements électoraux. Faisant fi de l'avis des experts de santé, Trump a organisé un rassemblement le 20 juin à Tulsa, en Oklahoma, où son directeur de campagne avait promis qu'une foule immense accueillerait le président, allant jusqu'à prononcer le chiffre surprenant d'un million de tickets vendus. Seulement 6.000 personnes ont finalement assisté à l'événement. Loin de se laisser déstabiliser par ce revers médiatique, Trump s'est tourné vers sa véritable force, sa base électorale. Jouissant du soutien quasi inconditionnel des électeurs républicains (91% selon Gallup), le Locataire de la Maison Blanche a saisi le mouvement de destruction de statues des Confédérés par les manifestants à travers le pays pour se proclamer comme le défenseur de la liberté d'expression. Le président a ainsi menacé d'une peine allant jusqu'à 10 ans de prison quiconque tente de vandaliser les statues sur les terres fédérales, tout en promettant d'opposer son véto à un projet de loi bipartisan qui vise à changer les noms des bases militaires américaines portant les noms de soldats confédérés. Sa stratégie, Trump l'a étayée lors d'un discours symbolique au Mont Rushmore le jour de la Fête de l'Indépendance. Idéalement placé sous les sculptures géantes de George Washington, Thomas Jefferson, Abraham Lincoln et Theodore Roosevelt, le 45ème président des Etats-unis s'est plu dans son rôle de défenseur du patrimoine américain face aux ultra-libéraux, adeptes de la « Cancel Culture » (la culture de l'annulation). « Notre nation est témoin d'une campagne sans merci pour effacer notre histoire, diffamer nos héros, effacer nos valeurs et endoctriner nos enfants. Des foules en colère tentent de démolir les statues de nos fondateurs, de défigurer nos monuments les plus sacrés et de déclencher une vague de crimes violents dans nos villes », a martelé le Locataire de la Maison Blanche, s'insurgeant contre cette « culture de la dénonciation », qu'il a qualifié de « totalitarisme ». Pour le moment, il est difficile de prévoir le succès ou non de la stratégie électorale du président américain. Plusieurs de ses partisans ont néanmoins critiqué son approche, estimant important de se focaliser plutôt sur les points faibles de Joe Biden. « Si le président peut recommencer à dessiner les contrastes entre lui et Joe Biden, que cela devienne une course entre Trump et Biden, je pense que le président s'en sortira extraordinairement bien », a notamment déclaré sur Fox News l'ancien chef de cabinet de la Maison Blanche, Mick Mulvaney. « Si la course finit par se réduire à un concours de popularité ou, pire, un référendum sur le président Trump, je pense qu'il à de vrais vents contraires à affronter », a-t-il prévenu.