Depuis hier, vendredi 13, des photos circulant sur la toile montrent à quel point la panique peut devenir une psychose collective voire une paranoïa. Que dire et que penser face à des étals dévastés comme par un souffle de folie qui ne dit pas son nom ? Face à des caddies remplis comme pour faire face à des mois de famine déclarée ? Face à des gens qui se ruent à l'attaque dans les supermarchés pour rafler les provisions ? Allez donc, Monsieur le Chef de gouvernement, dans la grande surface la plus proche et vous verrez des gens en détresse. Des consommateurs qui redoutent des pénuries ou des rationnements sur les produits de première nécessité. Or on n'en est pas encore là ! Ce ne sont pas des scènes de films catastrophes mais une situation qui nous met, malheureusement, face à notre réalité. Pourtant, depuis que le coronavirus a mis la planète Terre face à son impuissance, les Marocains, comme à leur habitude, ne se sont pas sentis concernés. Bien évidemment, cela n'arrive qu'aux autres. Même à l'annonce du premier cas confirmé, la réaction des Casablancais était hors du commun. Ils se sont même attroupés devant l'hôpital pour se raconter des blagues drôles. Là encore, ils ont usé de leur humour pour esquiver un mal imminent. Mais quand l'état d'urgence est déclaré aux Etats-Unis juste après six cas confirmés pour faire face à l'épidémie, de même en Espagne et dans plusieurs autres pays, il y a de quoi s'inquiéter tout de même, Monsieur le chef de gouvernement, puisqu'aujourd'hui nous en sommes quand même à dix-sept, sous nos cieux. La Chine a construit deux hôpitaux en dix jours et avec cela elle était débordée. L'Italie, avec ses moyens, appelle à l'aide parce que dépassée par l'épidémie et parce que les hôpitaux sont en détresse. Il y a lieu de se demander si on peut se fier à notre système de Santé et à nos hôpitaux. Et s'ils venaient à être submergés ? Dites-nous ce que vous comptez faire parce que nous sommes persuadés que vous avez pensé à un plan B. Certes, le Maroc est toujours à la première phase de son plan national de veille et de riposte à l'infection mais usez de transparence et communiquez. Nous sommes conscients que vous faites certainement le nécessaire mais nous voulons vous faire confiance, nous avons besoin de vous faire confiance. Donnez-nous le sentiment que vous vous souciez pour nous, parlez-nous, expliquez aux citoyens au lieu de les laisser livrés à eux-mêmes. Communiquez pour ne pas laisser les rumeurs se propager à la vitesse du coronavirus parce que, sachez-le, les fake news et les messages diffusés sur whatsApp sont pires que le virus lui-même surtout que certains médias se mettent, eux aussi, au jeu de l' « intox » pour générer plus de clics. Le Maroc a décidé de suspendre les liaisons maritimes et aériennes avec l'Espagne, la France, l'Algérie, l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Portugal. Il a opté pour la fermeture des écoles, collèges, lycées et universités. Ce sont des mesures drastiques avouons-le. Mais communiquez pour que les citoyens soient rassurés et pour qu'ils sachent qu'on n'est pas en temps de guerre et que le coronavirus n'est pas la fin du monde. Les gens craignent le pire et c'est légitime car la peur est un sentiment humain normal qui se manifeste face à l'inconnu ; et chez nous c'est le flou total. Il s'agit de l'une des crises sanitaires les plus graves que l'humanité ait connue mais la raison et la sagesse doivent nous inciter à faire montre de plus de sérénité, de civisme et de responsabilité. Les citoyens ont besoin d'un interlocuteur, d'un homme de contexte pour gérer la crise et la panique, pour communiquer, expliquer, tranquilliser et recadrer en cas de besoin. Nous en tant que médias nous nous devons de nous mettre à votre disposition pour sensibiliser, mobiliser et calmer les esprits mais faites-nous confiance, manifestez-vous et montrez-vous. A notre grand malheur, notre expérience nous rappelle que chez nous, la gestion de crise n'existe pas. C'est plutôt : « Ne vous inquiétez pas, tout va bien. » On attend que les choses se compliquent pour crier : « Il faut sauver ce qui reste à sauver ». Nous travaillons donc dans l'urgence et sous pression. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une pandémie mondiale ingérable, une menace qui n'a pas de frontières et le virus se faufile comme un serpent froid sans crier gare et à vitesse exponentielle. On ne badine pas avec le coronavirus qui a mis à l'épreuve les grandes puissances du monde. Vous avez pris des décisions et des mesures courageuses et nous ne pouvons que vous en féliciter. Mais communiquez Monsieur le Chef de gouvernement, les gens ont besoin d'être rassurés, de savoir que le coronavirus n'est pas la mort systématique. Par contre, expliquez-leur qu'ils peuvent, chacun à son niveau, limiter la propagation de la maladie. Responsabilisez-les ! Si vous préférez le silence pour ne pas semer la panique cela donne l'effet inverse. De grâce, Monsieur le chef de gouvernement, communiquez !