La question de savoir à quel moment un athlète atteint d'un quelconque handicap doit se retirer des compétitions pour les valides et entamer une reconversion dans le handisport, continue d'alimenter le débat dans plusieurs filières sportives. Par Ali Refouh Si le problème est unique, les approches, par contre, sont différentes. Dans le cyclisme, le dernier "débat" en date a animé les premières journées du 23è Tour du Maroc, qui enregistre la participation de deux coureurs portant un handicap, à savoir le Roumain Carol Eduard Novak et le Tchèque Jiri Jezek, qui défendent les couleurs de l'équipe roumaine de Tusnad. Portant chacun une prothèse à l'une de leurs jambes respectives, ces deux coureurs handicapés moteurs, peuvent aisément être classés dans le paracyclisme dans la catégorie LC2, destinée aux athlètes handicapés d'une seule jambe et capables de pédaler normalement en utilisant leurs deux jambes, avec ou sans prothèse. Mais leur participation au Tour semble faire l'unanimité, malgré quelques voix défavorables qui se sont vite éteintes. Contrairement à d'autres sports, où des cas similaires se sont vu refuser la participation dans des compétitions pour valides, pour motif que leurs prothèses leur procurent un avantage par rapport aux autres concurrents, le cyclisme semble, du moins actuellement, animé par une approche sociale, voire humaine, selon laquelle la participation de coureurs handicapés en dehors du paracyclisme, véhicule des valeurs de courage, de volonté, d'endurance et de dépassement de soi, qui sont propres au cyclisme. Plus encore, écarter les cyclistes handicapés des compétitions pour valides serait une forme de discrimination, selon des responsables du cyclisme. "Il y a eu une petite confusion entre la classification de ces coureurs dans le cyclisme ou le paracyclisme. Mais puisque ces deux participants s'insèrent parfaitement dans le déroulement sportif, malgré leur handicap, il n'y a pas de problème", argumente M. Jacques Sabathier, commissaire de l'Union cycliste internationale (UCI) au 23è Tour du Maroc. Novak et Jezek sont "deux cyclistes handicapés, qui courent pour une équipe continentale, donc c'est une équipe professionnelle qui est agrée par l'UCI. Ils ne posent aucun problème sur les niveaux sécuritaire et sportif et leurs prothèses ne leur procurent pas un quelconque avantage sur les autres coureurs et n'affectent pas le déroulement normal de la course", a-t-il expliqué. Vantant les qualités sportives de ces deux coureurs qui "ont fait les premières étapes à des allures très élevées et assurent une bonne présence", M. Sabathier, qui ne cache pas son admiration pour " leur courage", ne tarde pas à mettre le doigt sur l'existence d'une certaine lacune dans le règlement à ce niveau. "On ne peut pas juger à quel degré d'handicap un coureur professionnel doit être classé dans le paracylisme ou dans le cyclisme. Dans la réglementation actuelle il n'y a rien qui pourrait dire qu'on ne peut pas accepter des coureurs handicapés dans des courses professionnelles ", a-t-il souligné. Mais le raisonnement social semble prendre le dessus en fin de compte. Ecarter ces coureurs serait "à la limite de la discrimination, alors que la tendance actuelle sur le niveau social est d'encourager l'intégration des handicapés", indique le commissaire de l'UCI, qui se demande "pourquoi donc ne pas faire de même au le niveau sportif, d'autant que les prothèses ne procurent aucun avantage aux coureurs. Au contraire, on peut dire qu'ils sont désavantagés". Pour le président de la Fédération Royale marocaine de cyclisme (FRMC), M. Mohamed Belmahi, la présence de ces deux coureurs "ne pose pas de problème tant que l'handicap est physique et non pas mental ". "Il ne s'agit pas d'une première dans le Tour du Maroc qui a déjà vu évoluer des coureurs handicapés ", a-t-il rappelé, estimant que "la participation de ces coureurs est une preuve de courage et de défi qu'il faut appuyer, un surplus pour le Tour, surtout qu'ils réalisent de bons résultats et une preuve que l'handicap ne peut pas constituer un obstacle tant que la volonté et l'espoirs sont là ". "Le Tour est ouvert à toutes les catégories dans les limites accordées par les règlements en vigueurs ", a-t-il encore affirmé, évoquant " la tendance actuelle dans la société marocaine qui va dans le sens de l'intégration des personnes aux besoins spécifiques". Avant la quatrième étape, qui relie lundi Khénifra à Fès (165 km), Jezek est 67è et Novak 94è au classement général qui comprend 116 autres coureurs valides. Est-ce suffisant pour plaider en faveur de la participation d'handicapés en dehors du paracyclisme, ou faut-il établir des limites claires entre le cyclisme et son dérivé de l'handisport?, s'interrogent des observateurs sportifs.