Signe de vie dans le désert, les khettaras ont le vent en poupe. Leur vertu socio-économique vient d'être de nouveau mise en valeur par les membres du Conseil d'administration de l'Agence du bassin hydraulique Guir-Ziz-Rheris réunis en début de cette semaine à Errachidia. Par Mustapha Elouizi Cet ingénieux système de mobilisation des eaux souterraines, est, en effet, menacé de disparition et aujourd'hui de nombreuses khettaras sont à sec. Outre son caractère patrimonial, la khettara renseigne sur un mode de vie dans un espace oasien qui fait face à la désertification et à une dégradation écologique sans commune mesure. Grâce à un débit moyen drainant les nappes phréatiques estimé à 260 l/s, soit 8 m3 par an, selon les spécialistes, les khettaras permettent une alimentation régulière qui a fait ses preuves par le passé, eu égard aux fluctuations piézométriques à caractère répétitif constant. Ainsi et à chaque fois que l'on perd une khettara, c'est de nombreuses exploitations agricoles qui disparaissent, c'est aussi l'écosystème oasien qui est affecté, puisque ce procédé assure systématiquement la préservation des conditions écologiques et naturelles. La perte des khettaras entraîne également la paupérisation d'une communauté prête à quitter son territoire géographique et social. Ce n'est donc pas uniquement la sécheresse qui est responsable de l'état de ces khettaras abandonnées, mais plutôt le manque d'entretien. En effet, la construction d'une khettara n'exige pas beaucoup de dépenses, mais son entretien permanent, à travers le curage des sables, nécessite une vigilance particulière. "Nous avons le devoir de préserver et de prendre soin de ce système ingénieux, écologique, respectant les cycles naturels, ce patrimoine hydro-agricole ancestral qui ne doit pas disparaître, à travers son aménagement et son entretien", fait remarquer Ali Kébiri, député de la province d'Errachidia et défenseur de l'environnement. Les experts comparent, à raison d'ailleurs, entre une khettara et un petit bébé: tous les deux doivent faire l'objet d'une attention et d'une vigilance particulières. L'entretien d'une khettara est un travail de longue haleine, d'où la nécessité d'une multitude d'opérations, notamment le nettoyage et le curage du sable, la correction des pentes et le reprofilage, la construction des puisards, le prolongement du puits de tête, etc... Comment gère-t-on l'eau acheminée par une khettara? C'est une loi coutumière appelée "droit de l'eau" qui régit la répartition, en fonction du volume des travaux fournis par usager, lors de la construction de la khettara. Ce volume de travail, converti en parts dont l'unité est appelée "ferdia", correspond à une durée de 12 heures d'irrigation. Par contre, sa réparation s'avère assez difficile, dans la mesure où elle pose beaucoup de problèmes s'apparentant, selon les experts, à la restauration de monuments historiques. Mais encore faut-il disposer d'une main-d'Âœuvre qualifiée et de moyens financiers suffisants. La baisse de revenus des petits agriculteurs du Tafilalet, engendrée par la baisse du niveau des nappes, entraîne, ipso facto, de nouveaux départs vers les centres urbains et c'est exactement ce cycle infernal qu'il faut briser. La création prochainement d'une Agence nationale des zones oasiennes mettra certainement le doigt sur ces déficits socioéconomiques. Outre son caractère économique, la khettara fait appel à un environnement social et naturel lié à des coutumes favorisant l'esprit du groupe et engageant tous les ayant-droits dans un processus d'entretien collectif rappelant l'approche participative, en vogue actuellement. Par ailleurs, la gestion du contexte social s'effectue en parfaite harmonie avec le développement démographique et la donne environnementale, de telle manière à préserver l'authenticité des activités réalisées.