Le procès de l'ancien président égyptien Hosni Moubarak, renversé le 11 février par la rue égyptienne après 29 ans de pouvoir, a repris lundi dans l'enceinte de l'école de police au nord du Caire avec l'audition de témoins pour déterminer les responsabilités dans le meurtre de manifestants durant la révolution du 25 janvier. Cette audience sera marquée par l'audition de la déposition de quatre policiers, dont le chef du service des communications au sein de la force de la sécurité centrale (anti-émeutes) et des officiers responsables des salles des opérations de la même force, à la demande de l'accusation afin de prouver les charges contre Moubarak, ses fils Alaa et Jamal, son ministre de l'intérieur, Habib El Adly et six de ses collaborateurs. Les trois autres témoins convoqués, Emad Badr Saïd, Bassim Mohamed Otayfi et Mahmoud Gala Abdelhamid, sont également des policiers qui étaient présents dans cette même salle durant les 18 jours de la " révolution du Nil ". Contrairement aux premières audiences ayant lieu les 3 et 15 août, les débats marqués par l'image de l'ancien raïs, 83 ans, comparaissant allongé sur une civière, ne seront pas retransmis en direct à la télévision. Pour le président du tribunal, Ahmed Refaat, les retransmissions télévisées seront suspendues jusqu'à l'énoncé du verdict, l'objectif étant d'assurer la protection des témoins. Par ailleurs, une équipe de dix avocats koweïtiens ont rejoint la défense de l'ancien président. Ils affirment qu'il s'agit d'un " geste de gratitude à l'égard de Moubarak pour son soutien au Koweït durant l'invasion irakienne en 1990 ". Malgré les mesures de sécurité draconiennes mises en place en coordination pour assurer le bon déroulement de cette audience, des affrontements ont eu lieu entre opposants à Moubarak et forces de l'ordre. Agé de 83 ans, l'ancien président égyptien et ses fils, avaient plaidé non coupables des charges retenues contre eux lors de l'ouverture le 3 août de ce procès. Parmi les chefs d'accusation retenus contre Hosni Moubarak et ses deux fils figurent ceux d'"homicides volontaires et de tentative de meurtre de manifestants" ainsi que ceux d'abus d'influence, dilapidation délibérée de fonds publics et d'enrichissement privé illicite. Le parquet accuse également Moubarak d'avoir "participé avec Habib al Adli, l'ancien ministre de l'Intérieur et certaines autorités policières (...) au meurtre prémédité de plusieurs participants aux manifestations pacifiques à travers le pays". Selon des sources judiciaires égyptiennes, l'ex-président égyptien pourrait être condamné à la peine capitale s'il était reconnu coupable. D'après une commission d'enquête gouvernementale, 846 personnes ont été tuées et 6.476 autres blessées lors de ces manifestations.
Dans un rapport, la commission a fait état d'un " usage excessif de la force par les services de sécurité " contre les manifestations en ouvrant le feu à balles réelles, en postant des tireurs sur les toits et utilisant des véhicules pour faucher les protestants. Dans le cadre de ce procès, l'homme d'affaires Hussein Salem, très proche des Moubarak, est jugé par contumace. Lors de la première audience du procès, les avocats de la défense du Rais et des victimes avaient demandé l'audition Mohamed Tantaoui, ministre de la Défense de Moubarak avant de prendre la tête du Conseil suprême des forces armées égyptiennes, ainsi que l'ancien chef des services de renseignement Omar Souleimane et 1.600 autres témoins. Selon la défense, ce témoignage pourrait aider la Cour à déterminer si Moubarak a donné l'ordre au ministre de l'Intérieur Habib al Adli de tirer sur les protestataires ou si Adli a agi indépendamment. Pour l'avocat de l'ex-président égyptien, Me Farid al-Dib, " tout ce que Moubarak possède personnellement et que l'instruction a réussi à prouver, ce sont un compte de six millions de livres ". "Tout ce qui est dit actuellement au sujet de Hosni Moubarak et des membres de sa famille relève du mensonge ", a déclaré l'avocat. "Tout ce qu'on dit des millions amassés à l'étranger, des massacres de manifestants et de l'intention de nommer son fils cadet Jamal comme successeur est absolument faux ", a-t-il affirmé. Selon Me al-Dib, aucun chef d'accusation retenu contre l'ancien leader égyptien n'est étayé par des preuves concluantes. "Un peu plus d'un million de dollars dans une banque égyptienne et une petite maison à Charm-el-Cheikh, c'est tout ce qu'il (Moubarak) a accumulé en 62 années de fonction publique et de service militaire", a précisé l'avocat. Et d'ajouter que " personne n'a trouvé à l'étranger un seul dollar ni un seul mètre carré d'immobilier appartenant au prévenu ". Afin de disculper l'ancien raïs de l'accusation de " massacre de manifestants " sur la place Tahrir, Me al-Dib a évoqué les dépositions du principal témoin de cette affaire, le chef du service de renseignements généraux, Omar Souleimane. Ce dernier a confirmé que dès le début de la révolte, des combattants armés du groupe chiite libanais Hezbollah s'étaient infiltrés en Egypte pour déstabiliser le pays avec l'aide des extrémistes du mouvement des Frères musulmans. "Ce sont ces éléments qui ont participé aux massacres, aux attaques de commissariats de police et à la libération de milliers de criminels dangereux détenus en prison", a indiqué l'avocat. Après la chute du régime de Hosni Moubarak, des dizaines d'actions pénales ont été intentées contre d'anciens responsables égyptiens. Un grand nombre d'entre eux, dont le président lui-même et ses deux fils, ont été arrêtés et placés en détention provisoire.