Des centaines de milliers de fidèles sénégalais ont afflué cette semaine sur la ville de Touba, cité religieuse qui abrite chaque année la célébration du grand Magal de Touba qui commémore cette année le 115è anniversaire du départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, fondateur de la confrérie musulmane Mouride (1853-1927). Par Driss Hidass Une semaine durant, les fervents fidèles de la confrérie Mouride célèbrent la mémoire du fondateur de la Tariqa dans une ambiance de spiritualité et de ferveur marquée par de longs rituels de prières dans les nombreuses mosquées et mausolées de la cité religieuse. Cette petite cité reçoit en même temps, au pic de l'affluence, près de 4 millions de pèlerins venus des différentes régions du Sénégal et même de l'étranger. La Tariqa Mouride est la plus grande confrérie au Sénégal qui compte plusieurs autres confréries soufies. L'une des plus importantes de ces confréries soufies est celle des Tidjanes qui se distingue par sa présence dans presque tous les pays de l'Afrique de l'Ouest. Ce rassemblement énorme durant lequel la petite ville de Touba baigne dans une véritable marée humaine, est considéré comme la plus grande manifestation religieuse de l'Afrique. A l'origine de cet engouement de ferveur, un grand amour et une profonde vénération pour le saint homme qui a marqué profondément la vie spirituelle dans le Sénégal et s'est démarqué par sa farouche opposition à l'occupation étrangère, ce qui lui a avait valu l'éloignement de son pays en 1895. Le grand Magal de Touba est la commémoration de cet évènement. Ahmadou Bamba Mbacké, de son vrai nom Ahmad ibn Muhamad ibn Habib Allah, est un Cheikh et théologien issu d'une lignée de marabouts. Connu également sous le nom de Khadimou Rassoul (serviteur du prophète), il deviendra l'une des figures les plus importantes de l'islam dans l'Afrique de l'Ouest à travers la confrérie des Mourides qu'il fonda. Celui que les adeptes mourides appellent affectueusement Serigne Touba (le marabout de Touba) a mené une vie entièrement dédiée à la spiritualité, à l'adoration divine et au prêche de la bonne parole. Il fonda la ville de Touba en 1887. Résistant au colonialisme français et à sa politique d'acculturation religieuse, Bamba parvient à convertir à l'Islam plusieurs rois de la région à l'époque. Craint pour sa capacité à mobiliser de très nombreux disciples, il fût arrêté par les autorités coloniales qui l'exilent, en 1895, au Gabon. Après son retour triomphal, Bamba Mbacké fit construire la grande mosquée de Touba (centre du pays) autour de laquelle s'est érigée une petite ville du même nom et qui abrite actuellement son mausolée. La manifestation Grand Magal de Touba donne lieu chaque année la mesure de l'hospitalité légendaire du pays de la "Teranga" (hospitalité en Wolof). Les centaines de milliers de pèlerins qui affluent vers Touba ne se soucient guère de l'hébergement. Le gîte est gracieusement offert à tous les visiteurs. Tout se partage et on vit en communauté dans la convivialité durant toute la durée du Grand Magal. A l'occasion de cette manifestation, une véritable chaîne logistique est assurée par les talibés (adeptes de la confrérie) qui veillent à l'organisation de cette rencontre à côté du grand dispositif déployé par les pouvoirs publics. Chaque édition enregistre un record d'affluence malgré la rude épreuvde que constitue le le voyage sur les routes menant à Touba. Des milliers de véhicules de tous gabarits bondés de passagers, peinent à se frayer chemin et roulent au pas sur des files de plusieurs kilomètres. Les moments forts de la manifestation est l'apparition du grand Khalif général des mourides à la grande mosquée Serigne Touba. Le Khalif Serigne Bara Mbacké, plus haut dignitaire des mourides, officie à cette occasion des cérémonies religieuses et s'adresse aux fidèles pour prodiguer ses conseils et prêcher l'esprit et la philosophie mouride, où le spirituel cohabite avec une vie active et laborieuse. Le grand Magal c'est aussi des scènes de grandes foules autour des nombreux mausolées des marabouts et grands cheikhs de la Tariqa. Parvenir auprès du tombeau d'un mausolée pour prier et se recueillir requiert un effort considérable du pèlerin et surtout une grande patience sur les longues files d'attente devant les grands portails des mausolées. Le pays dont le champ religieux se caractérise par une richesse particulière des influences et écoles soufies, compte également d'autres confréries comme celle des Layène, fondée par le cheikh Limamoulaye, ou celle des Qadiris qui rassemble les adeptes du fondateur Cheikh Abdelkader Al-Djilali. Le Maroc constitue la principale source des écoles soufies qui ont réussi à s'implanter au Sénégal à travers de nombreux élèves et adeptes directs des grands maîtres fondateurs, comme c'est le cas de la Tariqa Tijaniya, fondée à Fès par le Saint Sidi Ahmed Tijani (1737-1815). La capitale spirituelle du Maroc, qui abrite le mausolée du Saint homme, constitue un haut lieu de spiritualité pour les millions de tidjanes, aussi bien au Sénégal que dans différents pays d'Afrique de l'Ouest. Tout fervent adepte de la Tariqa s'assigne comme devoir sacré de visiter, au moins une fois dans sa vie, le mausolée du Saint homme à Fès.l