Tombé en désuétude depuis près d'un siècle, Oud Ramal, un luth traditionnel qui fut l'un des principaux instruments de la musique arabo-andalouse, connait une nouvelle vie grâce au travail de l'association Rawafid Moussiqia de Tanger. Par Hicham El Moussaoui "Le prince des instruments", comme le surnommaient les mélomanes d'antan, a pu être reconstruit, avec le soutien de l'Agence espagnole de coopération internationale pour le développement, sur la base de manuscrits datant du 17-ème siècle ainsi que de rares pièces conservées notamment dans des musées au Maroc (Fès, Rabat, Marrakech), en Espagne (Barcelone, Madrid) et aux Etats-Unis (Dakota du sud). La création d'un atelier au sein de l'association Rawafid dédié à la reconstitution des anciens instruments musicaux s'inscrit dans le cadre d'un projet plus large visant la préservation du patrimoine musical marocain et arabe face aux mutations actuelles et à l'hégémonie des instruments occidentaux, affirme le président de l'association, M. Omar Mettioui. L'atelier a pu reconstituer plusieurs instruments qui faisaient la gloire de la musique arabo-andalouse et orientale, grâce notamment aux recherches menées par l'expert espagnol Carlos Paniagua, ajoute-t-il. En l'absence d'écrits précis sur la fabrication de "Oud Ramal", il a fallu plus de six mois d'étude pour cerner ses caractéristiques techniques, acoustiques et ornementales, fait savoir M. Mettioui. +UN LUTH QUI CHANTE LES QUATRE ELEMENTS+ La caractéristique la plus manifeste de Oud Ramal est d'avoir gardé seulement quatre cordes doubles avec un accordage et une distribution très particuliers, contrairement au luth oriental comprenant cinq à six cordes. Pour Omar Mettioui, cette caractéristique traduit l'influence de la philosophie des quatre éléments (terre, air, feu et eau), très présente dans l'oeuvre des musiciens andalous. Pour sa part, Carlos Paniagua qualifie cet instrument de "robuste, capable de supporter une plus grande tension des cordes ainsi que le choc du plectre fait d'une plume d'aigle". Selon lui, l'effet recherché était l'intensité du son émis plutôt que sa résonance. Oud Ramal est d'aspect plus petit, plus svelte que le luth oriental. Ses cordes sont de même longueur, sa caisse plus petite et son manche plus long. Ses quatre cordes, faites de boyau, s'accordent du grave à l'aigu, d'où un mode d'interprétation particulier, explique le musicologue. Cet instrument s'identifie, par ailleurs, à d'autres instruments similaires encore en usage au Maghreb et également d'origine arabo-andalouse, comme la kwitra algérienne ou le Oud arbi tunisien et algérien, souligne-t-il.