Les participants à un colloque sur "la problématique linguistique et les réformes constitutionnelles", organisé samedi à Rabat, ont relevé la corrélation étroite entre l'arabe et l'amazigh en tant qu'affluents principaux et irréductibles de l'identité nationale. Les participants à cette rencontre, initiée par le bureau politique de l'Union socialiste des forces populaires (USFP), ont souligné que le Maroc est appelé, à l'aune de la prochaine réforme constitutionnelle, à élaborer un modèle démocratique basé sur la synergie entre les composantes linguistiques et culturelles de l'arabe et de l'amazigh, mettant l'accent sur l'impératif de doter ces deux langues des moyens juridiques nécessaires leur permettant de tenir tête à la domination de la langue française. A ce propos, le linguiste et universitaire Abdelkader Fassi Fihri a mis en exergue la légitimité des revendications appelant à promouvoir l'arabe et l'amazigh en tant que deux langues qui expriment l'identité nationale dans sa diversité, faisant observer que la complémentarité et la symbiose entre ces deux idiomes n'a été ébranlé qu'avec l'arrivée du colonialisme. M. Fihri a plaidé pour la création d'un Conseil supérieur des langues, qui sera chargé de la gestion de cette diversité linguistique et de la régulation des rapports avec les autres langues universelles. Il a aussi appelé à constitutionnaliser la tolérance linguistique, élaborer une identité linguistique mettant en commun les dimensions arabes et amazighes, sur la base d'une complémentarité de ces deux parlers, au lieu de la concurrence entre les "langues de l'identité", et à réfléchir à une solution au problème de la dualité linguistique qui oppose les deux langues. Le doyen de l'Institut royal de la culture amazighe (IRCAM), Ahmed Boukous, a de son côté souligné qu'il n'y a point d'animosité entre les deux langues, tout en appelant à la constitutionnalisation de la langue amazigh, en partant des fondements politiques, historiques, territoriaux, culturels et juridiques qui sous-tendent une pareille revendication, et à la promotion de cette langue notamment dans les domaines de l'enseignement, de la formation et des médias sur les plans local et national. Le président de la Confédération des associations amazighes du nord du Maroc, Mohamed Chami, a pour sa part mis l'accent sur l'importance de la charte de la diversité linguistique, lancé au Maroc en 2011, sur la base d'une approche démocratique, à l'opposé de la démarche unidimensionnelle prônée par l'Etat au lendemain de l'indépendance et de l'approche de balkanisation appliquée par l'occupation. Il a soutenu que la constitutionnalisation de l'amazigh est corroborée par l'orientation à l'échelle mondiale vers la constitutionnalisation des langues, ainsi que par les mémorandums de la majorité des partis, des syndicats, de la mouvance des associations amazighes et des organisations des jeunes et des femmes. Pour Ahmed Assid, membre de l'observatoire amazigh des droits et libertés, l'année 2001 a ouvert la voie à la réhabilitation de l'identité nationale dans ses diverses composantes, notant que la langue amazighe, à la faveur de sa standardisation, a accompli, durant la dernière décennie, des avancées qu'elle n'a pas réalisées pendant des milliers d'années d'existence. A cet égard, il a fait remarquer que la constitutionnalisation de l'amazigh lui permettra de surmonter certains écueils ayant marqué son parcours, récemment, et de lui garantir, au même titre que l'arabe, une protection juridique face à la domination du français. Le chercheur et acteur associatif Abdelghani Aboulaâzm a, quant à lui, estimé qu'il n'appartient pas aux idéologies de déterminer le sort ou le devenir d'une langue et qu'il n'y a pas lieu de parler d'autophagie ou de conflits entre les langues, relevant que la question linguistique revêt une importance particulière dans le contexte des mutations en cours et de la dynamique actuelle des réformes et de gestion de la différence et de la diversité.