Dès l'abord de la galerie Bab Rouah de Rabat le regard de tout visiteur est séduit par la magie des tableaux qui meublent tout l'espace de l'exposition qui exhale tout le talent de la peintre Najat Abdellaoui. Par Ilias KHALAFI Cette artiste qui a force de patience et de persévérance a gagné en maturité dans l'art de manier le pinceau, est en droit aujourd'hui de se faire facilement une place parmi les maîtres de la peinture marocaine. Se refusant à se faire cataloguer dans une quelconque école ou courant, l'artiste a accepté de se livrer volontiers lors d'une rencontre, dans le décor apaisant de la galerie, sur fond de musique douce exécutée sur l'instrument du "Qanûn". Najat, peintre mais plus encore Sereine, posée et humble, c'est la première impression que dégage cette sexagénaire, bien dans sa peau. En l'approchant davantage, on y décèle encore plus de vertus émanant, certes, de sa longue expérience dans la vie, mais aussi du côtoiement permanent du monde de l'art et de la peinture. On dit que l'art adoucit les meurs et procure la faculté de sentir les préoccupations des autres et d'entrer en empathie avec eux. En tout cas, le constat vaut assurément pour Najat, qui a fait don de 60 pc du produit de la vente de ses tableaux à l'Association des amis de l'Institut national d'oncologie (AMINO). "J'ai voulu contribuer, un tant soit peu, à alléger les souffrances de quelques personnes vulnérables, et j'ai choisi celles atteintes de maladies graves et chroniques, qui n'ont pas de quoi s'acquitter des frais du traitement", a-t-elle dit comme à contrecœur. Son élan solidaire ne fait pas l'apanage exclusif des êtres humains, mais embrasse aussi la protection de la nature. "Ne tuons pas la nature!" tel est l'intitulé qu'elle a chois à son exposition qui se tient du 23 février au 12 mars. "Cette dénomination je l'ai puisée dans les tréfonds de mon être. C'est un titre qui signifie halte à certains comportements et attitudes portant préjudice à la nature et qui révèlent un déni de valeurs et d'humanisme chez certains individus", a-t-elle confié avec regret. Pour cette autodidacte, l'art a une mission, c'est une écriture, un moyen d'expression et d'extériorisation. Il véhicule des messages, parfois implicites, qui peuvent être interprétés de différentes manières. C'est aussi une sorte de thérapie à la fois pour l'artiste et pour le contemplateur du tableau. Najat l'oeuvre et l'inspiration "Je n'ai pas reçu de formation spécifique, ni suivi de cours de peinture ou de dessin. Je dois préciser cependant, que j'ai toujours été fascinée par les couleurs et les formes", révèle Najat sans détours. Lors de l'entretien, cette artiste innée a expliqué qu'elle a été, depuis son jeune âge, éblouie par les colorations, observant avec curiosité les fins motifs des tissus et les couleurs qui donnaient éclat aux tenues des femmes lors des mariages et des fêtes. Une autre source d'émerveillement n'était autre que la nature avec laquelle l'artiste entretenait une relation particulière à l'occasion de ses séjours réguliers à la campagne. Aujourd'hui même, elle ne manque pas d'y effectuer des voyages qui la transposent dans un monde de rêves tapissé de fleurs et de végétation luxuriante. "Les paysages m'offraient des couleurs envoûtantes et des courbes d'où surgissaient des visages et des personnages qui me tenaient compagnie et meublaient ma solitude", confia-t-elle. Le maître-peintre Ahmed Ben Yessef, ce grand artiste ayant plus de 40 ans de carrière et qui a vogué à travers plusieurs écoles artistiques, a été agréablement surpris en levant le voile pour la première fois sur l'Oeuvre de Najat Abdellaoui. Il soutient que sa rencontre avec cette peintre a été la découverte d'une artiste-peintre en puissance, immaculée, sans aucune influence de quelque sorte que ce soit. Il a fait valoir que la composition de son oeuvre et la manière dont elle est façonnée sur la toile est d'une enivrante liberté. "Il n'est pas aisé d'enfermer son travail dans un style ou une tendance. Si je devais le baptiser, je dirais que c'est une peinture informelle née de l'âme, en fonction de son âme pour qu'elle soit transmise à d'autres âmes", assène-t-il. Abdellatif Zaki, professeur universitaire de linguistique et de communication, trouve, quant à lui, que "le plaisir est de découvrir que l'artiste peut vous parler le langage que vous comprenez le mieux. La joie est celle de se reconnaître dans l'oeuvre de l'artiste. Bref, vous vous découvrez aussi maître de l'oeuvre que son maître d'oeuvre". Il renchérit que "c'est dans votre liberté absolue que l'artiste vous invite et vous introduit dans son monde, un monde qu'elle ne cesse de parfaire depuis qu'elle y avait mis la première touche, encore enfant". Najat, une artiste, pas une carriériste! Cette artiste, dont la première exposition n'a eu lieu qu'en 2005 (à Fès et à Rabat), n'avait pas, à priori, l'intention d'exposer ses créations, car, pour elle, c'était une forme de journal intime, qui retrace les moments de sa vie. Le seul endroit où elle se permettait de les afficher, c'est à son domicile qu'elle décrit comme une vraie galerie d'arts picturaux. Pour Najat, s'adonner à la peinture est un besoin viscéral, et non pas une occupation superflue, et encore moins un moyen pour arriver à la célébrité ou à la richesse. "Jamais je n'ai voulu peindre pour commercialiser ou pour tirer un quelconque gain matériel de mes tableaux". Ce n'est qu'après sa rencontre avec le peintre confirmé Ben Yessef qu'elle a consenti à faire partager son oeuvre avec le grand public. "j'ai ressenti la décision de monter cette exposition et de me séparer de certaines de mes toiles comme un vrai déchirement", a-t-elle avoué. Aujourd'hui elle compte une centaine de tableaux qui jalonnent son parcours à différents stades de sa vie. Fervente inconditionnelle du travail, elle a toujours trouvé le temps pour la peinture, qui est devenue, du coup, plus qu'un passe-temps, mais un mode de vie à part entière. Originaire de Fès, elle a fait ses études supérieures à Rabat où elle a eu sa licence en droit privé et une autre en Sciences économiques. Elle a obtenu également deux certificats d'études en troisième cycle. Son expérience professionnelle n'en est pas moins garnie. Elle a commencé sa carrière en 1963 au ministère de la Justice, puis elle a intégré l'Office des Changes en 1965 où elle a passé le plus clair de sa vie professionnelle.