Après deux semaines de manifestations et de violences, les jeunes protestataires de la place Tahrir au Caire campent toujours sur leurs positions réclamant le départ immédiat du président Hosni Moubarak, malgré de nombreuses initiatives annoncées par le pouvoir allant dans le sens de désamorcer la colère populaire. Lundi, le gouvernement avait annoncé l'augmentation de 15 pc des salaires et des retraites dès avril prochain et la création d'une commission d'enquête sur les actes de violences de mercredi dernier, mesures qui n'ont trouvé aucun écho auprès des milliers de jeunes s'attachant toujours à leur principale revendication à savoir le départ de Moubarak au pouvoir depuis 30 ans. Ces mesures interviennent au lendemain d'un dialogue engagé avec les forces d'opposition, dont les Frères musulmans (interdits), et qui a abouti à la création d'un Comité pour étudier dans un délai d'un mois un amendement de la Constitution et d'autres réformes politiques et législatives. Le gouvernement s'est engagé aussi à ne pas interdire les manifestations et ne pas restreindre la liberté de la presse et l'accès aux réseaux sociaux et à l'internet, et à lever l'état d'urgence, en vigueur depuis 1981, " quand la situation le permettra ", ainsi qu'à libérer les activistes emprisonnés. Dans ce sens, les autorités égyptiennes ont relâché un cadre égyptien du géant américain de l'internet Google, arrêté durant les manifestations anti-Moubarak, qui secouent l'Egypte depuis le 25 janvier dernier. Selon l'agence de presse MENA, le président Moubarak a ordonné également au Parlement et à sa plus haute cour d'appel de réexaminer des jugements rendus par des juridictions inférieures sanctionnant des centaines de parlementaires du Parti national démocrate (PND-au pouvoir) pour avoir commis des irrégularités lors de campagnes électorales et de scrutins, mais qui ont été ignorés par les autorités.
Les autorités judiciaires ont, quant à elles, entamé l'audition de certains responsables gouvernementaux, dont le ministre de l'habitat, Ahmed Maghrabi, accusés de corruption, après avoir été destitués de leurs postes dans le cadre d'un remaniement gouvernemental, très critiqué et qui est intervenu au lendemain de ces événements, qui avaient fait, selon l'ONU, plus de 300 morts et 5000 blessés. Dans le même sens, le procureur général avait imposé une interdiction de voyager aux anciens ministres de l'Intérieur, Habib Al-Adli, du Tourisme, Zouhair Jerana et du commerce, Rachid Mohamed Rachid et gelé leurs comptes bancaires. De leur côté, les manifestants continuent la mobilisation en exprimant la détermination à rester à la place Tahrir jusqu'à la satisfaction de leurs revendications portant essentiellement sur le départ immédiat du président Moubarak, la dissolution de l'assemblée du peuple et du conseil de la choura et la levée de l'état d'urgence. Les groupes de jeunes, qui sont à l'origine de ces manifestations, ont même formé une coalition, assurant qu'ils n'allaient pas lever leur occupation de la place Tahrir au Caire avant que leurs revendications ne soient satisfaites. Appelée " Direction unifiée des jeunes révolutionnaires en colère ", la coalition, constituée le 24 janvier, regroupe des représentants du Mouvement du 6 avril, du Groupe pour la justice et la liberté, de la " Campagne du porte-à-porte ", de la " Campagne populaire de soutien à El Baradei ", des jeunes des Frères musulmans et du Front démocratique. Réclamant aussi la formation d'un gouvernement d'union nationale pour assurer une transition pacifique du pouvoir et organiser une réforme constitutionnelle, la coalition a rejeté les informations selon lesquelles un groupe représentant les jeunes avait rencontré le vice-président Omar Souleimane, qui a ouvert le dialogue dimanche dernier avec certains groupes d'opposition. En dépit de la détermination des deux protagonistes, manifestants et gouvernement, à camper sur leurs positions, la vie commence peu à peu à reprendre son cours normal avec la réouverture des banques et la reprise des activités économiques, au 14e jour des protestations réclamant le départ du " raïs ".