Depuis 8 mois, les Marocains ont remarqué ces drôles de cubes jaunes à l'arrière de certaines personnes à motos ou à vélos qui sillonnent les rues de Casablanca, Rabat, Marrakech et Tanger. Eux, ce sont les « Glovers », livreurs pour l'entreprise Glovo. Créée en 2015 à Barcelone, Glovo est une start-up espagnole dont l'application en téléchargement libre sur AppStore pour IOS ou Googleplay pour Androïde, permet à ses utilisateurs de commander, se faire livrer et de recevoir n'importe quel objet ou produit, du moins ceux dont la détention et le transport ne sont pas interdits, en quelques minutes. Au Maroc, Glovo est en passe de devenir l'un des acteurs les plus dynamiques du secteur de la livraison à la demande. Lundi dernier, l'entreprise a annoncé via un communiqué, une levée de fonds de 150 millions d'euros pour soutenir sa croissance, principalement à travers l'intégration de nouveaux commerçants et le renforcement de son équipe d'ingénieurs, avec pour ambition de propulser Glovo en tête des applications de livraison au Maroc. Cette opération a été réalisée auprès de la société de Capital Risque Lakestar et Drake (propriétaire de la franchise de Pizzas Papa John's également présente au Maroc) avec la participation d'Idinvest Partners, une société européenne de capital-investissement et de capital-risque, et de Korelya Capital, fait savoir le communiqué. Mais au-delà de ce jargon financier, pour Glovo qui a déjà levé plus de 475 millions d'Euros à travers le monde depuis sa création, cette implantation au Maroc et l'envie d'y étendre son activité n'est pas fortuite. En effet, la pratique de la livraison à domicile commence à se démocratiser dans le Royaume. De plus en plus de Marocains sont devenus sédentaires. Qui d'entre nous n'a jamais eu la flemme de sortir s'acheter un repas ou faire ses courses ? Ce besoin de se positionner très tôt dans un marché en devenir constitue un véritable défi pour le nouveau géant Espagnol de la livraison qui est déjà présent dans de nombreuses villes comme Paris, New York, Mexico, Abidjan, Buenos Aires… Au Maroc, Glovo est en train de s'imposer rapidement et sûrement en se frayant une place dans ce business principalement occupé par des petites entreprises locales comme Le Livreur et Jibli Express à Rabat, et plus largement par des multinationales comme Jumia Food. Les « Glovers », l'armée jaune de Glovo Zigzagant dangereusement entre les véhicules, les « Glovers » foncent à toute vitesse récupérer et ensuite livrer les produits, généralement des plats cuisinés ou des courses, à leurs clients. «Mais parfois, il peut aussi s'agir de documents administratifs, de clés ou d'un simple chargeur iPhone oubliés quelque part et qu'on nous demande de ramener», explique Ilyass, Rbati de 23 ans qui a intégré il y a deux mois le réseau des Glovers. Accroché à son smartphone, casque de motard vissé sur la tête, le jeune homme svelte à la dégaine négligée s'est confié à « l'Opinion » sur la méthode Glovo. « Je n'ai pas de contrat avec l'entreprise. J'ai d'abord déposé mon CV dans un des bureaux de Glovo Maroc situé au Mega Mall de Rabat » nous confie-t-il avant de préciser : « On m'a ensuite demandé d'inclure dans mon dossier une assurance pour ma moto, un RIB et une copie de ma carte d'auto-entrepreneur. J'ai par la suite reçu une notification via mon Smartphone m'informant que j'étais pris». Oui, les Glovers ne sont pas recrutés sur la base d'un CDI ou CDD, mais opèrent dans le cadre du statut plus libéral d'auto entrepreneur. Ils doivent de surcroît disposer de leur propre moto et de leur propre police d'assurance. Pour ce qui est des conditions de travail et du montant de la rétribution, Ilyass n'est pas peu loquace : « je bosse 12 heures par jour avec des petites pauses entre chaque livraison. J'ai un délai de temps à respecter selon la distance entre les points de départ et d'arrivée des livraisons. Certaines semaines quand je fais beaucoup de livraisons, je gagne jusqu'à 300 dhs par jour. Mais lorsque le nombre de livraisons est inférieur à 10 dans une journée de travail, je n'empoche que 50 dhs». On l'aura compris et deviné, un Glover doit livrer plus pour gagner plus. Mais selon notre interlocuteur, ces gains dépassent rarement le seuil de 6000 dhs les bons mois. En plus d'être payé à la commande, les livreurs de Glovo Maroc sont soumis à la pression du temps de livraison. Quant au contenu des livraisons, Ilyass nous assure qu'il livre tout sauf « l'alcool et les produits pharmaceutiques ». Le temps de prendre congé de nous et faire une dernière confidence sur le fait qu'en cas d'arrêt de collaboration avec Glovo Maroc, il garde la fameuse caisse cubique jaune, le voilà déjà parti à pleine vitesse sur sa moto pour sa prochaine livraison. Lionel Atokré