Il a fallu sept années de tergiversations, de sourde oreille, d'arrogance, de négation des droits et revendications légitimes, pour que le gouvernement réalise enfin que les partenaires sociaux sont une pièce incontournable dans le dispositif étatique et des « pare-chocs » déterminants pour la bonne marche des affaires et la préservation de la stabilité. Sept années de gel et de faux dialogue social, de mesures antipopulaires loin de toute concertation ou débat contradictoire, de renchérissement du coût de la vie et de dégradation du pouvoir d'achat des citoyens. Sept années d'effondrement des secteurs sociaux, de reniement des engagements, de broyage de la classe moyenne, de fiscalité galopante et de désordre fait de querelles entre les composantes de la majorité. Après tant d'années de vaches maigres, très maigres, la signature, enfin !, d'un accord tripartite d'une durée de trois ans (2019-2021) entre le gouvernement, les syndicats et le patronat, répond à une partie des revendications syndicales dont la plus importante est l'augmentation générale des revenus pour les salariés du public et du privé. Faut-il cependant voir dans la conclusion de cet accord un haut fait de l'Exécutif ? Loin de là. Même l'engagement d'un vrai dialogue, autrefois institutionnalisé mais enterré par le gouvernement Benkirane, le Cabinet El Othmani ne s'y est sérieusement soumis qu'après la montée au créneau du Chef de l'Etat en personne. Dans son Discours à la Nation à l'occasion de la fête du Trône en juillet dernier, le Souverain avait, pour rappel, engagé le gouvernement à instaurer le dialogue social et à le maintenir « dans la durée et sans aucune interruption », affirmant que c'est un « devoir et une nécessité ». C'est donc contraint et forcé, d'abord par la consigne royale, ensuite par une crise sociale menaçante, conséquente de la politique antisociale des deux derniers gouvernements, que l'Exécutif a finalement tendu l'oreille aux syndicats et pris note des exigences du patronat qui cherchait à faire avancer, selon un calendrier précis, des dossiers législatifs bloqués depuis des années. Dans la foulée, le gouvernement s'est rappelé que la loi organique sur la grève est inscrite dans la Constitution de 2011, que des négociations sectorielles sont indispensables, que l'institutionnalisation du dialogue social a besoin de mécanismes de résolution de conflits et que le dialogue doit être maintenu pour la réalisation de ce qui reste des dispositions de l'accord du 26 avril 2011, passé à la trappe par le gouvernement Benkirane. Partant de là, l'enveloppe de plus de sept milliards de dirhams réservée au financement à terme des mesures contenues dans l'accord tripartite n'est pas la traduction matérielle d'une quelconque fibre sociale du gouvernement qui n'en dispose manifestement pas. Au regard du coût, socialement très élevé, des sept années d'inertie marquées par la paupérisation de larges couches sociales, d'autant que le baril de pétrole est reparti résolument à la hausse, c'est plutôt le prix à payer pour une paix sociale devenue trop fragile. Une paix sociale sérieusement malmenée par le manque de cohérence, d'efficacité et de responsabilité solidaire d'un gouvernement en déphasage total avec la réalité du pays et dont la composante principale, passée maître dans l'art de la récupération, est d'ores et déjà tentée de faire passer l'accord fraîchement signé pour un exploit gouvernemental, penchant électoraliste oblige. Jamal HAJJAM