Dans la continuité d'une série de colloques visant l'identification des rouages du nouveau modèle de développement marocain , le parti Istiqlal sous l'initiative de la fondation Allal El Fassi , organise demain 19 janvier, une journée d'étude sous le thème :" La classe moyenne dans le Maroc :Pour un système social intégré" . Le débat sur le rôle de la classe moyenne comme stimulateur de l'économie ne date pas d'hier. En effet, à travers le Discours Royal du 30 juillet 2008, adressé à l'occasion de la Fête du Trône, sa Majesté le Roi a donné ses Hautes instructions soulignant l'importance « de veiller à ce que toutes les politiques publiques soient stratégiquement vouées à l'élargissement de la classe moyenne, pour qu'elle soit le socle de l'édifice social, la base de la stabilité, et un puissant catalyseur de la production et de la créativité ». C'est le débat qu'a suscité la conception d'un nouveau modèle de croissance pour le Maroc qui a ravivé l'intérêt pour cette classe des "ni riches ni pauvres ", réputée pour être boosteur de la consommation et de la demande intérieure, et facteur de stabilité sociale. A en croire les statistiques du HCP, le poids de notre classe moyenne s'est amélioré ; passant de 54,4% de la population en 2007 à 58,7% en 2014. Cet élargissement est dû à la mobilité ascendante de la classe modeste qui a régressé de 1,9% entre 2007 et 2014. Il en ressort que la classe moyenne est majoritaire au Maroc, avec un taux proche de celui observé dans les pays développés comme la France, ou la classe moyenne regroupait 67, 4% de la population en 2012, ou encore les Etats-Unis avec une proportion de 50,2% la même année. Toutefois, il demeure difficile de comparer les pays selon le poids de leurs classes moyennes ; faute de l'existence d'une définition objective et universelle. Pour le cas du Maroc, en se référant au revenu ou au niveau de vie des ménages, la classe moyenne se situe dans un intervalle dont les bornes, inférieure et supérieure, sont calculées en multiple de la médiane, fixés respectivement à 0,75 et 2,5 fois la médiane des revenus. Ainsi, est appartenant à la classe moyenne, tout ménage dont le revenu mensuel se situe entre 2800 dhs et 6736 dhs. Cette approche extensive, justifiée par "la faiblesse des niveaux de revenu dans notre pays", tend à surestimer la proportion de la classe moyenne. En effet, en se référant à la méthode adoptée par la Banque Mondiale, selon laquelle le seuil d'accès à la classe moyenne est fixé à 1 200 dollars -en PPA- par mois pour une famille de quatre personnes, le poids de cette classe sera réduit à 25% . Et si on considère qu'un ménage n'accède à la classe moyenne que s'il satisfait les trois critères suivants: capacité d'acquérir un logement qui ne soit pas social, d'acheter une voiture d'entrée de gamme et de scolariser ses enfants dans une école privée, seulement 15% des ménages marocains en feront partie. Force est de constater que la classe moyenne marocaine comme définie par le HCP, est vulnérable et instable. De plus, elle ne correspond pas aux critères d'une classe moyenne, sur la consommation de laquelle on peut compter pour tirer la croissance vers le haut ou constituer un levier de l'émergence de notre économie. L'émersion d'une "classe sociale émergente" au Maroc est essentiellement bloquée par les carences des services publiques qui font que ces ménages optent pour des prestations privées. Ainsi , les part de l'enseignement , hygiène et santé , transport et communication ; dans leurs dépenses se voient augmenter : La faiblesse de la qualité des services de santé publique et du taux de couverture médicale limite leur accès aux soins médicaux -la moitié des consultations sont réalisées dans le secteur privé selon une étude menée par le HCP en 2009 - , L'inefficience du système d'éducation public contraint les ménages à chercher une alternative dans la scolarisation privée , la cherté du foncier et une faible qualité du réseau de transport en commun . De surcroit , l'abolition des subventions liées à la caisse de compensation , la libéralisation du secteur des hydrocarbures , une flexibilité du taux de change mal gérée etc , tous sont des facteurs susceptible d'enfoncer davantage le clou ...Les surcouts associés à l'inefficience des services publiques , poussent les ménages à s'endetter -à hauteur de 31% selon la même étude -pour couvrir leurs dépenses , au moment ou ils sont censés être une source d'épargne qui contribuera au financement des besoins ascendants du Maroc en terme d'investissement . Partant de ces constats, la construction d'une classe moyenne marocaine qui s'impose comme moteur du développement, passe par l'amélioration de la qualité des services publics, de manière qu'ils soient accessibles aux plus vulnérables en toute transparence. Là encore et toujours , se pose la problématique épineuse de la bonne gouvernance dans la gestion des politiques publiques au Maroc ... L'élargissement de la classe moyenne est conditionnée aussi par l'amélioration du niveau de formation et des politiques publiques liées à l'emploi qui permettront aussi bien l'accès à des emplois plus stables et de meilleure qualité que la réduction du taux de chômage - estimé à 14,6% selon la même étude- au sein de cette classe. Dans ce sens, l'étude réalisée par le HCP en 2009, a confirmé l'existence d'une corrélation positive entre niveau scolaire et expansion de la classe moyenne : "Le taux d'augmentation annuel moyen des classes moyennes a pratiquement stagné pour les ménages dont le chef ne dépasse pas le primaire, tandis que ce taux a augmenté de 1,9% pour les ménages dirigés par une personne ayant comme niveau le secondaire ". Outre l'importance de la consolidation du poids économique de la classe moyenne -constituant 44% des revenus des ménages et 49% dans leurs dépenses de consommation- , la construction d'une classe moyenne partenaire des pouvoirs publiques , participant activement à la vie politique , contribuera incontestablement à l'amélioration des services publiques, de la gouvernance et du processus démocratique.