Comme on dit, en politique il n'est jamais trop tard. On pensait que l'économie était au service de la politique. Chez notre gouvernement, c'est l'inverse. La présentation au Parlement du programme du gouvernement le mercredi 19 avril en vue de son investiture est en deçà des attentes du monde des affaires et des citoyens. Au vu de son analyse, ce programme est un ensemble de bonnes intentions somme toute, c'est un programme de repli ne serait-ce que par le coût de la dette du Trésor qui a atteint le chiffre de 629 milliards de DH, soit 64% du PIB, et que la dette globale, y compris la dette garantie, constitue 81% du PIB. A la fin, ce sont les ménages et les entreprises qui payeront. C'est un programme d'évitement de l'entreprise. Je ne saurai à mon tour participer au cortège des remarques lancinantes faites à ce programme par certains. Je m'en réjouis de plein gré. Je voudrai être plus positif et plus constructif. Encore une fois, il faut redonner du sens et de l'espoir. La pédagogie n'est pas suffisamment faite autour de ce programme et des reformes qu'il propose. Aujourd'hui, on ne vend que les sacrifices. On ne cessera de répéter qu'il faut mettre l'entreprise au coeur du programme gouvernemental. C'est pragmatique. De nombreux pays l'ont fait avant nous. Le gouvernement doit donner du sens, de la visibilité et de la vie à son programme. Nous pouvons être à la pointe sur le numérique ou la transition énergétique, mais il faudra convaincre. C'est ce qui rendra la réforme acceptable et donnera confiance et au final créera de l'emploi. Nous appelons de toute notre force à la mise en place d'une économie moderne, libérale, individuelle et transparente basée sur les lois fondamentales de l'économie politique, loin de la rente et des abus. Le Maroc a tous les atouts pour s'en sortir. Il y a un avenir radieux pour notre pays qui peut enregistrer durablement un taux de croissance soutenu de 4% à 5% par an et retrouver le plein emploi. Car la croissance existe, il suffit d'aller la chercher en tirant parti de la mondialisation, des nouvelles technologies, de la révolution numérique et en menant quelques réformes fondamentales et indispensables. Tout cela peut se faire dans le respect de l'environnement et de l'Homme. Quelles sont ces réformes indispensables ? D'abord, il faut réformer notre système éducatif en concertation avec les acteurs du monde économique afin que les jeunes soient mieux orientés et mieux employés. Il faut accorder plus d'autonomie aux établissements scolaires et refonder l'apprentissage. Le monde occidental s'est développé par la lecture et l'éducation, une norme qui a gagné toute l'Europe comme l'avait souligné Charles Péguy : « Les juifs lisent depuis toujours, les Allemands depuis Luther et les Français depuis Jules Ferry ». Secundo, il faut réformer le droit du travail pour lever la peur d'embaucher et donner plus de pouvoir de négociation aux entreprises pour qu'elles s'adaptent et institutionnaliser le dialogue avec les syndicats. Tertio, il faut entamer le chantier de la simplification. Il y a une lourdeur administrative et judiciaire caractérisée. C'est un combat de longue haleine. Enfin, le dernier chantier est celui de la fiscalité. Tout le monde est trop taxé et à tous les étages. Mais aussi tout le monde ne paie pas d'impôt et que certaines entreprises publiques se dérobent du paiement de leurs dettes fiscales au titre de la TVA par exemple au profit de l'Etat estimées à 25 MMDH pour l'exercice 2015, comme souligné par le dernier rapport de la Cour des Comptes. Pour cela, la fiscalité doit être simple, stable, compétitive et incitative, ce qui est de nature à rendre notre économie compétitive et retrouverait l'attrait auprès des investisseurs. L'Etat doit serrer la ceinture. Qu'il faut aussi un vraie politique de chasse aux gaspillages et aux situations de rente et à la mauvaise dépense publique, et de lutte contre la fraude sociale et fiscale et aussi contre les coûts qu'engendre la mauvaise gestion des collectivités locales. Pour réussir, il faut remettre l'entreprise au centre, écouter les chefs d'entreprise car ce sont eux qui ont la solution pour la croissance et l'emploi. Il faut rétablir la confiance. L'innovation doit être au coeur de notre vision avec à la base un Etat stratège favorisant la recherche, l'innovation, le développement de filières industrielles dans des secteurs clés et de croissance. Des énergies propres et abordables, des infrastructures de qualité sont considérées à juste titre comme nécessaires à l'économie Seule par une politique volontariste, une stratégie industrielle et une participation active à la révolution numérique, le Maroc prendra une direction radicalement différente, sinon il aura, pour notre plus grand malheur, raté le grand rendez-vous avec l'Histoire. En ces temps de remous, il y a des conservatismes progressistes et des progrès récessifs. Pour ma part, je crois toujours que l'économie est au service de la politique et que l'idéologie et la culture sont nécessaires, sinon vitales pour le politique. A en croire Gramsci : « La crise consiste dans le fait que l'ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne, on observe les phénomènes morbides les plus variés ». ------------- *Expert Economiste