L'analyse de l'évolution de la pauvreté en Afrique peut se faire à partir du seuil de pauvreté établi à 1,25 dollar par jour et des trois indices « FGT » de la pauvreté définis par Foster, Greer et Thorbecke : « incidence de la pauvreté», « écart de pauvreté » et « écart de pauvreté au carré », qui évaluent respectivement la proportion de pauvres, l'intensité de la pauvreté et sa sévérité. Le rapport présente des données sur la réduction de l'extrême pauvreté depuis la fin des années 1990 (seuil de pauvreté établi à 1,25 dollar par jour) pour autant qu'elles soient intéressantes par rapport à la situation actuelle des pays africains. Comparativement, la région Afrique a obtenu de moins bons résultats (même dans la dernière période) que l'ensemble des pays en développement. Le fossé s'est donc creusé avec les régions Asie du Sud et Asie de l'Est et Pacifique comme avec l'ensemble des régions en développement. Par ailleurs, l'écart entre l'Afrique subsaharienne et le reste du monde est plus important pour l'intensité de la pauvreté que pour son incidence, et pour sa sévérité que pour son intensité15. Il apparaît donc que relativement aux autres indices FGT, l'indice d'incidence sous-évalue l'écart de l'Afrique en matière de pauvreté par rapport au reste du monde (Chen et Ravallion, 2008). Les résultats sont identiques si l'on se base sur un seuil de pauvreté plus élevé, à 2 dollars par jour : a. La pauvreté a augmenté en Afrique jusqu'en 1993 environ, avant de reculer. Ce constat vaut pour les trois indices de pauvreté ; b. Alors que la pauvreté reculait en Afrique, l'écart par rapport à l'ensemble des pays en développement se creusait ; c. L'écart semble plus important pour l'indice « intensité » que pour l'indice « incidence », de même qu'il est plus marqué pour l'indice « sévérité » que pour l'indice « intensité ». Notons toutefois que l'écart par rapport à l'ensemble des pays en développement semble moins important si l'on adopte un seuil de pauvreté plus élevé. En fait, jusqu'à récemment (fin des années 1990 environ), le taux de pauvreté de l'Asie du Sud (pour un seuil de 2 dollars) était supérieur à celui de l'Afrique subsaharienne Pour les indices FGT, on obtient les chiffres régionaux en calculant la moyenne de l'incidence, de l'intensité et de la sévérité de la pauvreté rapportées à la population. Ces mesures donnent l'ampleur de la pauvreté par habitant. Par exemple, le déficit moyen de revenu des pauvres (intensité de la pauvreté) indique l'importance de l'écart de pauvreté s'il était également réparti sur toute la population d'une région. La dynamique des populations, l'incidence de la pauvreté et l'intensité de cette pauvreté interviennent en effet dans la mesure de l'indice d'écart de pauvreté. Sur la figure 2.1d, la courbe du rapport entre les indices d'intensité et d'incidence permet d'observer les progrès réalisés par différentes régions. Ce rapport varie en fonction de l'importance relative de l'incidence et de l'intensité de la pauvreté. Cette méthode évite de calculer une moyenne pour l'ensemble de la population et rend compte de la situation d'extrême pauvreté d'une région16. Autrement dit, si l'on applique un même seuil de pauvreté à plusieurs régions, le rapport varie en partie en fonction de l'importance du déficit de revenu des pauvres : il est plus élevé dans les régions où l'écart de pauvreté est important par rapport à la proportion de la population en situation de pauvreté que dans celles où la plupart des pauvres sont proches du seuil de pauvreté de 1,25 dollar/jour. Il est à noter que l'écart de pauvreté et son incidence sont relativement plus élevés en Afrique que dans d'autres régions. Cependant, la courbe correspondant à l'écart de pauvreté par rapport à la fraction de la population en situation de pauvreté est plus basse en Afrique qu'en Amérique latine/Caraïbes. Ces dernières années (entre 1996 et 2011), le déficit de revenu des pauvres a diminué de 5,5 points en Afrique contre 2,4 points en Amérique latine, ce qui a contribué à creuser l'écart entre les deux régions. Autrement dit, lors des périodes récentes de croissance économique en Afrique, les progrès menés dans la lutte contre l'absence totale de revenu n'ont peut-être pas été aussi spectaculaires qu'en Asie du Sud, en Asie de l'Est/Pacifique ou en Europe/Asie centrale, mais ils sont comparables à ceux de l'Amérique latine, où, ces dernières années, les inégalités étaient plus marquées qu'en Afrique. Toutefois, il est difficile de dire si les politiques doivent s'attaquer principalement à l'incidence de la pauvreté (par des stratégies ciblant tous les pauvres de manière égale) ou au degré de dénuement (par des stratégies axées sur l'écart de pauvreté). Certaines régions peuvent être marquées par une incidence élevée de la pauvreté mais par un écart de pauvreté moindre et vice versa. En fait, les indices d'intensité et de sévérité de la pauvreté complètent l'indice d'incidence, sans le remplacer.