Le cinéma étant, avec la musique et la danse, le seul art qui s'étend dans le temps et qui peut s'allier avec eux et les reproduire sur écran. Par la musique, le cinéma est devenu un art plus complet puisqu'il s'adresse à deux sens supérieurs: la vue et l'ouïe. Déjà au temps du muet on essayait de rompre le silence glacial des salles obscures en jouant au piano une marche rythmée selon les images projetées sur la toile. L'accompagnement musical était donc déjà une nécessité. Cependant, la musique a été longtemps la bien humble servante du cinéma. Aujourd'hui encore, on entend dans n'importe quel film, une ouverture en musique. Quand le cinéma est devenu sonore, puis parlant, on se demandait quelle serait la nature de la musique photographiée. Les auditions de chanteurs et d'orchestres du début furent de simples démonstrations, point de départ vite abandonné. Le film était devenu un procédé d'enregistrement qui doublait le disque de cire aux sillons variables. Puis on intercalait, n'importe comment, une chanson qui faisait souvent le succès d'un film. L'on retrouvait facilement dans un vieux catalogue de disques à peu près tous les titres des premiers films parlants mentionnés à propos des refrains qu'ils ont lancés. Cette formule a conduit à l'opérette filmée où les couplets avaient grande importance. Les lyrics n'étaient pas le centre du film mais commentaient les images de façon parfaite. On eut aussi de l'opéra avec fragments importants d'une représentation sur scène d'une oeuvre lyrique. Le film était alors construit autour d'une voix. Le résultat n'était en rien spécifiquement propre à l'écran. Par ailleurs, on écrivait des partitions pour films où personne ne chantait ou jouait d'un instrument. La musique s'attache alors comme une ombre à l'action et forme un tout inséparable avec elle. Quand le cinéma ne parlait pas encore, lorsque deux acteurs avaient à jouer une scène émouvante, l'on faisait souvent venir un violoniste qui jouait ses mélodies pour les émouvoir et leur donner un jeu plus expressif. Aujourd'hui, par le son, c'est le spectateur que l'on émeut directement.