Après l'argent au Mondial, une médaille aux Jeux de Rio? En réalisant une entrée fracassante dans la compétition dimanche, le Qatar a montré qu'il entend confirmer son statut de nouvelle force du handball en dépit des critiques sur son équipe de mercenaires. La Croatie, placée parmi les favoris, a pris l'eau (30-23) face à la sélection émiratie composée à près de 80% de joueurs étrangers naturalisés dont... un Croate, Marko Bagaric, auteur d'un but. «J'ai joué avec plusieurs de mes adversaires d'aujourd'hui en club en Croatie. Le plus dur, c'était pendant les hymnes», affirme l'arrière de 30 ans, qui a honoré sa 14e sélection sous le maillot qatari. «Le Qatar m'a donné l'opportunité de disputer les jeux Olympiques. C'est le rêve de n'importe quel sportif», souligne celui qui a fait le même choix que 11 de ses 14 coéquipiers. Car, seulement trois joueurs de l'équipe sont nés au Qatar. Les autres viennent de Syrie, des Balkans, d'Espagne, d'Egypte, de France... Parmi les plus fameux figurent le gardien bosnien Danijel Saric, le Monténégrin Zarko Markovic, auteur de 10 buts dimanche, et l'arrière gauche cubain Rafael Capote. «On est une équipe comme les autres. On n'a rien de particulier», jure pourtant Capote, en lice pour décrocher le titre de meilleur joueur de l'année 2015, finalement décerné au Danois Mikkel Hansen. L'effectif est lui-même cornaqué par l'Espagnol Valero Rivera, champion du monde avec la «Roja» en 2013 et considéré par certains observateurs comme le meilleur entraîneur du monde. La Fédération qatarie a su tirer profit des règles mouvantes en matière de nationalité. Au handball, on peut changer de maillot national à condition de ne pas avoir joué pendant trois ans pour sa sélection d'origine. La Fédération internationale n'impose, par ailleurs, aucune limite au nombre de joueurs naturalisés qu'une sélection a le droit d'aligner. Les naturalisations à tour de bras opérées avant le Mondial-2015, organisé à domicile, n'avaient pas manqué de susciter les critiques vis-à-vis de ce petit émirat pétrolier du Golfe. Avec 2,2 millions d'habitants, dont 1,6 million d'étrangers, il détient les troisièmes réserves mondiales de gaz naturel, et ses dirigeants rêvent de faire de Doha la «capitale mondiale du sport». Le Qatar faisait alors déjà l'objet d'accusations de corruption à propos de l'attribution de la Coupe du monde de football en 2022 et d'exploitation des ouvriers sur les chantiers de construction du Mondial. ‘Un contournement de la règle' L'ancien président déchu de la Fifa Joseph Blatter avait lui-même taxé la politique de «recrutement» de la sélection de handball qatarie «d'absurdité». Le sélectionneur de l'équipe de France de handball Claude Onesta avait lui affirmé qu'il aurait été «peiné» de perdre la finale du Mondial-2015 à Doha, à cause de l'image sportive renvoyée par son adversaire. «Quand vous avez des passeports temporaires pour une compétition, c'est un contournement de la règle. Je ne jette pas la pierre à l'équipe du Qatar qui est rentrée dans la règle, mais il serait dommageable de rester dans cette direction», avait-il estimé après la victoire de son équipe (25-22). D'autres avaient reproché au Qatar d'avoir «acheté» une équipe. Des accusations rejetées par l'arrière Bertrand Roiné, champion du monde avec la France en 2011, avant de changer de nationalité: «Quand je vois dans la presse qu'on a été payé des millions pour venir, c'est faux. Moi, pour ma part, j'ai touché zéro. C'était plus une opportunité sportive que financière». Bertrand Roiné affrontera, mardi, ses anciens partenaires, doubles champions olympiques en titre. Avec la même émotion que Bagaric lors des hymnes?