Lourde perte pour les cinéphiles et hommes de culture en ce début d'été 2016. A deux jours d'intervalle, le milieu du cinéma a perdu deux grandes figures du septième art en la personne de Michael Cimino puis de Abbas Kiarostami. Le premier est connu pour être l'enfant maudit de Hollywood, celui qui a provoqué la faillite de la société créée par Charles Chaplin, Mary Pickford, son mari Douglas Fairbanks et David Griffith, "Les artistes associés" (United Artists), productrice de son film aussi maudit que lui, "La porte du paradis" en 1980, un western épique, de plus de trois heures et demie de durée, qui revient sur la guerre qui opposait les riches et les pauvres en 1870, dans l'Etat du Wyoming, ce qui a valu au cinéaste d'être taxé de communiste, une insulte dans l'Amérique de l'Oncle Sam. Le cinéaste, suite à un échec public légendaire, malgré l'enthousiasme de la critique, ne s'est jamais remis de sa défaite morale. Et pourtant, deux ans auparavant, Cimino, venu au cinéma grâce à Clint Eastwood, avait vécu ses heures de gloire, entraînant celle également de l'Universal qui produisit son troisième long métrage, "Voyage au bout de l'enfer", plusieurs fois oscarisé, et qui valut à son auteur (coproducteur, scénariste et réalisateur), les plus prestigieuses récompenses des festivals internationaux. Les Oscars du meilleur film et meilleur réalisateur vont réconforter le réalisateur, mais, hélas, pas pour longtemps. "La porte du paradis" va vite se refermer devant lui. Replié sur lui-même, il se plonge dans l'écriture et c'est la littérature américaine qui gagna un romancier de talent, déjà célèbre dans le meilleur et dans le pire. Cherchant à tout prix de refaire surface, il attira avec regret l'attention sur son look, car devenu même méconnaissable suite à des opérations esthétiques ratées à l'œil nu. On garde malheureusement aussi cette image de Michael Cimino, dont le nom est indissociable à des films aussi connus que "Le canardeur", "Voyage au bout de l'enfer" et " L'année du dragon", films qui procurent certes du spectacle tout en faisant date dans l'Histoire du cinéma par leur originalité et leur profondeur. On retrouve les mêmes qualités chez l'autre disparu de cet été, le réalisateur iranien Abbas Kiarostami, appelé à juste titre le Rossellini du cinéma iranien. Comme le cinéaste italien, il avait le gout du réalisme, pas le réalisme cru et vulgaire, mais un réalisme esthétique, qui nous touche et nous emporte. Kiarostami était sensible à plus d'un égard et a su traduire cette sensibilité à l'écran, en fructifiant et les situations et les personnages. Cinéaste de l'enfance par excellence, il livra des chef-d'œuvres accomplis, réalisés avec le minimum de moyens. Ce ne sont pas les moyens qui font le grand cinéma, démontra-t-il, films à l'appui. Dès son premier long métrage, il donna le ton. "Où est la maison de mon ami?" est certes son meilleur film, le plus réfléchi, le plus pur, le plus conséquent. Dédié à l'enfance, son enfance, il reste d'une grande portée esthétique, sociale, enfantine, psychologique, réaliste,... A.K. (Aucun mal à comparer le cinéaste à son idole Akira Kurosawa), passée la gloire des débuts, lui comme l'Egyptien Youssef Chahine, le Français Jean-Luc Godard, va se refermer dans esthétique et concept opaque, inaboutie, narcissique et sans grande portée humaine ni même cinématographique. C'est la folie des "Grands" qui finit par devenir, à long terme, une folie des grandeurs.