Le drame de l'enfant Imran, âgé de quatre ans, violé et enterré vivant, remet le sujet de la pédophilie en question. Certes, les tabous commencent à être brisés et les Marocains osent en parler un peu plus librement, mais face à la montée des agressions sexuelles contre les mineurs, la justice reste impuissante. La pédophilie, le fantôme qui hante la vie de nos anges actuellement, se propage davantage au sein de notre société et le nombre des victimes continue d'augmenter. «Grâce au rôle joué par les médias qui sont arrivés à briser le silence des familles affectées par cette calamité, le nombre d'enfants déclarés devient de plus en plus élevé, c'est malheureux de le dire, mais c'est important de le savoir », nous confirme la présidente de l'association Touche Pas à Mon Enfant (TPME), Mme Najat Anwar. Mais que pourraient être les causes de cette propagation ? « Un pédophile est généralement une personne qui a été agressée sexuellement pendant son enfance et qui n'a pas été soignée », explique le Dr Abou Iyad Alaoui, psychologue. Donc, la cause majeure de cette montée d'agressions sexuelles sur mineurs est la négligence de la psychologie de l'enfant violé par sa famille. Le tourisme sexuel est également l'une des causes de cette amplification du phénomène. « C'est une véritable épidémie qui touche notre pays depuis déjà quelques années, et Touche Pas à Mon Enfant en fait un axe majeur et prioritaire dans sa lutte et son militantisme », nous affirme Mme Anwar. Néanmoins, on ne peut pas nier que la grande majorité des agresseurs sont des Marocains et, parfois même, des membres de la famille de la victime. Tel est le cas de l'enfant Brahim d'Agadir, âgé de 11 ans, violé plusieurs fois par l'oncle de son père. Le bourreau du petit Brahim, un responsable à la commune de Drarga, est allé jusqu'à offrir son petit neveu à son ami, chose qui a bouleversé l'enfant psychologiquement. Il s'est avéré, par la suite, que l'enfant avait été aussi violenté par d'autres pédophiles. Avant l'affaire « Daniel », l'une des rares affaires où les peines prononcées par la justice marocaine ont été lourdes, du fait de la pression militante de TPME, qui avait fait le pied de grue devant le tribunal de Kénitra, la pédophilie était encore un sujet tabou, mais après le scandale causé par cette affaire, «toutes les forces de la nation -pouvoirs publics comme société civile et médias- ont été sensibilisées et mobilisées pour combattre ce fléau qui guette nos enfants. », explique Mme Anwar. Cependant, la justice marocaine reste un peu décalée par rapport aux tournants que prend cette calamité, car, comme l'assure M. Mustapha Rachdi, avocat de l'association Touche Pas à Mon Enfant : « Les peines prononcées varient d'une affaire à une autre, mais, généralement les dures peines, que les pédophiles méritent vraiment, ont été rarement prononcées et dans des cas spécifiques, chose qui est douloureuse». Or, le prononcé des peines légères aux agresseurs sexuels est dénoncé par l'association TPME, comme le souligne Mme Anwar : « L'association Touche Pas à Mon Enfant a déjà exprimé son refus et son rejet de ce genre de peines, en criant à voix haute pour que justice soit rendue aux victimes. L'unique sentence défendue par l'association est la peine maximum ». Une position partagée, de fait, par l'ensemble de la société marocaine. « Je me sens victime d'une injustice », dévoile Walid, un enfant âgé de 10 ans résidant à Bir Rami, à Kenitra. Il a été drogué et violé brutalement par le fils du voisin. Ce dernier, un adolescent, dont l'âge ne dépasse pas dix-sept ans, a été condamné à tout juste deux ans de prison, malgré les maux effroyables qu'a laissé le crime sur la santé psychologique de l'enfant, ainsi que sur son physique. Ce pauvre garçon doit, en effet, subir une opération chirurgicale pour réparer les dégâts. « Après une agression sexuelle, une intervention d'un psychiatre est indispensable », explique le Dr Alaoui. Par ailleurs, outre l'enfant victime d'agression sexuelle, sa famille a aussi besoin d'un suivie psychologique, afin d'interrompre la naissance du sentiment de la vengeance. Tel est le premier pas à faire pour lutter contre la pédophilie. Ensuite, il faut que la justice marocaine prenne en considération le danger de ce problème et, comme le déclare Me Rachdi : « Il faut définir une peine bien précise, afin que tous les juges soient obligés de l'appliquer ». C'est ainsi que la pédophilie pourrait être éradiquée, et c'est ainsi que nous pourrons rendre dignité et justice à notre enfance.