Le juge d'instruction chargé des affaires du terrorisme près l'annexe de la Cour d'appel de Salé a auditionné, mercredi, un ressortissant tchadien affilié à l'organisation ''Daesh'' arrêté dernièrement à Tanger, a-t-on appris de source judiciaire. Le prévenu, placé sous mandat de dépôt à la prison locale de Salé après avoir été auditionné par le juge d'instruction dans le cadre de la procédure d'enquête préliminaire, est accusé notamment de "constitution d'une bande pour préparer et commettre des actes terroristes dans le cadre d'un projet collectif visant à porter gravement atteinte à l'ordre public par l'intimidation, la terreur et la violence, fabrication et possession d'explosifs". La Brigade nationale de la police judiciaire avait déféré l'accusé, plus tôt dans la journée, devant le procureur général du Roi près la Cour d'appel à Rabat. Selon un communiqué du ministère de l'Intérieur, les forces de sécurité avaient arrêté le 13 mai à Tanger ce ressortissent tchadien affilié à l'organisation ''Daesh'' qui comptait proclamer la région de l'Oriental du Royaume comme Wilaya affiliée au soi-disant ''Etat Islamique''. Le terroriste en question, arrivé au Maroc début mai courant, a été mandaté par l'organisation dite ''Etat Islamique'' pour encadrer et former des cellules dormantes regroupant des extrémistes algériens et marocains en vue de commettre des attentats terroristes de grande envergure contre des missions diplomatiques occidentales et des sites touristiques, ajoute le communiqué. Selon la même source, ''Daesh'' est en train de changer de stratégie à travers l'envoi de membres issus de pays subsahariens. Un tournant qualitatif dans la stratégie de "Daech" L'arrestation récemment à Tanger d'un terroriste tchadien a révélé un tournant qualitatif dans la stratégie adoptée par le groupe terroriste "Daech", a affirmé le directeur du Bureau central d'investigations judiciaires (BCIJ), Abdelhak El Khayam. "L'opération qui s'est soldée par l'arrestation d'un individu originaire de la région du Sahel, - plus précisément du Tchad, et qui est entré au Maroc sur instructions des dirigeants de l'organisation terroriste Daech pour constituer des cellules terroristes à l'intérieur du Royaume- a révélé un tournant qualitatif dans la stratégie adoptée par Daech visant la stabilité du Maroc", a souligné M. El Khayam dans un entretien publié mercredi par le journal "Al Massae". Il a rappelé que les groupes terroristes s'appuyaient sur le recrutement de cellules de l'intérieur du Maroc pour les envoyer vers des foyers de tension où ils s'activent, notamment en Irak et en Syrie, dans l'objectif de les soumettre à des entrainements quasi-militaires et les préparer à commettre des opérations terroristes et suicidaires, avant de les ramener dans une deuxième étape au Royaume pour mener des opérations terroristes graves. Après avoir évoqué la vigilance dont ont fait preuve les services de sécurité, en premier lieu la Direction de surveillance du territoire national, et ayant permis d'avorter tous les projets terroristes, M. El Khayam a indiqué que la stratégie des groupes terroristes est passée à une phase beaucoup plus complexe. Il a noté, à ce propos, que les cellules et les personnes qui adoptent la pensée jihadiste ou celles ayant fait allégeance au soi-disant "Etat du Califat" ou organisation de "l'Etat islamique", reçoivent désormais des instructions pour rester à l'intérieur du Royaume et de constituer des cellules dormantes pour y mener après des opérations d'envergure, relevant que ce plan a été avorté par les services de sécurité et n'a pas réussi à atteindre ses objectifs à l'intérieur du territoire national. Il a soutenu que les efforts déployés par les autorités sécuritaires, toutes composantes confondues, a amené "Daech" à réfléchir sérieusement à envoyer des personnes de la région du Sahel, ce qui s'est exactement produit dans l'affaire du Tchadien arrêté récemment à Tanger, ajoutant que le mis en cause a reçu des instructions pour nouer des contacts directs dans la région de l'Oriental avec des jihadistes liés à l'organisation de "l'Etat islamique" en Algérie. Interrogé sur l'éventuelle relation entre l''immigration illégale des Subsahariens et la formation de cellules terroristes dormantes, M. El Khayam a indiqué que nombre de ces Clandestins accèdent illégalement au territoire marocain via l'Algérie, ce qui exige des services sécuritaires davantage d'efforts pour suivre leurs traces et contrôler leurs mouvements, qu'ils soient Africains, Syriens ou provenant d'autres pays. "Ceci constitue un défi auquel nous allons faire face dans l'avenir tant que la stratégie des groupes terroristes a changé et après qu'ils se sont rendus compte que le Maroc est immunisé contre les attaques terroristes qu'ils sont en train de planifier", a-t-il dit, ajoutant qu'il est tout à fait possible que ces groupes terroristes recourent aux migrants clandestins. Il a souligné à ce propos que la dernière opération a démontré que les groupes terroristes ont bel et bien commencé à mettre en œuvre la stratégie définie par Daesh, notant que c'est pour cette raison que le niveau de l'alerte a été élevé à son maximum pour mieux contrôler les frontières. En ce qui concerne les autres menaces terroristes auxquelles le Maroc pourrait faire face, M. El Khayam a cité particulièrement la zone de tension que constitue la région de Tindouf dans le sud-est algérien où de nombreux citoyens marocains sont retenus contre leur gré par les séparatistes, faisant observer que les investigations judiciaires menées dernièrement ont révélé une implication directe des séparatistes du polisario dans des projets d'attaques terroristes contre le Royaume, surtout que les organisations terroristes tirent profit de la situation dans les régions faibles et pleines de problèmes. La situation à Tindouf facilite l'opération d'embrigadement des séquestrés dans ces camps aussi bien par "Al Qaida au Maghreb Islamique" ou par Daesh, a-t-il fait savoir, soulignant que les investigations ont démontré que ces deux organisations ont des liens directs avec le polisario. Le renforcement de l'arsenal juridique marocain et la stratégie prospective qu'il a adoptée jusqu'à présent ont permis de mettre en échec plusieurs opérations, a souligné M. El Khayam, précisant que le BCIJ a pu démanteler en l'espace d'une année, 29 cellules terroristes qui planifiaient des attaques dans l'objectif d'attenter à la stabilité du Royaume.