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Marocains aux Pays-Bas : Un ultimatum de La Haye à rejeter sans état d'âme par Rabat !
Publié dans L'opinion le 23 - 02 - 2016

Le mal est fait, la boucle est bouclée. Dans le cadre des politiques néolibérales à relents populistes, la droite et l'extrême droite néerlandaises sont arrivées à leur fin : imposer au Maroc lui même à travers son gouvernement, la remise en cause d'un certain nombre de droits sociaux acquis par ses ressortissants immigrés aux Pays-Bas et leurs familles restées ou retournées au Maroc. Plusieurs domaines ont été touchés essentiellement.
Des décisions régressives
En vertu de la "loi sur le principe de résidence", datant du 1er juillet 2012, qui introduit des modifications dans les critères d'attribution des prestations en matière de sécurité sociale, une diminution de 40% a été instituée à partir du 1er janvier 2013 sur les pensions de veufs et de veuves, ainsi que sur les allocations familiales pour les enfants se trouvant au Maroc, sous prétexte que le coût de la vie au Maroc est inférieur de 40% à celui prévalant aux Pays-Bas.
Par ailleurs, et conformément à une nouvelle mesure concernant "l'arrêt de l'exportation des allocations familiales", celles-ci devaient également être supprimées en direction du Maroc.
Au total, cinq types de prestations sont concernées par ces mesures gouvernementales, considérées comme signe et facteur de "modernisation" du système de "protection" sociale, alors qu'elles sont prises en considérant l'immigration comme la variable d'ajustement de la crise. Il s'agit des allocations pensions de survivants (ANW), des prestations d'invalidité partielle basée sur le revenu minimum ( WGA), de l'allocation d'invalidité (TW), des allocations familiales pour les enfants (AKW) et de l'assurance maladie (ZWW).
L'approche du fait accompli
En vue de permettre l'entrée en vigueur de ces décisions, il était nécessaire pour le gouvernement néerlandais de modifier en particulier la convention de sécurité sociale conclue avec le Maroc, sachant évidemment qu'il y a primauté des conventions internationales sur les lois internes. Par conséquent, il aurait fallu engager une concertation, notamment avec le Maroc, avant d'adopter ce type de mesures et mettre les pays d'origine devant un fait accompli. Or, le gouvernement néerlandais de coalition libérale-travailliste a pratiquement "notifié" au gouvernement marocain de réviser la convention.
Sous couvert de concertation, on a cherché de fait à officialiser et à légaliser la discrimination et l'injustice, en exerçant des pressions insoutenables sur le Maroc pour la signature d'une nouvelle convention entre les deux pays. En d'autres termes, cette méthode machiavélique consiste à faire en sorte que le Maroc accepte lui-même les remises en cause des droits des Marocains aux Pays-Bas pour que l'on ne parle plus de la violation de l'accord bilatéral de sécurité sociale par le gouvernement néerlandais.
En invoquant la prise de nouvelles mesures, le gouvernement néerlandais, a de la sorte, fermé le dialogue avant de l'ouvrir. Ce qui a prévalu dans cette logique, c'est la prééminence du fait accompli, la nécessité de se soumettre à la nouvelle réalité, sans la remettre en cause d'aucune façon, et en la considérant, par conséquent, comme non négociable.
Objections de fond tardives ?
Finalement, depuis 2011, après une longue période de tergiversations marocaines, de pressions et de chantage néerlandais, une courte période de "résistance" du Maroc s'en est suivie. Durant cette seconde phase et concernant la décision unilatérale de La Haye, le ministère marocain des Affaires étrangères avait exprimé "son rejet total de cette décision aussi bien dans la forme que dans le fond", et que des décisions allaient être prises à Rabat en vue de "consolider la défense des intérêts, des acquis et des droits des Marocains de Hollande". Le Maroc n'est pas prêt à sacrifier les intérêts de ses ressortissants et céder sur les acquis réalisés en la matière.
Plus encore, "des actions seront envisagées sur le plan aussi bien politique que juridique", précisait alors un communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères, à la suite d'une réunion tripartite des trois ministres concernés (A.E, Emploi, ministère MRE). Mais les deux parties ont repris langue, aucune des menaces de rétorsion brandies par Rabat n'ayant été mise en application.
Fin septembre 2015, tout était définitivement bouclé, suivi par des communiqués officiels séparés triomphalistes de part et d'autre, marquant une satisfaction générale de l'aboutissement des pourparlers et saluant les résultats de ce dialogue. Dans un communiqué du ministère néerlandais des Affaires sociales en date du 29 septembre 2015, l'accord "d'ajustement" de la convention bilatérale en matière de sécurité sociale est qualifié d'"équilibré", en ce sens qu'il «prend en compte» les intérêts " et "l'excellence des relations diplomatiques de longue date" entre les deux pays. La date de la signature officielle de la convention révisée était même fixée pour le 15 décembre 2016.
Dix jours plus tard, le 9 octobre 2015, un communiqué ministériel conjoint publié sur le site du ministère marocain de l'Emploi, était également optimiste : "Lors de ces négociations, la délégation marocaine a tenu fortement à la préservation des droits acquis des citoyens marocains et à l'importance de l'application des clauses de la convention de 1972". Suit alors l'énumération d'une longue série d'acquis "positifs".
Le 14 octobre 2015, dans Atlas Info, c'est l'ambassadeur du Maroc aux Pays-Bas qui abonde dans le même sens, estimant que la méthode suivie par les négociateurs marocains était empreinte de "réalisme", constituant "l'option la plus raisonnable". Pour le diplomate, l'accord avait abouti à un "compromis globalement positif", qui préserve dans une large mesure les droits des bénéficiaires.
Mais d'où vient alors le problème ? Ce serait la diffusion par le site de la caisse néerlandaise de sécurité sociale des éléments principaux de révision de l'accord conclu le 29 septembre 2015 entre le Maroc et les Pays-Bas, qui a suscité l'indignation et la colère d'un très grand nombre de Marocains en Hollande, compte tenu du fait qu'il était mentionné dans le préambule, que l'accord conclu avec le Maroc n'englobait pas le "Sahara Occidental". Ceci dans une vision implicite, largement partagée au sein des pays de l'Union Européenne, qui considère qu'il s'agit d'un territoire dont le statut est encore contesté internationalement et dont la solution est à trouver dans le cadre des Nations unies.
Dans la version donnée par les responsables néerlandais, c'est seulement quelques jours après la fin des négociations et la publication de ces réactions d'autosatisfaction, y compris par les responsables marocains, que la partie marocaine s'est ravisée en ajoutant une condition de fond de dernière minute : exigence d'élargir le versement des allocations des MRE en y incluant les provinces sahariennes, ce que les Pays-Bas ont refusé.
"SVP" et la question du Sahara
Bien entendu, on ne doit pas transiger avec la question de l'intégrité territoriale du Maroc et il est tout à fait normal, primordiale et même impératif, que la défense de l'intégrité territoriale du Maroc soit présente à tous les niveaux. Car le fait de ne pas envoyer d'allocations par l'institution néerlandaise chargée de la gestion des questions de sécurité sociale SVP (sociale verzekeringsbank) à des Marocains à leur domicile effectif (même si les allocataires bénéficiaires sont très peu nombreux), sous prétexte qu'il se trouve dans les provinces sahariennes, et de laisser entendre sur son site officiel, que pour le Maroc, le Sahara occidental n'est pas compris, est un outrage. Ce fait constitue un flagrant déni des droits historiques et juridiques du Maroc sur ses territoires du Sud, et une atteinte à la dignité nationale des citoyennes et des citoyens marocains établis en Hollande. ?
En effet, il y a lieu de rappeler l'avis de la Cour Internationale de Justice (précisément à La Haye) du 16 octobre 1975, qui avait confirmé que le Sahara occidental n'était pas "terra nullius" avant la colonisation, en ajoutant le constat de l'existence de liens juridiques entre le Royaume du Maroc et les tribus du Sahara.
Mais les négociateurs néerlandais reprochent à la partie marocaine son "manque de sérieux", celui de n'avoir soulevé ce point très sensible que plusieurs jours après, ce qui a suscité l'irritation, voir même la colère des responsables gouvernementaux à La Haye, qui ont alors décidé de mettre en pratique leur menace de dénonciation unilatérale de la convention bilatérale de 1972, brandie à maintes reprises depuis plusieurs mois auparavant, et reportée plusieurs fois.
Sans donner de précisions sur le timing des objections marocaines au gouvernement néerlandais, le ministre marocain de l'Emploi, de qui dépend la Caisse nationale de sécurité sociale qui gère notamment l'accord Maroc-Hollande en matière de sécurité sociale, est revenu sur le thème lors de la séance des questions orales le 5 janvier 2016 à la Chambre des Représentants à Rabat, en défendant la gestion marocaine des négociations avec les Néerlandais : " Le Sahara est une ligne rouge à ne pas dépasser " ; " Le peuple et le gouvernement refusent catégoriquement toute concession sur le Sahara", avait-il martelé.
Le vote au parlement néerlandais
Après le vote du rejet par la Chambre néerlandaise des députés de la convention de sécurité sociale liant le Maroc et les Pays-Bas depuis le 14 février 1972, qui a eu lieu le 19 janvier 2016, par 90 voix pour et 56 contre, voilà que le Sénat néerlandais a approuvé, le mardi 16 février 2016, la proposition du gouvernement néerlandais de mettre fin de manière unilatérale à la même convention.
Au Sénat, trois groupes se sont opposés à la suppression de manière unilatérale de l'accord de sécurité sociale maroco-néerlandais. Il s'agit des fractions des partis travaillistes PVDA et socialiste (SP), ainsi que celle des Verts (GroenLinks). A noter que le ministre néerlandais des Affaires sociales appartenant au PVDA, Lodewijk Asscher, a été déjugé par les propres parlementaires de son parti !
Par contre, ont voté pour l'annulation de la convention les groupes politiques suivants : les fractions des deux partis chrétiens (SGP et CU), du parti libéral (VVD), de l'Appel Chrétien Démocrate (CDA), du Democrate 66 et du parti pour la liberté (PVV/Extrême-droite).
La décision irréversible d'annulation entrera officiellement en vigueur à partir du 1er janvier 2017 et nécessite en conséquence d'être publiée au moins six mois avant au Bulletin Officiel néerlandais, soit au plus tard le 1er juillet 2016, s'il n'y a pas du nouveau entre temps...
La méthode forte des Pays-Bas
Certes, l'article 38 de cet accord permet à chacune des deux parties contractantes de se soustraire formellement de manière unilatérale de son engagement, mais il s'agit d'une mesure exceptionnelle et extrême, qui signifie plutôt l'échec au plan politique des relations humaines et sociales entre les deux pays.
Au lieu qu'il y ait le recours aux mécanismes de concertation et d'arbitrage prévus par la convention pour régler les différends une fois que les voies du dialogue sont épuisées, le gouvernement néerlandais est passé à la méthode forte. Celle de la mise à mort d'une convention bilatérale, constituant de fait une grave décision qui est rare dans les rapports internationaux et sans précédent dans les relations bilatérales, une décision qui fait fi des intérêts légitimes des Marocains en Hollande, ainsi que des relations séculaires d'amitié et de coopération entre le Maroc et les Pays-Bas.
Pour avoir abordé certains de ces aspects en leur temps, nous ne reviendrons pas ici de manière exhaustive sur toutes les péripéties traversées par ce dossier depuis quelques années, ni dans le détail des droits remis en cause, ni au chapitre des responsabilités de chacun des deux gouvernements, qui ont amené à cette impasse diplomatique. Cependant, devant la gravité de la situation présente, il importe de rappeler l'origine du problème.
Des raisons populistes et électoralistes
Pour des raisons populistes et électoralistes, il y a eu la volonté politique du gouvernement néerlandais de remettre en cause de manière unilatérale, injuste et discriminatoire un certain nombre de droits acquis par les Marocains des Pays-Bas, alors que l'article 5 de la convention de sécurité sociale, signée en 1972 entre le Maroc et les Pays-Bas, l'interdit formellement et sans aucune ambiguïté : "Les prestations en matière d'invalidité, vieillesse ou de survivants, les allocations au décès et les allocations familiales acquises au titre de la législation de l'une des parties contractantes, ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni confiscation du fait que le bénéficiaire ou l'enfant réside sur le territoire de la partie contractante autre que celui où se se trouve l'institution débitrice".
Rappelons d'ailleurs que la justice hollandaise avait annulé, aussi bien en première instance qu'en appel, toutes les décisions relatives à la diminution des allocations, notamment celles des veuves et des enfants, au motif qu'elles étaient "contraires aux accords bilatéraux sur la sécurité sociale et aux conventions internationales et européennes."
Cartes maîtresses non utilisées
par le Maroc
Fort de cet article 5 de la convention bilatérale, ainsi que de l'article 65 de l'Accord d'association euro-marocain du 26 février 1996, qui interdit ce genre de discriminations en matière de sécurité sociale, le gouvernement marocain ne devait aucunement prendre acte de ce fait accompli et imposer aux Marocains de Hollande et à leurs ayants-droit au Maroc ces mesures injustes. Comme le lui demandait notamment "la coordination nationale (en Hollande) des ONG contre la réduction des allocations et pour le respect des conventions bilatérales et internationales", dont EMCEMO est l'un des acteurs dynamiques, qui a par ailleurs organisé ces dernières années 3 conférences de presse sur ce dossier à Rabat, en partenariat avec l'OMDH, le gouvernement marocain n'aurait jamais dû ouvrir la brèche comme il l'a fait, en aboutissant fin septembre 2015 à un accord qui n'est "équilibré" qu'en parole.
À titre comparatif, selon le directeur d'EMCEMO, Abdou Menebhi, qui s'exprimait sur les colonnes du journal "Le Matin du Sahara" en date du 26 janvier 2016 : "Au tout début de l'éclatement de cette affaire, les Turcs étaient aussi concernés par cette éventuelle rupture de l'accord de sécurité sociale. Aujourd'hui, le gouvernement néerlandais a abandonné son projet, face aux pressions du gouvernement turc. Ce dernier a remis en cause plusieurs autres accords signés entre les deux pays. Chose que le gouvernement marocain n'a pas entreprise".
Allusion pour le Maroc est faite ici notamment pour l'accord d'identification des irréguliers marocains aux Pays-Bas et de leur rapatriement vers le Maroc, retour des prisonniers marocains qui purgent une peine carcérale aux Pays-Bas, échange en matière de renseignements, contrôle des biens détenus au Maroc par les Marocains résidant aux Pays-Bas, etc...
Un accord loin d'être équilibré
Si les actuels bénéficiaires de la convention de sécurité sociale ont été protégés par des décisions de la justice néerlandaise qui s'imposent au gouvernement hollandais, on ne peut dire autant des futurs assujettis à la sécurité sociale hollandaise parmi les immigrés marocains : l'amputation de 40% sera bien appliquée pour leurs ayants-droit au Maroc et les allocations familiales des enfants restés ou retournés au Maroc seront supprimées.
Clarifions les choses à ce niveau. Il est vrai que dans "l'accord" de fin septembre 2015, le droit à l'exportation des allocations familiales vers le Maroc devait être sauvegardé pour les nouveaux bénéficiaires dont le droit s'ouvre le 1er janvier 2016, mais ceci devait être fait seulement pour la période allant uniquement jusqu'au 31 décembre 2020. Cependant, à partir du 1er janvier 2021, l'exportation des allocations familiales devait être supprimée définitivement pour les nouveaux bénéficiaires de la sécurité sociale. Il en est de même de la couverture médicale (au Maroc) en matière de santé, qui était destinée à être supprimée à partir de cette date.
C'est là une grave atteinte à des droits déjà reconnus par la convention de 1972. Ces droits auraient dû être sauvegardés, voire même élargis et non pas au contraire rétrécis, voire même supprimés, dans le cadre d'une démarche de discrimination, d'érosion ou de régression sociale.
En la matière, il y a en plus une violation flagrante de l'article 16 de la Constitution marocaine rénovée en 2011, qui énonce notamment que "le Royaume du Maroc œuvre à la protection des droits et des intérêts légitimes des citoyennes et des citoyens marocains résidant à l'étranger".
Par ailleurs, en acceptant la restriction des prestations et surtout la suppression de l'exportation des allocations familiales vers le Maroc et la non prise en charge des soins médicaux au Maroc, le gouvernement marocain favorise le risque de contagion, en donnant des arguments à d'autres pays, notamment européens, concernés par l'immigration marocaine en leur sein. Le risque est d'autant plus grand en raison de la montée vertigineuse du populisme, de l'islamophobie et de la vision péjorative et dépréciative des personnes venues de la rive Sud, qui contribuent pourtant au progrès et à la prospérité des gens de la rive Nord.
Enfin, la rupture brutale ou exécution capitale de la convention bilatérale maroco-hollandaise en matière de sécurité sociale, n'a pas d'impact négatif uniquement sur les allocations précitées touchées par les diminutions ou les suppressions, mais sur une panoplie d'autres prestations prévues dans le cadre de l'accord.
Voilà quelques unes des raisons qui peuvent expliquer le fait que pour la société civile MRE aux Pays-Bas, l'accord du 29 septembre 2015 entre le Maroc et les Pays-Bas est un "accord mascarade", "un coup de poignard dans le dos" effectué par le gouvernement marocain à l'encontre des Marocains de Hollande.
Quelle réaction de Rabat à l'ultimatum
de La Haye ?
Il y a quelques mois, le simple fait d'agiter la menace de rupture par les Pays-Bas de l'accord de sécurité sociale avec le Maroc, était dénoncé officiellement à Rabat comme un "acte inamical" qui "ne saurait rester sans conséquence sur les relations bilatérales ". On sait ce qu'il est advenu de cette "détermination" avec les multiples concessions faites sur le dos des Marocains en Hollande. Maintenant que cette rupture est pratiquement actée avec cette décision grave, devant mettre un terme aux droits sociaux négociés par les deux pays pour leurs ressortissants respectifs, que va faire le gouvernement marocain ?
Face à cette impasse diplomatique, deux des ministres marocains en charge direct du dossier, semblent marquer leur impuissance : Le premier déclare à « Al Huffington Post" du 17 février 2016 : " Il est trop tôt pour réagir". Le second confie à "Al Majala 24 " : " Contrairement à ce que croient les Marocains des Pays-Bas, le gouvernement suit de près cette question", sans donner cependant une quelconque précision, sauf d'ajouter que "la décision n'arrivera au BO néerlandais qu'en juillet 2016, ce qui laisse au Maroc une marge de négociation". Le premier a ajouté également qu'il est "conscient de l'importance stratégique que le Royaume du Maroc entretient avec les Pays-Bas", notamment sur le volet sécuritaire qui "intéresse aussi bien la partie hollandaise que marocaine".
Mais, n'a t-on pas, là, la clef de compréhension de l'attitude marocaine qui expliquerait toutes les concessions faites à la partie néerlandaise, au détriment des droits légitimes des Marocains aux Pays-Bas et de leurs ayants-droit au Maroc !?
De plus, et alors qu'il a littéralement cadenassé toutes les issues, en choisissant la rupture et en optant activement pour la résiliation de manière unilatérale de la convention Maroc-Pays-Bas sur la sécurité sociale, qui est loin d'être anodine, mais par contre des plus sévères et des plus rigoureuses, comment le ministre néerlandais des Affaires sociales, Lodewijk Asscher, peut-il déclarer deux choses ? D'un côté, affirmer de manière cynique que la dénonciation était la seule voie pour sortir de l'impasse, et de l'autre, prétendre laisser une "porte ouverte" au Maroc jusqu'au 1er juillet 2016 ?
Ne s'agit-il pas plutôt d'un ultimatum déguisé à l'intention des autorités marocaines, avec la fixation même d'un délai impératif : se soumettre maintenant entièrement aux conditions de la partie néerlandaise, d'autant plus que la partie marocaine s'est bien fragilisée par ses atermoiements, suivis en fin de compte par la soumission et des renonciations substantielles au détriment des Marocains aux Pays-Bas. Par cette forme de véritable diktat, La Haye ne cherche-t-il pas maintenant la pure "capitulation" de Rabat !?
Par ailleurs, n'est-il pas temps de voir au moins cesser au Maroc les opérations de contrôle des biens des Marocains des Pays-Bas, menées par les services consulaires néerlandais, avec la connivence de certains agents administratifs locaux !? La question est toujours d'actualité, en dépit de certaines dénégations officielles marocaines, en particulier celles de l'ambassadeur du Maroc aux Pays-Bas, alors que le communiqué ministériel tripartite marocain, du 9 octobre 2016, contredit clairement les propos de l'ambassadeur. Au point 9, il est dit notamment que "les deux parties (Maroc et Pays-Bas), ont réitéré leur attachement commun au respect des procédures de contrôles patrimoniaux, conformément aux dispositions de l'article 30a de l'arrangement administratif ".
Relevons également, à ce propos, qu'il y'a à peine quelques jours encore, un avis de recrutement était publié en néerlandais sur le site officiel du service social de l'ambassade des Pays-Bas au Maroc, concernant des agents de contrôle en la matière !
En définitive, sans constituer nullement une "victoire" des Pays-Bas, nous sommes face à un réel échec de la diplomatie sociale marocaine, dont il s'agit de tirer toutes les leçons pour pouvoir rebondir, les citoyens marocains de Hollande et leurs ayants-droit ne devant pas faire les frais de cette gestion hasardeuse du dossier migratoire.
Une communication interministérielle calamiteuse à Rabat
Le communiqué interministériel marocain (Affaires étrangères, Emploi, Marocains résidant à l'étranger), dont a fait état l'agence officiel MAP en date du 21 février 2016, est des plus ambigu et introduit (volontairement !?) plus de confusion que de clarification. Quel est le sens du message que l'on veut transmettre par cette phrase centrale qui figure tout au début du texte : "L'approbation par le Parlement néerlandais de la loi portant dénonciation de la Convention sur la sécurité sociale entre le Royaume du Maroc et le Royaume des Pays-Bas en 1972, s'inscrit en faux contre LA BONNE VOLONTÉ DES DEUX GOUVERNEMENTS qui se sont engagés dans un processus de négociation afin de parvenir à un accord qui préserve les intérêts des deus parties, a indiqué le comité ministériel représentant les départements des Affaires étrangères, des Marocains résidant à l étranger et de l'Emploi" !?
Veut-on plutôt dire que cette décision parlementaire est en porte à faux avec la bonne volonté des deux gouvernements !? Et pourquoi les trois ministres marocains défendent-ils et excusent-ils le gouvernement néerlandais, sachant que c'est son ministre des Affaires sociales Lodewijk Asscher, qui a défendu le projet de loi de dénonciation de la convention bilatérale, pour exercer pression et chantage sur le Maroc !? Par ailleurs, lorsqu'il est dit que " le comité ministériel souligne que toutes les mesures nécessaires seront prises en vue de CONSOLIDER LA DÉFENSE intérêts, des acquis et des droits légitimes des membres de la communauté marocaine", il y'a là une contre vérité. En effet, lors des dernières négociations, les responsables marocains n'ont pas préservé, et encore moins élargi ces droits, mais ils les ont au contraire amputés et diminués comme nous le démontrons dans notre présente analyse !
Par contre, on suivra le communiqué lorsqu'il reconnait en conclusion que l'on est devant "une impasse" à surmonter !
Pour une diplomatie sociale du Maroc
Après la reconfiguration en profondeur de l'appareil diplomatique marocain, grâce aux dernières mesures royales de nominations d'ambassadeurs, n'est-il pas temps de donner également toute son importance à la diplomatie sociale du Maroc, du fait de la présence de quelques cinq millions de citoyennes et de citoyens marocains dans le monde et de défendre leurs droits multidimensionnels conformément à la Constitution, dans le cadre de ce que le Roi Mohammed VI a appelé "la vision marocaine de la justice sociale", développée dans son message adressé ce 19 février 2016 au Forum parlementaire de la justice sociale, organisé par la Chambre des conseillers à Rabat !?
En reprenant le mot du Souverain, on pourrait dire que cette vision se décline dans "la constitutionalisation par le document normatif suprême du pays, de tous les droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux", en particulier à notre sens l'article 16, ainsi que les articles 17,18 et 163.
Par ailleurs, dans le cadre d'une véritable stratégie nationale en direction de la communauté marocaine à l'étranger qui fait encore cruellement défaut, en dépit des directives du discours royal du 6 novembre 2007 et du rappel en la matière du Discours du Trône du 30 juillet 2015, n'est-il pas opportun que des inflexions structurelles et majeures soient également données dans cet esprit à la conception et à l'action gouvernementales et institutionnelles en la matière (CCME, Fondation Hassan II pour les MRE, Conseil Européen des Oulémas Marocains.) ?
Précisons par ailleurs d'ores et déjà concernant la crise traversée par le dossier sécurité sociale Maroc-Hollande, que la diplomatie parallèle parlementaire marocaine n'a nullement été déployée, en dépit d'appels pressants au niveau du débat public. De même, la consultation de la société civile MRE aux Pays-Bas n'a pas été objectivement menée par les responsables marocains, laissant de côté, dans une démarche sectaire et non productive, les acteurs réellement présents sur le terrain, réunis dans la "Coordination nationale des ONG contre la réduction des allocations et pour le respect des conventions bilatérales et internationales". Enfin, le CCME, censé être une instance nationale consultative de veille et de propositions, pour tout ce qui touche les droits humains des MRE et des politiques publiques marocaines afférentes à la communauté marocaine à l'étranger, n'a été pratiquement d'aucune utilité dans ce dossier, qui concerne de manière centrale la protection des droits humains des Marocains établis aux Pays-Bas. Certes, il y a bien eu le 18 septembre 2015 ce que le site du CCME avait appelé une journée d'étude sur la convention de sécurité sociale entre le Maroc et les Pays-Bas. A cette occasion, Abdellah Boussouf, secrétaire général du CCME, avait déclaré que "l'organisation de cette activité intervient dans le cadre de la mission consultative du Conseil. Ceci montre que les avis du CCME, ne sont émis que suite à l'écoute et la concertation avec toutes les parties concernées".
Or, dans ce domaine d'une actualité brûlante comme dans tous les autres domaines concernant les MRE, il n'y a jamais eu ne serait-ce qu'un seul avis consultatif, et ce, depuis la création du CCME, il y a de cela plus de 8 ans, le 21 décembre 2007 !!! Et même l'assemblée générale qui doit obligatoirement discuter et voter tout projet d'avis consultatif avant de le soumettre au Roi, ne s'est jamais réunie, en dehors de l'AG de lancement en juin 2008, alors que le dahir portant création du CCME, impose une AG annuelle chaque mois de novembre...
Au passage, avant que certains (au premier et au troisième degré), ne s'indignent sur certains plans et ne demandent aux Marocains du Monde de généraliser cette indignation, encore faut-il, dans une démarche d'honnêteté intellectuelle, de courage politique et en interrogeant leur propre mémoire sans sélectivité, qu'ils fassent d'abord leur mea-culpa !!!
Au total, tout en préservant l'avenir, il appartient dés lors à notre sens au Maroc d'utiliser tous les moyens civilisés et légitimes en sa possession pour défendre les intérêts légitimes de ses citoyennes et ses citoyens aux Pays-Bas : mobilisation de l'opinion publique marocaine et des secteurs progressistes néerlandais, recours auprès du BIT et d'autres instances juridictionnelles européennes, consultation sérieuse, démocratique et ouverte de la société civile MRE en Hollande, recours effectif et ouvert à la diplomatie parallèle, élaboration et suivi d'une véritable diplomatie sociale en ce domaine, y compris au niveau de l'ambassade et des consulats du Maroc en Hollande. Sans oublier, bien entendu, d'utiliser les moyens de pression légaux détenus par le Maroc, dans le cadre de ses rapports multidimensionnels avec les Pays-Bas.
L'ultimatum de La Haye à Rabat est à rejeter sans aucun état d'âme !
*Universitaire à Rabat,
chercheur spécialisé en migration


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