Le Chef du gouvernement est tenu plus que jamais de se prononcer sur ce qui est communément appelé "L'affaire des trois ministres". La crainte, la grande crainte est qu'il gratifie une fois de plus l'opinion publique de son désormais fameux «mafrasich» (je ne suis pas au courant) pour ne pas dire j'étais le dernier à savoir. Le dernier à savoir que deux membres de son équipe gouvernementale, à savoir les ministres de l'Economie et des Finances et celui de l'Agriculture et de la Pêche Maritime, se sont donné rendez-vous le mercredi 20 janvier pour procéder à la signature d'une convention relative au lancement d'un nouveau produit d'assurance agricole avec la société Saham Assurance représentée par son Président Directeur Général M. Mehdi Tazi et dont le fondateur n'est autre que le ministre de l'Industrie, Moulay Hafid Elalamy. En vertu de cette convention, Saham Assurance s'engage à se lancer dans la commercialisation d'un nouveau produit d'assurance «Taemine Al Mahssol» qui aurait à garantir les récoltes céréalières, légumineuses alimentaires et oléagineuses contre un ensemble de risques climatiques. Un marché qui se chiffre en milliards de dhs et sa particularité et/ ou son attrait réside essentiellement dans le fait que l'État contribue à son financement à travers une subvention pouvant atteindre jusqu'à 90% de la prime. Une véritable aubaine pour tout assureur. D'autant plus que la cible est déjà identifiée et avec le lancement du Registre National Agricole, l'on disposera d'une base de données des plus exhaustives en termes de connaissance du tissu agricole et de ses principales composantes. Dès lors, la question qui se pose est de savoir dans quelles conditions cette convention a été établie. S'est-elle opérée en conformité avec les dispositions de la Loi n° 06-99 sur la liberté des prix et de la concurrence ? Saham Assurance n'avait-elle pas une certaine longueur d'avance sur les autres compagnies d'assurance qui seraient éventuellement intéressées par ce genre de marché ? Autant de questions qui restent en suspens et qui risquent de raviver la polémique, d'autant plus qu'au lieu d'opérer une sortie médiatique en bonne et due forme, Saham assurance a préféré agir bien autrement en décidant, manifestement acculée, de stopper l'application de ladite convention. Et ce, au moment où une demande de réunion de la Commission du contrôle des finances publiques à la Chambre des représentants a été déposée dans le but d'examiner les conditions dans lesquelles cette convention a été conclue, et si elle n'est pas en violation avec les lois en vigueur, notamment la loi organique N°65.13 relative à l'organisation et à la conduite des travaux du gouvernement. L'argument développé en ce sens à travers un communiqué parvenu dimanche à la MAP est qu'au regard de la polémique "infondée" engendrée par la signature de cette convention, SAHAM Assurance décide de "stopper l'application de la convention, en attendant l'adhésion à ce produit de l'ensemble des autres compagnies intéressées, suite à l'appel lancé par le ministère de l'Agriculture et de la Pêche Maritime". En clair, il s'agit d'un gel et non d'un abandon de ladite convention et, à notre connaissance, le département de l'Agriculture s'est, jusqu'à l'écriture de ces lignes, contenté d'adresser le vendredi 22 janvier, deux jours après la signature de ladite convention, une note à la Fédération marocaine des assurances (FMSAR), lui annonçant que l'assurance agricole est ouverte à toutes les compagnies. Ceci pour dire et savoir si la décision de suspendre le lancement du produit est opérée par SAHAM Assurance de manière unilatérale ou en concertation avec ses cosignataires. Dans les deux cas de figure, la crédibilité de l'action gouvernementale et de son respect des règles en vigueur sont mises à rude épreuve. Et en attendant de voir plus clair sur les tenants et aboutissants d'une telle initiative, il est peut être beaucoup plus opportun pour les simples fellahs d'être fixés sur le sort du programme d'intervention gouvernemental en réponse à une saison sèche et à un déficit pluviométrique démesuré. D'autant plus qu'aucuns n'ignorent que c'est justement suite à l'annonce d'un programme anti sécheresse ou d'une saison agricole compromise que la MAMDA (Mutuelle agricole marocaine d'assurance), procéderait au déblocage de l'équivalent de 1,2 milliard de dirhams qu'elle a déjà provisionné afin d'indemniser les agriculteurs qui seraient victimes des effets de la sécheresse. Pour rappel, la MAMDA, assureur de référence, avait signé en 2011 une convention avec l'État créant une assurance «multirisque climatique» qui a pour objectif la couverture sur l'ensemble du Royaume des récoltes céréalières et légumineuses contre un ensemble de risques climatiques, particulièrement la sécheresse.