A compter du premier décembre prochain, l'accord d'homologation entre l'Etat et le Groupement des pétroliers du Maroc, en vertu duquel le changement des prix de vente des carburants à la pompe s'opérait tous les 15 jours, suite à la publication de la note du ministère délégué chargé des affaires générales, deviendrait caduc. Pour de nombreux opérateurs, ce processus n'aurait finalement servi, une année durant, qu'à préparer le terrain à de nouvelles règles de jeu. A savoir la libéralisation pure et dure des prix des combustibles liquides. A posteriori, il devient de plus en plus clair qu'à travers l'ancien système d'indexation ou de prix homologués, les pouvoirs publics travaillaient beaucoup plus sur le rapport de dépendance entre cours internationaux et prix à la pompe que sur une quelconque politique axée sur le social. La politique de transition instaurée alors avait à calmer les esprits et à gérer le temps selon un certain calendrier qui arrangerait l'actuelle équipe gouvernementale. Les vents étant favorables, les cours à l'international aussi, le processus conçu conjointement avec le Groupement des pétroliers du Maroc a pu être « vendu » et est même parvenu à composer avec les péripéties de la SAMIR. Concrètement et à partir du premier décembre 2015, le ministère de tutelle ne sera plus tenu de procéder à la publication de référentiel de prix et l'Etat n'interviendra plus dans la fixation des prix. Qui les fixera alors ? Ceux-ci seront tout simplement le résultat d'un libre jeu entre offre et demande. Les prix pourront fluctuer autant de fois que les opérateurs le souhaiteraient, toutes les semaines, voire tous les jours. Une sorte de volatilité qui serait facilité par la mise en place de systèmes d'information et l'équipement des stations en tableaux d'affichage de prix et de compteurs automatiques. N'empêche que les prix locaux du marché du carburant auront à suivre la tendance internationale. En principe, le prix à la pompe sera composé normalement du cours du pétrole sur le marché international auquel s'ajoutent des taxes, des coûts du stockage, des charges de distribution et une marge. Sans oublier bien entendu le taux de change du dollar. Ceci pour le principe. Dans la réalité, à compter du premier décembre la donne va changer : le marché sera livré à lui-même et personne ne sera à l'abri des moindres fluctuations que ce soit sur le marché national ou international. Aussi faut-il que les principaux partenaires fassent le jeu. D'aucuns n'ignorent que toute libéralisation présuppose un jeu de libre concurrence, la compétitivité entre opérateurs étant requise. A ce niveau les avis divergent. Pour les uns, la compétition entre opérateurs, en termes de renforcement des capacités de stockage et possibilités d'approvisionnement à l'étranger, sera telle que les prix seront ceux du marché et à des niveaux raisonnables. Pour les autres, les opérateurs et entreprises de distribution des carburants pourraient se livrer à une sorte d'entente sur les prix, ou, à défaut, être tentés par une révision à la hausse de leurs marges. Déjà, et à en juger par les échos du marché, le système d'homologation avait lui aussi engendré une sorte de jeux de stock, qui s'est manifesté chez certains gérants de station, qui, pour profiter des hausses d'une quinzaine à une autre, procédaient à une sorte de gestion de stocks, en fonction des prix de carburants. Que ce soit pour les uns ou pour les autres et peu importe ou est-ce que l'on se situe par rapport à la chaine de valeur, la libéralisation dans un secteur tout aussi stratégique nécessite la mise en place d'un système de régulation et la création d'un régulateur. Ce qui, malheureusement, n'est pas le cas. N'empêche qu'travers le projet de loi 67-15 sur les hydrocarbures, adopté en conseil de gouvernement et présenté tout récemment à la Commission des secteurs productifs de la première Chambre, le département de l'Energie promet de demeurer le garant de la qualité, de la disponibilité des produits et de la surveillance d'éventuelles ententes sur les prix entre les distributeurs. En clair, le texte au stade du circuit législatif, concerne aussi bien l'importation et l'exportation que le raffinage, le stockage, la distribution des hydrocarbures et ne contient aucune disposition renvoyant à la notion de prix. Et les missions de contrôle du département de l'Energie, une fois le texte adopté, seront renforcées. Les agents chargés du contrôle seraient alors habilités à réprimer les fraudes, par «la mise en place de sanctions adéquates contre les contrevenants», comme des amendes financières ou la suspension provisoire ou définitive de « l'agrément des opérateurs mettant à la consommation des produits non conformes». Et des laboratoires d'analyses ou des organismes extérieurs pourront être mandatés pour évaluer la qualité des différents produits. Du coup, la question qui se poserait est celle de savoir si le consommateur est à même de supporter le surcoût de la qualité. La libéralisation devrait-elle, par conséquent, se traduire par une remontée automatique du prix à la pompe ? Les pompistes vont-il adopter la même périodicité des prix ? Autant de questions qui restent en suspens. Ce qui est sur, pour le moment, c'est le fait que le projet de loi 67-15 sur les hydrocarbures ne fait pas l'unanimité des principaux protagonistes, dont certains maillons de la chaine de valeur afférente aux carburants. Les gérants de stations-service montent au créneau et contestent certaines dispositions du projet de loi 67-15, dont la responsabilité de la qualité des produits qu'ils commercialisent. En plus de celles afférentes aux ruptures de stock et aux fermetures et retraits définitifs de licences. Se sentant mis à l'écart de l'élaboration de ce projet de loi, ces opérateurs espèrent certains amendements du projet de loi sur les hydrocarbures. Lesquels amendements auront mieux définit les responsabilités de tout un chacun.