L'Art déco semble toujours garder ce symbole de plaisir, d'élégance et de goût raffiné, quoiqu'il soit rétro, ayant l'histoire de l'art et de la décoration pour sujet. Certes, il recourait à l'imitation de l'ornement traditionnel, ayant un regard de curiosité sur les cultures lointaines. Il combinait, toutefois, ces anciens modèles avec de nouvelles techniques, appelant à la modernité, sans pouvoir être convaincu de sa nécessité. Vers la modernité L'Exposition Universelle de Paris, en 1899, fut placée sous le signe des constructions métalliques : en Angleterre, le pont de Forth par Benjamin Baker, la Galerie des machines par Dutert et Contamin. Eiffel, dont la Tour, érigée depuis dix ans, devint l'emblème du progrès technique et scientifique, affirma que « toute l'esthétique réside dans la résistance des matériaux établie sur des bases mathématiques qui permettent de calculer exactement la moindre des pièces, d'étudier les dispositions les plus avantageuses et d'arriver ainsi à des constructions plus légères et plus solides ». Cette forme de pensée nouvelle, propre à la modernité, n'avait pas trouvé ses échos dans l'Art nouveau qui développa dans toute l'Europe une ornementation d'inspiration organique et végétale. Après le tournant du siècle, ces contradictions seront dépassées dans le domaine de la technique, et surtout au sein des mouvements plastiques, où les novateurs s'orientent vers l'épuration des concepts. En Allemagne, toutefois, une esthétique s'élabore ; de 1907 à 1914, des industriels, des architectes et des artistes réunis au sein du Deutcher Werkbund, tenteront de définir leurs responsabilités respectives dans le processus de mise en forme des objets produits allemands de trouver un style fonctionnel cohérent. Elle sera la source du Bauhaus. Selon cette même conception, et dans le cadre du Salon d'automne à Paris, en 1910, l'exposition munichoise (Vereinigten Werkstätte für Kunst und Handwerk) fut considérée comme une redoutable concurrence allemande, face à laquelle la volonté d'orienter les arts appliqués français vers la production mécanique devint urgente. Face à un mobilier allemand simple, élégant et moderne, les artistes décorateurs français pensaient tendre, eux aussi, vers la modernité, sans rompre néanmoins avec les valeurs traditionnelles. Réagissant contre l'Art nouveau déjà déclinant et qu'ils qualifiaient de « style nouille », ils s'adonnaient à l' « épuration des lignes et des formes », puisant leur inspiration dans les mouvements artistiques novateurs. Le nouveau style Déjà en 1907, Eugène Grasset, en publiant une « Méthode de composition ornementale », mit en valeur les formes géométriques. Dans les revues d'art décoratif, on vit paraître des articles sur des artistes, où la qualité décorative de leur œuvre et leur tendance à purifier la forme étaient proposées comme modèle pour « une génération qui posait une nouvelle fois la question du classicisme ». En 1912, dans son article « Le Nouveau style », paru dans la revue « L'Art décoratif », André Véra écrit que l'art fondé sur la raison conduisait à l'époque glorieuse de l'art français, c'est-à-dire le XVIIème siècle. Il conseillait, en outre, les artistes de s'inspirer du « dernier vrai style », celui de Louis-Philippe, tout en précisant le langage des formes décoratives auxquelles le nouveau style devait recourir : corbeilles et guirlandes de fleurs et de fruits. Cet article était illustré de motifs ornementaux et de meubles dessinés par des artistes travaillant dans l'Atelier français de l'architecte Louis Süe, un atelier dont le but était de créer un style décoratif moderne basé sur la tradition française. Le mot d'ordre fut donné, faisant rêver Paris qui, dès les années 1910, découvrit les ballets russes de Diaghilev, inspirés des « Mille et une nuits » ; ces ballets fascinants mêlaient danse, musique, costumes et décors, s'ouvrant sur le luxe et l'exotisme, d'où la mode des éventails, des plumes, des jets d'eau et des couleurs vives. N'oublions pas que des artistes novateurs participaient à la montée de ces ballets, ce qui avait accentué le charme de cet exotisme délirant ; Lev Basket s'était occupé des costumes, tandis que Picasso, Derain, Delaunay et d'autres encore réalisaient le rideau de scène et le décor. Les Années folles La Première Guerre mondiale a bouleversé les projets et les espérances. L'Allemagne, terrassée sous les coups de la défaite, trouva, néanmoins, dans les années 1920, la possibilité d'engendrer ce qui va devenir un mythe dans l'esthétique industrielle : le Bauhaus. La France, en se relevant des décombres, vit son économie repartir. Plusieurs villes détruites demandaient la reconstruction. Les riches immeubles, style Art déco, prenaient alors la place des anciennes demeures. Après la « Belle époque », où on a vu l'effervescence de cet esprit scientifique et industriel en confrontation avec les décadentistes de fin de siècle, le monde bascule dans ses Années folles. Les années 1920 et 1930 furent les années des dépressions, des délires artistiques, des troubles sociaux et des marches de la faim. Ce furent aussi les années du totalitarisme où le communisme se confrontait au fascisme et au nazisme. Dans les milieux artistiques, le Dada et le surréalisme dominaient la scène, voués à l'art du délire. Ce délire s'exprimait aussi en musique, avec le jazz, et dans la danse, avec le charleston. Mais, c'est dans le cinéma où ce délire trouva ses grandes dimensions, lançant des messages turbulents, propres à l'époque. A peine naissant, il nous fait découvrir ses premiers chefs-d'œuvre : Métropolis en 1926, de Fritz Lang ; les 39 Marches en 1935 d'Alfred Hitchcock ; la Grande illusion en 1937, de Jean Renoir ; les Temps modernes en 1939 de Charlie Chaplin...