C'est un procès historique qui s'est ouvert avant-hier mardi à Dakar au Sénégal où l'ex-président tchadien Hissène Habré comparaissait devant le tribunal spécial africain, mandaté par l'UA et appelé Chambres africaines extraordinaires. Mais la multiplication des incidents voulus et provoqué par le dictateur déchu ainsi que son refus de récuser ses avocats ont amené le tribunal a ajourné le procès jusqu'au 7 septembre prochain. Face à la volonté affichée de Hissène Habré de boycotter un procès qui se veut exemplaire pour la lutte contre l'impunité en Afrique, la Cour s'est résolue à commettre d'office trois avocats sénégalais, auxquels elle a accordé 45 jours pour « s'approprier l'entièreté de ce dossier ». Les agents de la DDS adoptent une lecture très large de ce qui peut être nuisible à l'intérêt national. Un rien suffit à déclencher une arrestation. En dehors de tout cadre légal. « Pour être arrêté sous Hissène Habré, il suffisait de pas grand-chose, explique Jacqueline Moudeïna, coordonnatrice de l'équipe d'avocats des victimes. Il suffisait d'être le parent d'un opposant en exil. Ou même simplement de connaître cet opposant. Etre de la même ethnie que lui pouvait même suffire. Pour la petite histoire, il y avait un Monsieur à Sarh, au sud du Tchad, qui avait dit laissez-nous avec les histoires Habré, nous on est en train de boire notre bili-bili (la bière indigène). Ce monsieur a été arrêté, il a disparu. » Les pratiques totalitaires d'un régime L'arrestation, dans le système Habré, devient rapidement une descente aux enfers. Les détenus vivent entassés dans d'étroites cellules. Beaucoup sont torturés. Le docteur Hélène Jaffé, de l'association AVRE, est venue au Tchad prendre en charge des victimes de l'ère Habré après leur libération. Le constat qu'elle a fait est sans appel : « Nous avons vu des gens qui avaient des séquelles à la fois des mauvaises conditions de détention et des tortures. La torture la plus fréquente, c'était celle de l'Arbatachar, les chevilles et les coudes ramenés dans le dos, la colonne vertébrale arc-boutée. C'était extrêmement douloureux et ça laissait des séquelles. Mais il y avait d'autres tortures : attaché le détenu la tête en bas, l'immerger dans de l'eau sale, ou même une torture dont je n'avais pas entendu parler ailleurs : le supplice des baguettes qui consiste à mettre des baguettes de chaque côté du crane, les attacher devant derrière et on serre de plus en plus. Quelque chose d'atroce, les gens en meurent très souvent. Et ceux qui ont été témoins de cette torture en gardent un effroi terrible. »