C'est l'un des artistes peintres figuratifs marocains les plus encensés du moment, pour sa rigueur et sa palette richissime et lumineuse et pour cette régularité créatrice que lui reconnaissent les actants dans le milieu artistique au Maroc et en Europe, où la « touche » Sebtienne » n'est pas peu familière... Le parcours de Rachid Sebti, long et jamais inégal est d'une éloquence telle qu'on ne peut l'étaler ici, faute de place et d'espace. Alors, une fois n'est pas coutume –puisque les œuvres se veulent le porte-parole de leurs maitres- laissons la parole ouverte à notre artiste. *Parlons d'abord de votre exposition qui se tient actuellement à Casablanca. -Suite à l'invitation de Madame Amal Iraqui, propriétaire de la Galerie Amadeus (10, rue Mozart , Casablanca), j'ai préparé et programmé cette exposition pendant de longs mois Elle se tient depuis le 7 mai et se poursuivra jusqu'au 30 juin 2015. Elle est intitulée « La Femme Vénérée » suite à la quête que j'ai toujours menée autour de la femme. C'est un sujet inépuisable qui a déjà inspiré de nombreux Maîtres, de l'Antiquité à nos jours. Ma spécificité à propos de ce sujet qui est la femme, a plusieurs aspects. Dans ces dernières œuvres créées au Maroc, j'essaie de rendre la femme marocaine universelle et de la rendre belle, en la mettant dans des situations qui l'avantagent, ce qui n'est pas une chose facile. *Je ne peux m'empêcher de voir en vous, inversement à d'autres artistes peintres Marocains, voire internationaux, qui se "produisent" à un tempo plutôt lent, un artiste d'une régularité productive quasi métronomique. Quelle est donc l'explication à cette vitesse de croisière si continue? -J'apprécie beaucoup votre remarque, car elle me parle ! Cette rigueur que je m'impose, je l'ai apportée de Belgique, pays du Nord où la notion de travail est sacrée pour la majorité des personnes. C'est un pays de rigueur. Je n'attends jamais que l'inspiration me tombe dessus par hasard, mais je la cherche par l'assiduité dans mon travail. *Vous travaillez, là aussi régulièrement, sous le signe du sacre, de la vénération du corps féminin, de la femme tout court. Comment vous est venue cette" révélation", ce sujet de prédilection? -Pour étoffer je que j'ai dit plus haut, j'ai choisi délibérément le sujet de la femme. Dès mon enfance, j'ai toujours voulu percer le secret de ces femmes cloîtrées, isolées de la société, marginalisées sous plusieurs prétextes : religieux, patriarcales, la hchouma... Ma curiosité m'a poussé à partir à leur découverte, qui, bien qu'elles soient en majorité dans notre société, sont souvent reléguées. Dans les années 70, après avoir reçu une formation solide et brillante au Maroc, en Belgique et en Italie, j'ai utilisé tous mes acquis pour pouvoir faire face et traiter tous ces sujets qui m'envahissent toujours. C'est ainsi que jusqu'à l'heure actuelle, mes œuvres dégagent une beauté universelle. *Dans un secteur artistique marocain où l'on ne cesse de nous ressasser le mot "crise", vous sentez-vous un artiste créateur, pour ainsi dire, à l'abri? -La crise est réelle partout, mais la crise n'a jamais été un frein à la création et à l'inspiration. Les plus grands Maîtres, de la Renaissance à nos jours ont souvent travaillé dans la misère totale et c'est dans ces périodes qu'ils ont créé leurs plus belles œuvres, que les musées occidentaux s'arrachent encore aujourd'hui. Si je peux parler de moi, ce qu'en général je n'aime pas faire, je ne dis pas que je suis à l'abri, selon votre expression, mais que, grâce à Dieu, mes œuvres rencontrent toujours un public demandeur. *A ce propos, sincèrement, y a t-il crise ici ou alors certains cherchent-ils à se camoufler derrière des paravents En un mot, l'art marocain est-il devenu à ce point lié à l'économique, au fric? -Ce que vous dites est vrai. On parle plutôt plus d'argent que du plaisir de posséder une toile pour sa beauté, et je le déplore ! Tout le monde est impliqué dans ce jeu, tant les artistes, galeristes, marchands que les « smasserias ». *Ce qui est, par contre convenu de constater, est que le "marché" de l'art dans notre pays est loin d'être organisé. Vous confirmez? -Je n'irais pas dans ce sens-là, car des initiatives louables existent. La Société SMOOA, Société Marocaines des Œuvres et Objets d'art qui a à sa tête Monsieur Hicham Daoudi, fait un travail hyper professionnel, à mon avis. C'est un point très important Certaines galeries (deux ou trois) très professionnelles, ainsi que la publication du magazine DYPTIK, par exemple, participant aussi à ce travail remarquable, sont tous des moyens qui peuvent aboutir à des choses sérieuses à l'avenir par leur rôle capital d'information. Tout ceci me rend très optimiste pour l'avenir de l'Art au Maroc. *Vous exposez au Maroc et à l'étranger. Pensez-vous que nos galeries d'art méritent leur nom? -On assiste à une fièvre des galeries et galeristes au Maroc aujourd'hui. On lie cela au gain facile. La réalité est complètement différente. Tenir une galerie est un travail sérieux qui demande beaucoup de professionnalisme, de sacrifices et d'amour pour l'Art. Actuellement, ce n'est pas le cas. N'importe qui, possédant un peu d'argent et un goût du risque, peut imaginer « presser »au maximum les artistes, qui sont souvent dans des situations précaires. C'est une bonne combinaison pour ces aventuriers prétendus galeristes de se faire du fric ! On peut espérer qu'à l'avenir ce genre de situation disparaîtra et que seuls les véritables amoureux de l'Art tiendront le haut du pavé. *Paradoxalement, le Maroc à l'histoire de l'art si récente, est envahi à son tour par la "vague" du faux. Peut-on parlez ici de signal d'alarme? Haut du formulaire -Ce fléau existe effectivement. Dans le milieu, ce problème est éludé, car beaucoup y sont impliqués. J'ai déjà été confronté à la situation de devoir certifier qu'une toile a bien été peinte par moi ou pas. On ne peut que regretter cet état de fait... Le plus grave est que certaines galeries et autres marchands font circuler, en toute impunité, des faux accompagnés de soi-disant certificats d'authenticité !