La traite des personnes au Maroc se trouve au centre d'une étude réalisée par le ministère de la Justice et des Libertés, avec comme objectif de jeter la lumière sur les formes et le développement de ce fléau ainsi que les moyens de lutte contre ce type de criminalité. Cette étude, présentée mardi 5 mai à Rabat, se penche, notamment, sur la définition de la traite des personnes, les mesures de protection des victimes et des témoins prévues par le code de procédure pénale, ainsi que les différentes manifestations de ce fléau au Maroc, dont la traite transfrontalière, l'exploitation sexuelle, au travail ou pour la mendicité, la traite des enfants immigrés, l'exploitation des mineurs dans les réseaux terroristes, l'exploitation économique de cette catégorie et le trafic d'organes humains. Ce document met, également, en avant les mécanismes ayant trait à la prévention, à la prise en charge et à la réinsertion, en plus de recommandations sur le cadre légal et la protection des victimes, entre autres, ainsi que sur le partenariat aux niveaux national et international. "Cette étude vise à mesurer l'étendue de ce phénomène au Maroc, à prospecter les moyens de poursuivre les trafiquants et faire en sorte qu'ils n'échappent pas aux sanctions et proposer les outils de développement des mécanismes juridiques et sociaux destinés à la lutte contre ce fléau que ce soit sur le plan national ou international", a affirmé le ministre de la Justice et des Libertés, Mustapha Ramid, à l'ouverture du séminaire organisé à cette occasion, en collaboration avec ONU Femmes, l'entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes. La traite des personnes, qui prend plusieurs formes, est un des plus graves crimes qui portent atteinte à la dignité de l'être humain, d'autant plus qu'elle touche particulièrement les femmes et les enfants, a souligné M. Ramid, assurant que le ministère se penche sur les cas des victimes de traite des personnes dans le cadre général de la protection des femmes et des enfants contre toutes les formes de maltraitance et de violence et ce, à travers les cellules de prise en charge au sein des tribunaux. Définition spécifique dans le cadre de la révision du code pénal Conscient de la nécessité de lutte contre ce type de crimes, le Maroc a ratifié plusieurs conventions internationales en la matière, dont le protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, notamment les femmes et les enfants, additionnel à la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, a-t-il rappelé, précisant qu'il s'agit d'un cadre général international touchant notamment les mesures d'interdiction et de lutte contre la traite des personnes, la protection et l'assistance des victimes et le renforcement de la coopération entre les États en la matière. Et d'expliquer que même en l'absence d'une définition spécifique de la traite des personnes, la législation marocaine incrimine toutes ses formes internationalement reconnues, ajoutant que dans le cadre de la révision du code pénal marocain, un volet a été consacré à ce type de crimes, avec une définition qui va dans le sens de la perception internationale. En plus, un travail de sensibilisation a été entrepris au profit des magistrats et des cadres des cellules de prise en charge des femmes et des enfants au sein des tribunaux, avec comme but de normaliser cette notion et la distinguer de l'immigration et du trafic d'immigrés, d'unifier les mécanismes d'intervention et d'œuvrer pour enrichir et développer le cadre juridique relatif à la traite des personnes au Maroc, a-t-il affirmé. Limiter le vivier potentiel des victimes De son côté, la représentante d'ONU Femmes, Leila Rhiwi a indiqué qu'une réponse efficace à la traite des personnes ne saurait se limiter uniquement aux sanctions pénales, plaidant pour des dispositifs de prévention visant à limiter le vivier potentiel des victimes. Cette prévention se fait autant par la lutte contre toutes les formes de vulnérabilités sociales et économiques, que par la compréhension, par le public, par les acteurs institutionnels et par la société civile, de la réalité et des enjeux de ce phénomène, a-t-elle souligné. Pour sa part, le directeur de la Coopération suisse, Adriano Kupfer a mis en relief le partenariat avec le ministère de la Justice et des Libertés et ONU Femmes, ayant permis le lancement, en 2012, d'un projet commun visant à améliorer l'accès aux services judiciaires pour les femmes et les enfants victimes de la traite des personnes au Maroc. Ce projet a permis d'inscrire la question de la traite des personnes dans l'agenda politique et institutionnel, ce qui se répercutera sur la sensibilisation autour de ce phénomène, ainsi que sur les mécanismes de prise en charge des victimes et de prévention, prévus dans les projets de lois en phase d'élaboration, s'est-il félicité, faisant part de la volonté de son pays d'accompagner le Maroc dans ses efforts d'amélioration de la protection des victimes. Cette étude a recommandé l'élaboration de stratégies prenant en considération les principes des droits de l'Homme, tout en accordant la priorité au respect des droits des victimes, en plus de mesures d'intervention adaptées aux différentes formes de traite des personnes, bénéficiant d'un budget et soumis à des indicateurs de rendement. L'insertion de textes incriminant la traite des personnes, avec des sanctions dont la gravité est proportionnelle à l'âge de la victime et au degré des dégâts subis, la sensibilisation du public à la gravité de ce fléau, notamment pour les enfants, le renforcement du rôle des instances chargées des enfants en situation difficile et la multiplication du nombre des centres de prise en charge des victimes, sur le même pied d'égalité, figurent également parmi les recommandations de cette étude.