La récente étude de la Banque Africaine de Développement (BAD) intitulée « Volume du commerce et croissance économique dans la région MENA : biens ou services ? », réalisée par Jacob Kolster, Directeur ORNA, formule plusieurs constats à propos de ce sujet et précise que les barrières commerciales relativement importantes dans la région ont non seulement un effet négatif sur le commerce des services, mais aussi sur la compétitivité du secteur manufacturier, d'autant plus que certains services, en particulier le transport et les télécommunications, ainsi que les services financiers, complètent la production et l'exportation des biens. L'étude souligne bien que le commerce des services et celui des biens ont pour effet d'augmenter le produit intérieur brut. En effet, l'ouverture de la politique commerciale et l'augmentation des ratios des volumes des échanges au produit sont corrélés positivement à la croissance. L'effet du commerce des biens semble être plus marqué que celui des services. Ce constat s'explique par le fait que la région MENA a largement libéralisé le commerce des biens, mais les échanges de services demeurent confrontés à plusieurs obstacles et contraintes qui en limitent considérablement les effets sur la croissance. L'interaction entre le commerce des biens et celui des services est négative, ce qui indique que plus le commerce des biens est important, plus l'effet marginal du commerce des services sur la croissance dans la région MENA est faible. Ce résultat est surprenant, compte tenu de la complémentarité qui existe entre le commerce des biens et celui des services. L'inefficacité de la plupart des services fournis par le secteur public et le coût élevé des services de base essentiels, notamment le transport, les télécommunications, le stockage et la distribution, sont des facteurs importants qui augmentent le coût des exportations de la région MENA (services et produits manufacturés) et entravent le développement du commerce dans cette région. Dans son introduction l'étude remarque que, s'il est vrai que l'importance croissante des services dans l'économie est reconnue, ce n'est que récemment que la littérature internationale a commencé à étudier les relations entre le commerce des services et la croissance. Pendant longtemps, on s'est plutôt attaché à étudier la relation entre le commerce des biens et la croissance, sans aboutir à un consensus empirique. Il ne serait pas déraisonnable d'avancer que certains services, à l'instar de certains biens, recèlent des possibilités de stimuler la croissance. La principale fonction d'un grand nombre de services en rapport avec la croissance économique globale consiste à accroître la valeur des produits manufacturés et à coordonner les chaînes de valeur mondiales. Ainsi, les barrières au commerce des services peuvent s'étendre à d'autres activités et compromettre la compétitivité de l'ensemble de la chaîne de l'offre. Pour cette raison, les restrictions au commerce des services ont retenu l'attention des négociateurs spécialisés dans ce domaine. Un nouveau volet de la littérature montre que les pays dont le marché des services est ouvert tendent à être plus compétitifs dans le secteur manufacturier (François et Woerz, 2008 ; Nordas, 2010), et que la réforme du secteur des services est liée aux gains de productivité dans les entreprises de production en aval (Arnold et al., 2011). Ce document examine les effets du commerce des biens et des services sur la performance économique des pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord (MENA). En fait, la libéralisation du commerce devrait stimuler la croissance économique comme suit : premièrement, d'après Chaffour (2012), le commerce permet d'augmenter la productivité à travers une répartition plus efficace des ressources, des économies d'échelle, une concurrence accrue, des taux d'accumulation du capital et des progrès techniques plus rapides, ainsi qu'une meilleure circulation des idées, du savoir et des innovations à partir de l'extérieur. Deuxièmement, le commerce aidera probablement les pays à intégrer la chaîne de valeur mondiale, à se diversifier et à améliorer leur capacité de résistance aux chocs extérieurs. En revanche, si les gouvernements décidaient d'appliquer des mesures restrictives, les opportunités commerciales seraient réduites, le coût des intrants augmenterait et la création d'emplois serait limitée. En outre, les consommateurs auraient un choix limité, ce qui se répercuterait sur leur bien-être, et les sources de rente ainsi que les comportements rentiers iraient en s'amplifiant. Il convient de signaler que les pays hautement performants, autrement dit les pays qui ont connu une croissance de 7% ou plus pendant 25 ans, ou même plus longtemps, depuis 1950, ont mis à profit l'économie mondiale pour augmenter la productivité grâce au commerce, aux IDE, à la circulation de la technologie et à la migration (Commission de la croissance, 2008). Même si la région a enregistré des progrès dans la libéralisation du commerce des biens, elle est considérée comme l'une des plus restrictives pour le commerce des services avec des valeurs relativement élevées de l'indice de restrictivité du commerce des services (Brochert et al, 2012), ce qui révèle l'existence de sérieux problèmes de compétitivité. De fait, l'inefficacité des services fournis essentiellement par le secteur public et le coût élevé des services d'infrastructure essentiels, notamment le transport, les télécommunications, le stockage et la distribution, jouent un rôle important dans l'augmentation du coût des exportations de la région MENA (services et produits manufacturés) tout en limitant l'expansion du commerce dans cette région. En raison de la difficulté à mesurer le degré d'ouverture, les chercheurs ont mis au point des indicateurs créatifs, mais parfois complexes, et la plupart des études empiriques sur la croissance ont apporté une réponse favorable à la libéralisation du commerce (Ben-David, 1993 ; Dollar, 1992 ; Edwards, 1998 ; Harrison, 1996 ; Lee, 1993 ; Sachs et Warner, 1995 ; Wacziarg, 1998). Cependant, Rodriguez et Rodrik (2001) ont attiré l'attention sur le fait que les données transnationales disponibles doivent être interprétées avec prudence, en raison des problèmes liés aux erreurs de spécification ou de l'utilisation d'indicateurs d'ouverture qui concernent d'autres variables relatives aux politiques ou aux institutions qui ont un effet négatif indépendant sur la croissance. Le débat semble encore ouvert et les analyses comparables de l'effet de la libéralisation du commerce des services sur la croissance économique sont rares, en raison notamment du manque de données sur les indicateurs de la libéralisation du commerce des services et de l'ouverture.