C'est ainsi que les 12 et 13 janvier 2015, s'est réuni à Rabat le groupe de travail UE-Maroc sur les affaires sociales et les migrations (GTASM). Aucun communiqué n'a été publié jusqu'ici sur l'état d'esprit et les résultats concrets de ses travaux. Et pour cause, on croit savoir que la réunion a servi essentiellement pour préparer des négociations à Bruxelles sur des sujets très délicats et sensibles comme celui de la réadmission. En effet, le 19 janvier 2015 était programmé pour la négociation d'un accord de facilitation des visas Schengen, en améliorant notamment les services au niveau des consulats européens au Maroc et de perfectionner la communication en vue d'améliorer les moyens de mieux informer les citoyens marocains sur les conditions d'obtention des visas. Le lendemain, 20 janvier (hier), il était prévu au menu la négociation d'un accord de réadmission des migrants en situation irrégulière en Europe de passage au Maroc. A l'occasion de la tenue de la douzième session du Conseil d'association UE-Maroc (Bruxelles,16 décembre 2014),la Déclaration de l'Union Européenne met notamment l'accent sur le fait que, dans le but de concrétiser la Déclaration sur la Mobilité signée le 7 juin 2013 par le Maroc avec l'UE et 9 de ses États membres, "l'UE souhaite que les engagements réciproques pris par les deux parties, concernant les accords de facilitation de visa et de réadmission, aboutissent rapidement dans l'intérêt mutuel et en appelle au lancement imminent et en parallélépipède des négociations des deux accords." Une démarche pseudo-équilibrée Or, on ne peut parler "d'intérêt mutuel" dans ce cas. De même, contrairement aux affirmations de bien d'analystes et commentateurs bernés par la communication de l'UE en terme notamment de "facilitation de la mobilité des citoyens marocains", de "la facilitation de l'octroi des visas pour les ressortissants marocains désirant se rendre en Europe", des "moyens financiers importants" accordés à ce partenariat avec le Maroc, on ne peut dire objectivement, s'agissant du Partenariat pour la Mobilité, qu'il s'agit d'une" approche complémentaire", "consensuelle et collaborative", qui "fait la part des choses", d'une démarche "équilibrée", "reflétant les intérêts bien compris des deux partenaires", d'une "opération avantageuse pour les deux parties" dans le cadre d'un "partenariat gagnant-gagnant", le but étant de "parvenir à un résultat mutuellement bénéfique"... En fait, avec une démarche obsessionnelle de l'UE, le Maroc est talonné depuis l'an 2000, avec pressions multiples et chantage continu, pour qu'il signe un accord de réadmission non seulement de ses propres ressortissants "irréguliers" eu Europe, mais également des étrangers en situation "irrégulière" en Europe qui auraient transité par le Maroc. Notre pays a résisté depuis cette date et il n'y a aucune raison pour qu'il capitule maintenant, en cédant au chant des sirènes des promoteurs du Partenariat pour la Mobilité. Certes, un certain nombre d'aspects sont intéressants dans ce partenariat et peuvent faire l'objet d'une réelle collaboration avantageuse pour les deux parties. Mais, présenté sous un jour favorable, attrayant, généreux et équilibré, celui du bénéfice mutuel, du gagnant gagnant. Ce partenariat pour la mobilité est conçu en fait comme un "package", pour habiller les objectifs sécuritaires de l'UE, le but central étant de faire accepter "en douce" l'accord de réadmission. Ce partenariat rentre dans le cadre du "donner plus pour recevoir plus". Les accords de facilitation de visa et de réadmission constituent un ensemble indivisible, devant entrer en application au même moment, étant soumis à la logique de la conditionnalité. Sous-traitance sécuritaire Ce qui est réellement visé, c'est de faire jouer au Maroc le rôle de supplétif de l'Europe pour la répression des migrants, subsahariens en particulier, qui sont réadmis dans des "centres d'accueil" pour ne pas dire de rétention, alors qu'en plus de l'indispensable respect des droits humains, le Maroc a ses propres intérêts politiques et géostratégiques à défendre dans le continent africain, en particulier la défense du dossier de son intégrité territoriale. Il y a lieu de relever à ce propos que, dans le cadre de la réunion du Conseil d'association UE-Maroc (Bruxelles, 16 décembre 2004), la Déclaration du Maroc invite l'UE à consolider notamment la dimension africaine parmi les priorités, compte tenu en particulier de la "profondeur africaine du Maroc". De même, le Maroc "plaide pour la mise en place d'une "Alliance africaine pour la migration et le développement, qui préserve les principes humanitaires (...)". Par conséquent, on ne peut accepter ce rôle de gendarme de l'Europe. Par ailleurs, à l'heure où le Maroc a adopté une politique humaniste en matière d'immigration étrangère, le meilleur moyen de la faire échouer, est de signer cet accord de réadmission, moyennant des stimulants, incitants ou carottes pour mieux faire accepter le bâton. Au vu des graves enjeux existants pour le Maroc et avec l'appui de la société civile, le gouvernement ne peut donner son aval pour la signature de l'accord de réadmission. Avec l'appui de la société civile, sa réponse ne peut être, à notre sens, que la suivante : pas de visa pour la réadmission! Rabat, le 18 janvier 2015 Abdelkrim Belguendouz, Universitaire à Rabat, chercheur spécialisé en migration