Le creusement généralisé des inégalités de revenu a conduit à s'inquiéter de leurs conséquences potentielles pour nos sociétés et nos économies, estime l'OCDE dans sa dernière étude publiée sous le titre « Trends in Income Inequality and Its Impact on Economic Growth ». De récentes recherches de l'OCDE révèlent que toute amplification de ces inégalités fait chuter la croissance économique. L'une des raisons en est que les plus défavorisés se trouvent moins à même d'investir pour s'instruire. Corriger les inégalités peut rendre nos sociétés plus justes et nos économies plus fortes. L'accroissement des inégalités de revenu, un phénomène qui s'inscrit dans la durée Jamais en 30 ans le fossé entre riches et pauvres n'a été aussi prononcé dans la plupart des pays de l'OCDE. Aujourd'hui, dans la zone OCDE, le revenu des 10 % de la population les plus riches est 9.5 fois plus élevé que celui des 10 % les plus pauvres. À titre de comparaison, dans les années 1980, le rapport était de 7 à 1. Le revenu moyen au sommet de l'échelle de répartition a nettement progressé, mais des changements significatifs sont également intervenus à l'autre extrémité. Dans bien des pays en effet, le revenu des 10 % les plus modestes a augmenté lui aussi, mais bien plus lentement, les années fastes, pour reculer en période de crise et faire ainsi entrer la pauvreté monétaire relative (et, dans certains pays, absolue) parmi les préoccupations publiques. Les inégalités se creusent fortement L'aggravation des inégalités de revenu nous est révélée non seulement par l'élargissement du fossé entre les déciles inférieur et supérieur, mais aussi par un indicateur de mesure plus complet, le coefficient de Gini (dont la valeur s'échelonne de 0, si l'égalité de revenu est parfaite, à 1, si tout le revenu va à un seul individu). Dans les pays de l'OCDE, la valeur de ce coefficient était de 0.29 au milieu des années 1980 ; elle avait augmenté de trois points en 2011-12, s'établissant à 0.32. La valeur du coefficient de Gini a progressé dans 16 des 21 pays de l'OCDE pour lesquels on dispose de longues séries chronologiques : elle a bondi de plus de 5 points aux États-Unis, en Finlande, en Israël, en Nouvelle-Zélande et en Suède, ne diminuant légèrement qu'en Grèce et en Turquie. Quelle corrélation entre inégalités et croissance ? Une nouvelle analyse de l'OCDE donne à penser que les inégalités de revenu ont une incidence négative, statistiquement significative, sur la croissance à moyen terme. Une aggravation des inégalités de 3 points de Gini — soit la moyenne des pays de l'OCDE pour les vingt dernières années — ferait perdre 0.35 point de croissance par an sur 25 ans, soit une perte cumulée de PIB de 8.5 % à terme. Quelles sont les conséquences sur la trajectoire de croissance des pays ? Le graphique 2 montre dans quelle mesure le taux de croissance du PIB entre 1990 et 2010 aurait été meilleur ou moins bon si les inégalités étaient restées inchangées de 1985 à 2005 (il n'a pas été tenu compte de l'évolution plus récente des inégalités, celle-ci n'ayant pas encore d'incidence sur les scénarios de croissance). On estime que le creusement des inégalités a coûté plus de 10 points de croissance au Mexique et à la Nouvelle-Zélande, près de 9 points au Royaume-Uni, à la Finlande et à la Norvège, et de 6 à 7 points aux États-Unis, à l'Italie et à la Suède. À l'inverse, une situation plus égalitaire avant la crise a contribué à faire progresser le PIB par habitant en Espagne, en France et en Irlande. Le revenu relatif de la classe moyenne inférieure est déterminant Le principal facteur qui détermine l'incidence des inégalités sur la croissance est le fossé qui sépare les ménages les plus modestes du reste de la population. L'effet négatif à cet égard ne se vérifie pas seulement pour le premier décile, au bas de l'échelle de distribution du revenu, mais pour les quatre premiers déciles. La conclusion qui s'impose est que le tout n'est pas de lutter contre la pauvreté, il faut encore prendre des mesures visant les revenus modestes dans leur ensemble. La redistribution par l'intermédiaire des impôts et des prestations est le moyen le plus direct de corriger les inégalités. L'analyse fait apparaître que la redistribution n'est pas en soi un frein à la croissance économique. Bien sûr, cela ne signifie pas pour autant que les mesures prises en ce sens ont toutes le même effet positif sur la croissance. Des politiques de redistribution mal ciblées et non centrées sur les outils les plus efficaces peuvent se solder par un gaspillage de ressources et être source d'inefficience. Pourquoi les inégalités freinent-elles la croissance ? Les faits viennent corroborer l'une des théories avancées quant à l'impact des inégalités sur la croissance, à savoir qu'en entravant l'accumulation de capital humain, les inégalités de revenu compromettent les possibilités de s'instruire pour les populations défavorisées, limitant ainsi la mobilité sociale et le développement des compétences. Le poids de l'origine sociale L'analyse de données sur l'éducation et des résultats de la récente enquête de l'OCDE sur les compétences des adultes (PIAAC) révèle que le capital humain des personnes dont les parents ont un faible niveau d'instruction diminue à mesure que les inégalités de revenu sont plus prononcées. Ce qui n'est pratiquement pas le cas, voire pas du tout, avec un niveau d'instruction parental moyen ou élevé. La tendance se vérifie aussi bien au plan quantitatif (par ex., durée de la scolarité) que qualitatif (par ex., niveau de compétences).