Des écoliers marocains qui parlent à leurs parents en dialecte égyptien parce que leurs professeurs sont des égyptiens. Un constat qui interpelle et inquiète de plus en plus la communauté marocaine résidant en Autriche fort attachée à son identité marocaine mais qui redoute les effets pervers de l'acculturation sur les enfants. Des parents rencontrés par la MAP partagent tous cette même inquiétude d'autant que la communauté marocaine très minoritaire ici à Vienne, ne bénéficie d'aucun encadrement sur les plans éducatif et religieux comme cela est le cas dans les pays d'accueil traditionnels des immigrés marocains, notamment la France, les Pays-Bas et la Belgique. Le seul lieu qui tente de combler ce vide existe depuis à peine une année. Il s'agit de "Bayt al Maghreb", une association socio-éducative fondée par une brochette de marocains par le moyen de cotisations. Située à Wehliestrasse dans le 2ème arrondissement, "Bayt Al Maghreb" est à la fois une mosquée, une classe pour les enfants, un espace de débat et de réunions et autres activités. Le tout dans une cave de 70 m2. "Nous étions une dizaine de personnes déterminés à créer un espace marocain où nous pouvions pratiquer nos prières et dispenser des enseignements sur l'islam et la culture marocaine. Un carrefour aussi de rencontre des marocains", indique dans une déclaration à la MAP le Secrétaire Général de l'association, Adil Hassane qui vit depuis 11 ans en Autriche. Montant de la cotisation 35 Euros par personne et ce, pour réunir la somme nécessaire au paiement du loyer et autres charges, plus de 500 euros par mois. Exigu et étant de surcroît délabré, le lieu fut repeint et doté de tous les équipements nécessaires grâce seulement aux cotisations et les dons de certains mécènes. Cela dit, malgré l'absence d'une aide extérieure, "Bayt al Maghreb" est parvenue quand même à exister, devenant au fil des jours un lieu où se rencontrent les Marocains pour prier, notamment le vendredi, une salle d'enseignement (langue arabe et éducation islamique) pour pas moins de 35 enfants chaque dimanche et même une adresse pour les sans papiers et les personnes ayant besoin d'un accompagnement dans leurs démarches administratives. De création donc toute récente et ne disposant pas d'un lieu aux mêmes proportions que celles, entres autres, des communautés Turque, Egyptienne, Tunisienne, Iranienne ou encore Irakienne, l'association va très vite devenir un lieu presque connu de tous les Marocains. Une notoriété acquise surtout lors du dernier mois sacré de Ramadan où "Bayt Al Maghreb" affichait toujours salle comble lors des prières de Tarawih et du Ftour collectif. Mais, outre l'étroitesse des lieux qui empêche aussi les femmes de prier à défaut d'espace pour ériger la nécessaire clôture de séparation, "Bayt-Al Maghreb" est surtout confrontée à deux problèmes de taille qui concernent la pratique de l'Islam selon le rite malékite et l'enseignement de l'arabe et du dialecte marocain aux enfants. Et pour cause, il n'existe pour le moment un professeur marocain, seulement un égyptien. De même pour l'Imam également de même nationalité. Abou Hassan El Hanoui essaie néanmoins de s'acquitter de cette tâche. "C'est pour moi un sacerdoce et un immense honneur de diriger la prière et de prononcer le prêche du vendredi devant une salle archi-comble de Marocains très attachés à leur religion et à leur culture", confie ce retraité qui a travaillé plus de 31 ans dans le service des eaux à la Mairie de Vienne, espérant que "Bayt Al Maghreb" devienne un temple du savoir, un lieu de rencontres des mécènes et des croyants et une tribune pour promouvoir l'image d'un islam modéré et tolérant. Et c'est d'ailleurs la même espérance qui anime les jeunes membres de cette association qui cherche à fédérer les Marocains d'ici et à offrir aux générations montantes les outils nécessaires pour une éducation à la marocaine tout en essayant de porter assistance aux personnes précarisées en quête de dignité. Et même les morts. Une assistance que les membres de l'association en ont fait dernièrement la démonstration en organisant il y a de cela trois semaines les funérailles d'une femme marocaine dans le cimetière musulman à Hitzing dans le 23ème arrondissement et ce, grâce à une collecte de dons qui a permis de réunir la somme nécessaire, 3000 euros. Bien plus et au-delà de la frontière autrichienne, les membres de l'association disposent d'un fonds d'aide constitué de cotisations à raison de 10 euros par mois, et ce, pour répondre aux appels de détresse lancés aux âmes charitables par certains de leurs compatriotes au pays sur les supports médiatiques et les réseaux sociaux. Une volonté de servir, de susciter des solidarités et surtout de préserver des attaches solides et pérennes avec leur pays tant aimé, le Maroc. Des Marocains fiers de l'être, de vrais militants qui font du bénévolat avec peu de moyens et beaucoup de volonté en attendant que leurs efforts soient un jour récompensés par un geste de reconnaissance et surtout de soutien.