« Le Maghreb est l'une des régions économiquement les moins intégrées au monde ». Tel est le constat dégagé récemment lors d'un séminaire tenu à Tunis sur l'intégration économique du Maghreb. Un panel de représentants du secteur privé (industriels, présidents de fédérations d'employeurs et d'entrepreneurs), d'experts (représentants d'organisations multilatérales) ainsi que des représentants de l'Union Européenne ont pris part à cet événement. L'objectif est de rappeler les opportunités et les gains de l'intégration économique du Maghreb. Le but de ce séminaire était aussi de tirer les enseignements d'expériences d'intégration maghrébines vécues par des entrepreneurs, et d'identifier les secteurs et chaînes de valeur qui présentent le plus de potentiel dans le contexte actuel pour favoriser l'intégration entre les pays du Maghreb. Autre objectif de la conférence : s'accorder sur un certain nombre d'actions concrètes permettant de lancer la dynamique d'intégration, et qui pourront être initiées par les acteurs non gouvernementaux. Lors de cette rencontre, organisée par ANIMA et le projet Euromed Invest, les participants se sont tous mis d'accord sur un point : le volume des échanges commerciaux intermaghrébins ne dépasserait pas 3% du total des échanges commerciaux avec l'extérieur, alors que pour les autres groupements économiques, il est de 60% environ pour les pays de l'Union Européenne, 56% pour l'ALENA, 23% pour l'ASEAN, 13% pour le COMESA et 19% pour le CEN-SAD. Le volume des investissements inter- pays du Maghreb plafonnerait lui aussi autour de 5%. A ne pas oublier aussi que la relative faible offre exportable en provenance du Maghreb peut expliquer en partie l'intégration économique limitée entre les pays. Elle est liée au niveau de l'industrie maghrébine qui doit nécessairement continuer à progresser, mais aussi à son manque d'intégration dans les chaînes de valeur mondiales, indique-t-on. Face à ce constat qui ne fait que reculer le processus de l'intégration maghrébine, les représentants des entreprises ont dressé une série de priorités opérationnelles pour amorcer la dynamique. Ces recommandations portaient sur quatre volets. D'abord, construire des chaînes de valeur maghrébines. Il est préconisé, pour cela, de faire un inventaire des compétences industrielles dans les pays pour identifier les « métiers » des différents pays et les débouchés de l'offre industrielle de chaque pays ; et d'identification des chaînes de valeur intra-maghrébines et des marchés extérieurs pouvant être adressés par une offre intégrant de la valeur maghrébine... Le second volet de recommandations a trait à la poursuite de la montée en gamme de l'industrie maghrébine. L'enjeu est de doter le Maghreb d'une offre exportable, dont l'insuffisance aujourd'hui peut expliquer en partie la faible intégration sous-régionale. Cela implique une meilleure capacité à intégrer les technologies développées ailleurs et un processus de mise à niveau et d'aide à l'investissement. Des programmes allant dans ce sens pourraient comporter, entre autres, la mise à niveau individuelle des entreprises, comme actuellement menée par les programmes d'appui européen ou par la BERD. Le renforcement et le renouvellement des actions de lobbying de la part du secteur privé pour obtenir des déblocages est le troisième volet de recommandations. Pour se faire, il est recommandé de poursuivre les rencontres entre hommes d'affaires pour réfléchir et plaider pour l'intégration économique du Maghreb, et de les organiser en particulier en Algérie ou au Maroc qui sont les deux pays qui disposent des clés pour déverrouiller cette intégration. Les représentants du secteur privé ont appelé enfin à élargir les échanges au-delà du champ économique. Il est souligné l'importance de multiplier les dialogues entre hommes d'affaires des pays du Maghreb, non seulement sur ces questions de lobbying ou de partenariat d'affaires, mais aussi pour lever les freins interculturels qui subsistent entre les pays. De ce dialogue qui pourrait s'élargir à d'autres communautés de la société civile en dehors du monde des affaires, devrait se dégager une vision maghrébine qui intègre, au-delà de la dimension économique, les dimensions sociale et culturelle. Il est également recommandé l'organisation de manifestations fédératrices qui renforceraient la création d'une communauté maghrébine des peuples et favoriserait un mouvement de fonds en faveur de l'intégration de la région. Par exemple : la relance des jeux olympiques universitaires maghrébins, la création d'une coupe des clubs de football du Maghreb. Globalement, l'ensemble des participants ont estimé que l'intégration économique ne pourra venir que d'une impulsion politique forte et commune, une vision stratégique partagée, y compris au niveau économique. Le secteur privé doit néanmoins contribuer à faire émerger cette vision.