Moussa Masrour, professeur chercheur à la Faculté des Sciences, Université Ibn Zohr, Agadir, fait partie du comité scientifique du Musée de Tazouda, militant au sein de l'Association pour la Protection du Patrimoine Géologique du Maroc, nous a accordé l'entretien suivant : L'Opinion : Il peut y avoir des confusions entre le Géoparc du Mgoun d'Azilal et le musée de Tazouda, deux importants projets où l'Association pour la Protection du Patrimoine Géologique du Maroc (APPGM) est partie prenante à côté d'autres partenaires. Quelles sont les spécificités de chaque projet ? Moussa Masrour : Le musée de site de Tazouda est étroitement associé au Géoparc du M'Goun d'Azilal qui est lui-même doté d'un musée. Le musée d'Azilal va abriter le squelette d'Atlasaurus Imelakei, gros sauropode du Jurassique moyen (160 millions d'années) extrait d'un gisement géologique de la région dans les années 1980. Il été exposé au ministère de l'Energie et Mines à Rabat depuis les années 1990. En étant intégré au sein du musée d'Azilal, il va regagner sa terre d'origine. Les deux musées d'Azilal et Tazouda seront reliés par ce qu'on appelle « la route des Dinosaures » qui fera partie du géoparc du M'Goun. L'Opinion : Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste exactement « la route des dinosaures » ? Moussa Masrour : Il s'agit d'un parcours en véhicule motorisé de 7 jours, partant de Tazouda (ou d'Azilal) et rejoignant le musée partenaire en passant par les sites géologiques, paléontologiques et géomorphologiques les plus remarquables du géoparc du M'Goun. A ce périple motorisé sont associées diverses excursions pédestres d'une journée ou demi-journée que les excursionnistes, férus de marche, peuvent choisir ou non de parcourir. Enfin, pour les amoureux de trekking, un parcours de 5 journées traversant l'ensemble du géoparc relie directement les deux musées en passant par les paysages les plus grandioses de la haute montagne atlasique. Un livret-guide géologique et culturel à l'appui de ces divers parcours est en cours de rédaction par le Professeur Michel Monbaron. L'Opinion : Quelle est l'importance ou la spécificité des découvertes des fouilles dans les gisements géologiques de la région de Tazouda par rapport à ce qui s'est effectué sous d'autres cieux ? Moussa Masrour : L'importance du site de Tazouda est considérable pour plusieurs raisons. D'abord, les fossiles récoltés à Tazouda au cours de ces différentes campagnes de fouilles datent de la fin du Jurassique inférieur (entre 190 et 175 millions d'années environ) et ont une grande importance scientifique. La période de temps qui couvre la fin du Jurassique inférieur et le début du Jurassique moyen est en effet la moins connue de l'Histoire des dinosaures. Ensuite, le Maroc est l'un des rares pays au monde à disposer de roches sédimentaires d'origine continentale susceptibles de nous livrer des restes fossilisés de dinosaures de cette époque. Enfin, il faut ajouter à tout cela le grand nombre d'ossements récoltés et leur bon état de conservation. L'Opinion : Quelles difficultés rencontrées dans la réalisation du projet du musée de Tazouda depuis le lancement et pensez-vous qu'un tel projet est suffisamment efficace pour préserver le patrimoine géologique? Moussa Masrour : L'une des difficultés rencontrées est le problème de financement du projet, surtout après la fin des constructions et le début de la phase de la mise en place de la scénographie. Une autre grande difficulté qui a retardé le projet a été de trouver "un scénographe" spécialisé dans la mise en place des musées de ce genre. Il y a un manque au Maroc en scénographes spécialisés dans le domaine des musées. L'Opinion : Au stade actuel, où en est le projet du musée et est-ce qu'une date d'inauguration, ne serait-ce qu'approximative, peut être déjà indiquée ? Moussa Masrour : Le projet a pris beaucoup de retard, l'ouverture avait été prévue fin 2011, mais elle a été repoussée plusieurs fois en raison des difficultés rencontrées sur le plan financier, mais aussi sur le démarrage de la scénographie. Maintenant et après l'accord avec un scénographe, il est probable que l'inauguration du musée de Tazouda se fera au cours de l'année 2015. L'Opinion : Comment le musée doit-il fonctionner ? Moussa Masrour : C'est la Commune d'Imi N'Oulaoune à Tazouda (Province d'Ouarzazate) qui va gérer le musée. Un conservateur du musée sera désigné par le ministère de l'Energie et des Mines. L'association a pensé à faire participer la population locale dans les activités du musée. Ainsi, il a été prévu l'aménagement d'une boutique à l'intérieur du musée où les habitants peuvent exposer et vendre leurs produits de terroir de la région. L'Opinion : Quelles perspectives d'activités de votre association pour la protection du patrimoine géologique? Moussa Masrour : La protection du patrimoine géologique au Maroc est une tâche très difficile en l'absence de dispositions juridiques claires qui protègent certains sites géologiques et interdisent la vente et l'exportation de fossiles, minéraux et météorites... La mise en place de musées dans certaines villes au Maroc va participer, au moins, à la sauvegarde d'une partie de notre patrimoine géologique, qu'on trouve, malheureusement, exposé dans certains musées du monde ou dans les Bourses de vente de fossiles et minéraux, partout dans le monde. L'association APPGM a mené plusieurs campagnes de sensibilisation et a participé à des congrès...