Le sommet de l'OTAN s'est ouvert hier jeudi à Newport (Royaume-Uni) sur fond de tensions extrêmes avec la Russie accusée d'agression militaire en Ukraine, alors que la pression s'accentue sur Moscou, Paris ayant décidé de suspendre la livraison d'un navire de guerre. Dans un contexte international explosif, le sommet, qui s'ouvre en fin de matinée en présence d'une soixantaine de chefs d'Etat et de gouvernement, abordera aussi d'autres crises, particulièrement celle de l'Etat islamique en Irak et en Syrie, dont la menace est de plus en plus pressante. Au lendemain de la décapitation d'un deuxième journaliste américain, la lutte contre cette organisation djihadiste ultra-violente sera au centre du dîner des chefs d'Etat jeudi soir, et la constitution d'une coalition pour combattre l'EI, souhaitée par les Américains, devrait faire l'objet de réunions en marge du sommet. «Ceux qui ont assassiné James Foley et Steven Sotloff en Syrie devraient savoir que les Etats-Unis leur feront également rendre des comptes, quel que soit le temps que cela prendra», a promis mercredi le secrétaire d'Etat américain John Kerry. L'Ukraine ouvre les discussions L'Ukraine, où la situation s'est dégradée avec la participation de soldats russes aux combats aux côtés des rebelles séparatistes, fera l'objet d'une première réunion avant même l'ouverture du sommet entre le président Petro Porochenko et les dirigeants américain, britannique, allemand, français et italien. M. Porochenko informera à cette occasion ses homologues de son «évaluation» de «la situation sur le terrain et de ses discussions avec le président (russe Vladimir) Poutine», selon une source gouvernementale britannique. Alors que les pays membres de l'Alliance veulent afficher leur détermination et leur unité face à la Russie, Moscou a tenté de reprendre la main mercredi en présentant un plan de règlement du conflit en Ukraine, qualifié de «poudre aux yeux» par Kiev et accueilli avec la plus grande prudence par les Occidentaux, le président américain Barack Obama en tête. La Russie, menacée de nouvelles sanctions européennes, qui pourraient être annoncées vendredi, est sous pression: dans une annonce coup de théâtre à la veille du sommet, Paris a annoncé la suspension de sa livraison extrêmement controversée d'un navire de guerre Mistral, une mesure qu'elle refusait de prendre jusqu'à présent. Si les conséquences financières risquent d'être lourdes pour la France, estimées à environ 1 milliard d'euros, la suspension de l'emblématique contrat Mistral (un deal sans précédent conclu en 2011 entre Paris et Moscou), est «bien évidemment désagréable» pour la Russie, a reconnu un vice-ministre russe de la Défense, Iouri Borissov. Plan de réactivité Jeudi après-midi, la réunion de la commission OTAN-Ukraine sera l'occasion pour les 28 leaders de l'Alliance d'énoncer solennellement leur solidarité avec ce pays, au centre de la plus grave crise entre Moscou et les Occidentaux depuis la fin de la guerre froide. Lors d'une visite mercredi en Estonie, destinée à rassurer les pays baltes, le président américain Barack Obama a appelé l'Alliance à soutenir «sans ambiguïté» l'Ukraine, et à prendre «des engagements concrets pour l'aider à moderniser et renforcer ses forces de sécurité». Il a enfoncé le clou dans une tribune commune avec David Cameron publiée jeudi dans The Times: «Nous devrions soutenir le droit de l'Ukraine à déterminer son propre avenir démocratique et continuer nos efforts pour renforcer les moyens de l'Ukraine», ont écrit les deux dirigeants. Rien n'oblige l'Otan à défendre l'Ukraine, qui n'est pas membre de l'Alliance, mais les Occidentaux ont promis de soutenir son armée par des programmes de modernisation dans les domaines de la logistique, de la cyberdéfense, du commandement et des soins aux soldats blessés. Aucune livraison d'armes n'est envisagée malgré les appels de Kiev en ce sens. Vendredi, les dirigeants occidentaux devraient adopter un plan de réactivité (Readiness action plan, RAP) qui doit permettre d'augmenter la rapidité de déploiement de troupes en cas de crise, et impliquera plusieurs milliers de soldats. Une réponse à la fois stratégique et militaire des Alliés aux nombreuses crises qui déstabilisent ses environs immédiats, en Ukraine mais aussi au Moyen-Orient. Cette force pourra «être déployée n'importe où dans le monde très rapidement», affirment MM. Obama et Cameron dans leur tribune commune. Dans l'immédiat, ce plan, qui devrait coûter «quelques centaines de millions d'euros» par an, doit rassurer les pays est-européens de l'Alliance inquiets des agissements du puissant voisin russe. Le sommet de Newport doit aussi acter le retrait d'Afghanistan des troupes de combat de l'Otan après treize années de présence, l'opération la plus longue et la plus importante jamais menée par l'Alliance.