Nul doute que le Maroc est en train de vivre aujourd'hui l'une des périodes les plus prometteuses de son histoire. En témoignent les mutations en profondeur que la société marocaine a connu ces dernières années, ainsi que les transformations tous azimuts que connaissent ses institutions, mais également les formidables réformes que subit son économie toutes activités et secteurs confondus. Le secteur des médias a vécu de son côté de réelles mutations, notamment après la libéralisation des ondes, la mise en place de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA) et le changement de statut de l'ancienne RTM, en passant d'une entreprise officielle à un groupe audiovisuel doté d'une autonomie administrative et financière. Est-il vraiment besoin de rappeler que de nos jours, aucun pays au monde ne peut prétendre pouvoir se développer de façon harmonieuse sans se doter d'un secteur audiovisuel solide ayant une vision pour l'avenir et les moyens financiers et logistiques sans lesquels il serait impossible de vouloir aspirer à conquérir une place honorable dans un secteur où la concurrence devient de plus en plus féroce ? Il nous semble évident que la Maroc, face à cette interrogation centrale, se trouve actuellement à la croisée des chemins. Face à un débat aussi stérile qu'inutile autour de la problématique des médias audiovisuels publics, force est de constater que notre pays est en train de perdre cette formidable bataille dans laquelle des pays moins importants ont déjà réalisé d'indéniables conquêtes ! Et les exemples en la matière sont légion. Sans vouloir être nihiliste, ce qui serait, soit dit en passant, contre productif au regard de certaines réalisations positives déjà citées précédemment, nous avons la conviction que notre pays a besoin d'une remise à plat de notre façon d'appréhender ce secteur et de la place qui devrait être la sienne dans la stratégie de développement de notre pays dans son ensemble. Cette introduction nous amène forcément à nous interroger sur certaines problématiques touchant directement ce secteur, notamment la pertinence de nos choix dans ce secteur, à commencer par l'une d'elles qui m'interpelle à titre personnel en tant que directeur d'une chaîne en gestation, à savoir «Al Maghribia». C'est un projet d'une importance capitale pour l'avenir de notre pays en ce sens qu'elle ambitionne de devenir, à terme, une sorte de voix du Maroc dans le monde. Le besoin de lancer une chaîne marocaine d'information en continu se fait de plus en plus sentir eu égard aux développements et mutations ayant marqué la scène nationale dans tous les domaines. L'adoption d'une nouvelle constitution, la tenue d'élections législatives ayant favorisé l'émergence d'une nouvelle carte politique, les demandes plus pressantes de l'opinion publique en faveur d'un secteur audiovisuel performant devant contribuer à la consécration des principes de démocratie, de transparence, de bonne gouvernance et du pluralisme, représentent autant de facteurs de nature à favoriser la concrétisation d'un projet d'une telle importance. Une chaîne dont la mission première devrait devenir, à terme, un espace où toutes les sensibilités peuvent s'exprimer librement, qu'il s'agisse de formations politiques, d'associations représentant la société civile, d'intellectuels, d'universitaires, de décideur... Face à une concurrence régionale et internationale de plus en plus forte et eu égard aux innombrables enjeux que charrient de tels projets audiovisuels, il devient, aujourd'hui plus que jamais, urgent de mettre en œuvre ce chantier avec évidemment la mobilisation de tous les moyens financiers, humains et logistiques nécessaires. Condition sine qua non pour sa réussite, son développement et son rayonnement. Sans oublier la question fondamentale qui conditionne son existence même, à savoir une réelle volonté politique en dehors de toutes surenchères politiques ou politiciennes. La nature du projet impose qu'il soit placé en dessus de toutes contingences puisqu'il s'agit avant tout de l'intérêt bien compris de l'ensemble des marocains. Cette chaîne doit reposer, à notre avis, sur un double ancrage : national et international. Tenter à travers une grille des programmes riche, variée, multilingue et professionnelle de faire entendre la voix du Maroc partout dans le monde et permettre aux téléspectateurs marocains de s'informer sur les grands événements qui se produisent dans le monde. Un traitement de l'information professionnel qui privilégie la confrontation des idées et permet de susciter des débats crédibles et constructifs autour des événements qui interpellent directement les marocains tant sur le plan national, régional qu'international. La grille des programmes de la chaine doit refléter fidèlement la diversité et la richesse de notre pays dans tous les domaines, tout en favorisant l'ouverture des marocains sur le monde. Cela passe nécessairement par l'adoption d'une ligne éditoriale claire capable de forger l'indenté d'une véritable chaîne d'information à vocation nationale et internationale. Une chaîne en mesure d'accompagner, d'expliquer et d'expliciter le bien-fondé des grandes réformes dans lesquelles le Maroc s'est engagé ces dernières années et surtout contribuer à mettre en perspective le modèle démocratique marocain en passe de devenir une expérience originale et un exemple à suivre dans une région à la recherche de repères et qui traverse de graves perturbations politiques, sociales et identitaires. A l'heure où certains pays de la région ont déjà réalisé de grandes percées dans ce secteur à travers le lancement de plusieurs chaînes thématiques et généralistes, le Maroc reste encore prisonnier d'une polémique aussi stérile qu'improductive sur le contenu des cahiers des charges que le gouvernement semble incapable de mettre en œuvre deux ans après leur entrée en vigueur. Sans oublier l'épineuse question des contrats-programmes qui n'ont pas été encore signés en dépit du fait que tout les dossiers y afférents sont dûment finalisés et déposés depuis plusieurs mois auprès des départements concernés ! Reste «la question qui tue» : A qui profite le «crime» ? A personne évidemment !! Sauf que le pays reste, in fine, la victime «expiatoire» d'inexplicables gesticulations dont le pays sera le seul à régler la facture. Car, plus le temps passe, plus le coût sera exorbitant. Par Abdessamad BENCHERIF (Directeur de la chaîne Al Maghribiya)