Invité dernièrement à la Chambre Française de Commerce et d'Industrie du Maroc (CFCIM) pour débattre du thème pluridisciplinaire : « Pour un management dynamique des finances publiques », M. Noureddine Bensouda, Trésorier général du Royaume a présenté un exposé explquant son parti pris ce type de management. En vue de « mettre le doigt sur la question de la dette publique au Maroc avec toutes ses conséquences notamment sur les finances publiques », M. Bensouda a cité quelques déclarations de hauts responsables britanniques et français en précisant celle de David Cameron qui nous interpelle tous : « nous sommes dans les affaires (publiques) pour planter des arbres pour nos enfants et nos petits enfants. Sinon, nous n'avons absolument rien à faire dans la politique ». Ainsi, a affirmé M. Bensouda, le Premier Ministre de Grande Bretagne s'est adressé en octobre 2013 à son parti, à savoir le parti conservateur, en faisant référence avec une nostalgie perceptible à Margaret Thatcher pour marquer un retour nuancé aux principes de rigueur de gestion publique de la dame de fer. Il a insisté sur cette responsabilité intergénérationnelle qui est non seulement présente dans la conscience collective en Grande Bretagne, mais également partout ailleurs à des degrés différents. Les finances publiques doivent certes répondre aux besoins présents sans toutefois « compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs » (Perthuis Christian, 2003, la génération future a-t-elle un avenir ?, Paris, Editions Belin, Collection Ulysse). pour assurer un développement durable. A ce propos, Alain Lambert, ministre du Budget de 2002 à 2004, considère que « les Français paient de plus en plus pour le passé, de moins en moins pour leur avenir ». Il dit : « en 2002, alors ministre du budget du gouvernement Jean-Pierre Raffarin, je projetais, en guise de provocation à usage pédagogique, d'envoyer le faire-part de naissance à tous les nouveau-nés. « bienvenue au pays, petit. Tu me dois 16.000 euros » ». Certains considèrent qu'au Maroc « le poids de la dette reste maîtrisé aussi bien en terme de stock que de service », qu'il existe certes des vulnérabilités et que « la dette du trésor reste soutenable sous condition [...] de mettre en place les principales réformes notamment la réforme de la retraite et la réforme fiscale et soutenir la croissance économique» (El Hassan Eddez, adjoint au Directeur du Trésor et des Finances Extérieures, chargé du pôle dette, l'endettement au Maroc : état des lieux, 27 mars 2014, l'Union nationale des ingénieurs marocains (UNIM), slide 61) Ils rappellent que la dette publique est soutenable lorsque le « pays reste solvable sans ajustements majeurs de la politique budgétaire menée dans le futur (ex : les coupes drastiques des dépenses ou l'augmentation brutale des taux d'imposition)» (Idem, slide 52). D'autres, par contre, s'ils souscrivent à l'urgence des réformes fiscale et budgétaire, ne partagent pas l'analyse précédente. Ils considèrent qu'une surveillance de l'endettement est indispensable en insistant sur l'affectation des ressources empruntées à l'investissement rentable économiquement et financièrement ‘Najib Akesbi, l'histoire ne se répète pas mais..., 27 mars 2014, l'Union nationale des ingénieurs marocains (UNIM), Slide 33). La Cour des comptes, pour sa part, relève que l'encours de la dette du trésor a augmenté depuis 2009 pour atteindre 62,5% du PIB à fin 2013 avec une prédominance de la dette intérieure et une nette augmentation de la part des maturités à court terme. Néanmoins, la Cour constate qu'à fin avril 2014, une amélioration de la durée de vie moyenne de la dette intérieure. Il apparaît donc, malgré les divergences de point de vue, que tout le monde s'accorde sur la nécessité des réformes structurelles en vue de maîtriser le déficit public et le niveau d'endettement. Pour ce faire, un management dynamique et coordonné de nos finances publiques s'impose. Il se fonde sur une nouvelle gestion publique (New Public Management), concept néolibéral qui a influencé la plupart des réformes dans l'administration publique au cours des trois dernières décennies9. 9 Benoît Lévesque, la nouvelle valeur publique, une alternative à la nouvelle gestion publique, revue vie économique, volume 4, numéro 2, 18 p., p. 1. Ce modèle de management est lui-même en train de céder la place à l'approche de « la nouvelle valeur publique » (New Public Value) où l'Etat providence est devenu la providence plurielle « Welfare pluralism » ou la providence mix « welfare mix » où une diversité d'acteurs relativement autonomes livrent des services publics. L'Etat est engagé en réseau avec l'entreprise, la société civile, la famille... pour la réalisation d'activités relevant de l'intérêt général. Il s'agit en fait d'un nouveau paradigme ou « élément de structuration de la science stabilisée autour de principes, méthodes et d'instruments de recherche qui font provisoirement l'unanimité» (Thomas Kuhn, la structure des révolutions scientifiques, 1962) C'est de la gouvernance intégrée ou collaborative ou en réseau qui réaffirme « le rôle de l'Etat pour plus de coopération et une meilleure coordination des activités » associant la vision stratégique du politique et le savoir-faire de l'entreprise privée, de l'administration, de la société civile...au service du citoyen. En se fondant sur cette nouvelle approche gestionnaire, les managers des finances publiques doivent trouver l'équilibre entre la réactivité à court terme indispensable pour faire face aux aléas conjoncturels et la garantie d'une stabilité de la vision à long terme. A ce propos, Henry Mintzberg, théoricien du management, nous met en garde contre la plus grande erreur qu'un manager puisse commettre qui est en l'occurrence de penser qu'il n'existe qu'une seule meilleure voie « one best way». Il recommande que le leader doit avoir une approche assez altruiste afin de mobiliser les énergies. Il doit faire preuve d'une grande flexibilité intellectuelle et émotionnelle. Cette flexibilité permet d'opérer une adaptation aux différents types de personnalités afin de ne pas perdre leurs engagements. C'est donc ce besoin de coordination des politiques publiques, de mobilisation des acteurs et leur coopération sur lequel je vais insister, car les réformes en finances publiques sont interdépendantes et globales. Je me limiterai, pour ma part, aux réformes comptable, fiscale et budgétaire. J'ai choisi à dessein de commencer par la comptabilité, pour montrer toute son importance dans la lecture des finances publiques et leur pilotage.