Tout récemment, Mme Hakima Elhaité, ministre chargée de l'Environnement, a tenu une conférence de presse au siège de son département lors de laquelle elle a présenté les premiers éléments de la nouvelle stratégie nationale en matière d'environnement qui consacre surtout les principes de « responsabilité élargie » et de « réparation des dégâts ». A travers cette stratégie, le département de tutelle vise à responsabiliser davantage les différents départements ministériels en vue d'intégrer la durabilité dans leurs politiques publiques. Aussi, la loi cadre portant sur la charte de l'environnement et du développement durable impose un délai de 2 ans aux établissements pour se conformer à cette exigence et en responsabilisant davantage les départements ministériels, Mme Hakima Elhaité veut résorber le déficit de politiques publiques et remet ainsi en question la volonté du Maroc de parier sur les énergies renouvelables alors que le pays maintient la compensation de l'énergie fossile. Une politique qu'elle juge incohérente. Pour rapprocher davantage nos lecteurs et lectrices de cette nouvelle loi cadre portant sur la charte nationale de l'environnement et du développement durable et de la nouvelle stratégie nationale de Développement Durable adoptée par le département de tutelle, nous avons abordé Mme Hakima Elhaité, ministre à la charge de la question environnementale qui a bien voulu nous accorder cet entretien. Pourquoi une stratégie nationale de développement durable et quels en sont les principaux objectifs ? Réponse : Il faut rappeler que cette stratégie qui est une déclinaison de la Charte Nationale de l'Environnement et du Développement Durable est prévue par la loi cadre de l'environnement et du développement durable. Ce texte de loi fixe un délai d'une année pour l'adoption de la SNDD. Cette loi cadre stipule aussi que toutes les politiques publiques et sectorielles doivent s'y conformer et ce dans un délai de 2 ans. La Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD) vise à fixer les grandes orientations et le cadre stratégique au sein duquel les politiques, les plans et les programmes sectoriels, seront définis, harmonisés et révisés dans une perspective de développement durable et permet de disposer d'une vision stratégique déclinée par thématique avec des indicateurs de suivi/évaluation. Cette stratégie est en cours de finalisation en concertation avec touts les départements ministériels et l'ensemble des parties prenantes y compris les opérateurs économiques et la société civile. L'ensemble des mesures prioritaires préconisées par la SNDD seront scellées dans un pacte de convergence qui sera signé lors des 1ères assises nationales de développement durable dont l'organisation est prévue en septembre 2014. Qu'en est-il de la loi-cadre portant charte de l'environnement et du développement durable ? Réponse : La loi 99-12 portant charte nationale de l'environnement et du développement durable qui a été publiée au Bulletin officiel le 20 mars 2014 pour approbation au niveau des deux chambres a necessité des échanges très fructueux avec les représentants de la nation, fixe les objectifs fondamentaux de l'action de l'Etat en matière de protection de l'environnement et de développement durable. Elle a pour objectifs de renforcer la protection et la préservation des ressources et des milieux naturels, de la biodiversité et du patrimoine culturel, de prévenir et de lutter contre les pollutions et les nuisances. Elle vise aussi l'intégration du développement durable dans les politiques publiques sectorielles à travers la mise en place d'une stratégie nationale de développement durable. La loi cadre prévoit par ailleurs les réformes d'ordre institutionnel, économique, financier et culturel en matière de gouvernance environnementale. Elle définit les engagements de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et entreprises d'Etat, de l'entreprise privée, des associations de la société civile et des citoyens en matière de protection de l'environnement et de développement durable. Elle établit un régime de responsabilité environnementale et un système de contrôle environnemental. Dans ce sens, qu'en est-il du principe du pollueur-payeur ? Réponse : Ce principe universellement reconnu permet de demander des réparations aux dommages causés à l'environnement par des activités polluantes. Ce principe est prévu par l'article 2 de loi n°11-03 relatif à la protection et la mise en valeur de l'environnement. Cependant, la nouvelle loi cadre prévoit la mise en place d'un régime juridique de responsabilité environnementale qui est assorti de mécanismes de réparation des dommages, de remise en état et d'indemnisation des dégâts causés à l'environnement et le cas échéant, de garantie financière. Par ailleurs, ladite loi prévoit dans son article 8 la mise en place de mesures juridiques visant l'intégration du principe de responsabilité élargie dans le but de prévenir et de lutter contre toutes les formes de pollution et de nuisance. Elle intégre aussi le principe de la responsabilité élargie qui impose aux producteurs de se soucier de leurs productions jusqu'à leurs élimination. Quel modèle écologique de croissance proposeriez-vous pour assurer la transition vers une économie verte et inclusive ? Réponse : L'économie verte est un modèle de croissance perçu par notre gouvernement comme une opportunité à saisir, permettant la réduction des pressions exercées sur les ressources naturelles, mais aussi à travers la contribution significative à la création de nouveaux emplois et à la modernisation des modes de production tout en les rendant plus efficients et plus durables. Ainsi, notre pays a mis en place ces dernières années les fondements majeurs lui permettant d'inscrire son développement sur la voie de l'économie verte. La loi cadre portant charte nationale de l'environnement et du développement durable a permit de jeter les bases d'un développement durable et de promouvoir l'utilisation des instruments économiques et fiscaux au service de la préservation de l'environnement. Cette volonté politique est matérialisée également à travers un ensemble de réformes institutionnelles, règlementaires et financières, entreprises pour promouvoir notamment le développement des énergies renouvelables, l'efficacité énergétique, l'économie de l'eau, la gestion durable des déchets solides et liquides... De ce fait, le Maroc a adopté une nouvelle vision d'intervention dans le domaine environnemental, qui permet non seulement d'opérer une approche programmatique permettant de remédier aux problèmes environnementaux mais qui cherche aussi à maximiser les impacts économiques et sociaux de ces mêmes programmes. Ainsi, à titre exemple le Programme National de Gestion des Déchets Ménagers fait l'objet actuellement d'un accompagnement pour permettre le développement des filières de tri, recyclage, et valorisation des déchets, génératrices d'emplois et de richesse et consacrant ainsi la volonté du Maroc d'assurer une transition vers une économie verte et inclusive. Le Maroc contenu de ces avancés a été cofondateur de la plate forme mondiale de la croissance verte. Ifrane est une ville propre et verte depuis très longtemps, cependant, ces dernières années, elle connait de très fortes pressions par le tourisme de masse et fait face à des problèmes écologiques qui risquent de porter atteinte à son image et aux écosystèmes avoisinants. Quelles actions sont menées pour garder à la ville son cachet écologique ? Réponse : Effectivement la ville est classée par plusieurs organisations internationales parmi les villes les plus propres et verte avec une bonne qualité de vie. Afin de grader à la ville son charme et son attrait écologique et touristique et faire face aux différentes pressions, un certains nombre d'actions ont été menées. Concernant les déchets, la ville d'Ifrane et à l'instar de beaucoup d'autres villes du Royaume est fortement confrontée au défit majeur de gestion des déchets ménagers (32 000 T/an) et ce, aussi bien au niveau de la collecte que de l'élimination, contribuant ainsi à la dégradation de l'environnement dans la région. Dans ce cadre et afin de faire bénéficier la province d'un système intégrée de gestion des déchets ménagers, le Ministère délégué chargé de l'Environnement soutenu en 2012 la réalisation d'un plan directeur provincial de gestion des déchets ménagers et assimilés. 44 MDH ont été mobilisés pour la réalisation d'une décharge contrôlée provinciale et la réhabilitation et la fermeture des décharges sauvages actuelles d'Ifrane et d'Azrou dont les travaux sont en phase finale qui constituaient de véritables points noirs de pollution. Un autre appui a été programmé en 2013 pour la réhabilitation et la fermeture de tous les dépôts noirs qui se trouvent aux alentours de la ville d'Ifrane. Pour ce qui est de l'assainissement liquide et dans le cadre du Programme National d'Assainissement Liquide « PNA », la ville d'Ifrane a bénéficié de l'appui de ce programme pour la réalisation du réseau d'assainissement et d'une station d'épuration des eaux usées avec le procédé de traitement à boues activées et d'une capacité de 3500 m3/j les travaux sont en cours et elle sera prête vers la fin de l'année en cours. Le coût total du projet est de 103 MDH financé par le ministère délégué chargé de l'environnement et d'autres partenaires. Pour l'état d'avancement, les travaux d'extension et de réhabilitation du réseau et de réalisation de la station de pompage et de refoulement ont été achevés. Que pensez-vous de la dernière catastrophe écologique vécue par le Val d'Ifrane et qu'en est-il des résultats de l'enquête diligentée par votre département ? Réponse : Tout d'abord il y a lieu de préciser qu'il ne s'agit pas d'une catastrophe écologique mais d'une pollution accidentelle de l'Oued Tizguite suite à la rupture d'une conduite d'assainissement liquide au niveau du chantier de construction d'un ouvrage de lutte contre les inondations. Aussitôt avertis, les autorités locales ont été mobilisées pour endiguer cette pollution et le Ministère délégué chargé l'Environnement a dépêché le laboratoire de l'Environnement sur place afin de prélever des échantillons des eaux de l'oued en vue de caractériser la pollution déversée et définir les solutions idoines pour circonscrire la pollution et l'éliminer. Aujourd'hui, la situation est maitrisée grâce à la mutualisation des efforts des services de la Province, des Eaux et Forêts, de la Gendarmerie Royale, du Ministère délégué chargé de l'Environnement et de la société civile. Par ailleurs, un contrôle régulier de l'évolution de la qualité des eaux et de l'état de la faune aquatique de l'oued Tizguite est prévu.