Attention à ne pas tuer la poule aux œufs d'or. La fameuse taxe aérienne instituée par le gouvernement est décriée par tout le monde dans le secteur du tourisme, à l'échelon national et à l'étranger. «Les gouvernements doivent cesser de surtaxer le tourisme», avait dit Taleb Rifai, Secrétaire Général de l'OMT (Organisation Mondiale du Tourisme) lors de la cérémonie officielle de l'ouverture du dernier salon ITB de Berlin. Et d'ajouter «je pense que ces taxes sont à la fois illogiques et inintelligentes...» Ces paroles d'un grand connaisseur du tourisme international rejoignent ce que pensent également les opérateurs touristiques étrangers, ceux des compagnies aériennes et les professionnels nationaux. Depuis la prise de décision de l'introduction de cette fameux taxe aérienne par le gouvernement, elle ne fait que soulever les critiques dans le secteur du tourisme. Dans son allocution, le S.G Rifai précise que l'Organisation Mondiale du tourisme «se donne comme priorité de rapprocher les politiques de transport aérien et celles relatives au tourisme. Il faut donc un meilleur alignement des politiques et une libéralisation accrue, qui assureront la croissance des deux secteurs. Quand à l'imposition des taxes disproportionnées, redevances, droits de visa ou taxe d'aéroport qui devient arbitraire, tout ce qu'on réussit à faire, c'est "tuer la poule aux œufs d'or". Les taxes établies de façon judicieuse constituent un outil fiscal fondamental et légitime et il est bien naturel que le secteur verse sa part. En revanche, les régimes de taxes frappant le tourisme de manière déséquilibrée peuvent en fait causer un préjudice net à l'économie. Je suis allé en Australie il y a deux semaines et j'ai trouvé très encourageant que le gouvernement gèle la taxe sur les mouvements de passagers pour aider l'Australie à atteindre ses objectifs de Tourisme 2020. Il serait bon que d'autres fassent de même. Il convient de revoir de manière approfondie les régimes d'imposition et de mesurer leurs effets pas seulement sur le secteur du tourisme, mais sur l'économie dans son ensemble». Très bien dit. Que dire de plus ? Officiellement, la taxe sur l'aérien au Maroc est entrée en vigueur depuis le 1er avril 2014. Toute fois, la réglementation ne suit pas comme le précise le dernier communiqué de la CNT (Confédération Nationale du tourisme) qui «exhorte le ministère du Tourisme et les autorités compétentes, de publier sans délais, la procédure de recouvrement de cette taxe afin de permettre aux professionnels concernés de s'en acquitter, leur donner la visibilité nécessaire et éviter tout amalgame susceptible de créer des confusions». Il est à rappeler que la CNT avait pris position contre l'instauration de cette taxe, mais devant le fait accompli du gouvernement, elle encaisse le coup, en attendant des jours meilleurs... Il est à rappeler que cette taxe concerne les billets émis au départ du Maroc pour des vols à l'international, à raison de 100 DH par billet en classe économique et 400 DH pour les classes Affaires et 1ères Classes, sauf pour les enfants de moins de deux ans, les passagers en transit et le personnel des compagnies aériennes, tel que cela est stipulé à la loi de finances No 110-13 pour l'année budgétaire 2014, publiée au Bulletin Officiel le 27 Janvier 2014. Il est à préciser aussi que cette taxe tombe dans une conjoncture économique internationale -donc aussi touristique- non réjouissante, surtout dans les pays émetteurs européens de touristes à destination du Maroc. Bref, on décriant cette taxe, les professionnels du tourisme marocains et leurs partenaires étrangers, mettent en cause une gestion non réfléchie au sujet d'une taxation qui nuirait au développement de l'aérien et du tourisme au Maroc. Avant de prendre une telle décision, la sagesse et la règle dans la bonne gestion de l'économie publique veulent qu'une étude approfondie soit réalisée sur le sujet, en partenariat avec les professionnels et les partenaires de l'aérien, pour voir les tenants et aboutissants et les incidences d'une taxe de plus, dans la conjoncture économique mondiale, guère réjouissante. En plus, l'instauration d'une taxe ne peut se faire du jour au lendemain. Le secteur du tourisme est très structuré et les programmations des TO et compagnies aériennes ne sont pas faites à la dernière minute, mais à deux ans, au moins à l'avance. Des professionnels du tourisme et des TO européens voient d'un mauvais œil que cette taxe soit instituée au Maroc alors que notre pays devrait s'armer pour contrecarrer les efforts des concurrents immédiats, Egypte et Tunisie notamment, poussés par les difficultés qu'ils vivent à concéder de plus en plus d'avantages. En plus le profit que le Maroc pourrait tirer de cette taxe est ponctuel puisque la conjoncture des pays concurrents est tout aussi ponctuelle. Ceci dit, il ne faut pas que les responsables gouvernementaux, dont d'ailleurs une bonne majorité n'est pas au parfum de l'évolution du tourisme international, croient que le Maroc est une destination qui s'impose aux TO et aux compagnies aériennes et que toutes les décisions concernant l'aérien au Maroc, vont être «avalées » facilement. Devant la panoplie des destinations touristiques internationales, allant de l'Europe, en passant par l'Asie, les Amériques et l'Afrique, le Maroc ne pèse pas lourd dans la balance. Pour s'en convaincre, il faut comparer les chiffres que réalisent les pays concurrents aux nôtres. Le résultat ne peut être qu'un fiasco en notre défaveur, malheureusement, tant au point de vue des destinations proposées comme du côté chiffres réalisés et moyens de marketing engagés. Lorsqu'on voit que toute l'Espagne est couverte par un seul homme, en l'occurrence le délégué de l'ONMT, on est en droit de se poser bien des questions sur le présent et le devenir de notre tourisme... Nous sommes demandeurs de clients, le tourisme au Maroc a été décrété priorité économique nationale, nous devrons être à l'écoute des Tours Opérateurs et des partenaires étrangers, mais également des professionnels de terrain nationaux. On ne peut dicter sa «loi» lorsqu'on est en position de faiblesse. La preuve si les compagnies étrangères (Low cost et autres) et si les TO décident d'annuler le Maroc ou juste de réduire le nombre de vols et de clients, on sera dans de beaux draps, pour ne pas dire dans une crise bien sérieuse... Les nouveaux gestionnaires du tourisme (TO et compagnies aériennes) sont de grands financiers (à cause de ce grand regroupement de TO, trois grands dominent le marché allant de la production, en passant par l'aérien, jusqu'aux hôtels et même excursions et transport touristique), qui ne voient que les chiffres réalisés ou à réaliser, en temps réel et en live dans chaque destination programmée par eux. Dès qu'ils remarquent qu'une destination ne rapporte plus, ils l'annulent illico, sans aucun état d'âme.