Naïma Chikhaoui, experte nationale et internationale, encline aux dossiers de la femme, élaborant souvent des rapports sur les problématiques de la Femme. Nous l'avons sollicitée pour un diagnostic des dix années de la mise en application des articles de la Moudawana. Pour Mme Chikhaoui, certains articles de la Moudawana génèrent quelques complications profondes au sein de la société marocaine. Elle déplore aussi que le code de la famille n'a, jusqu'à présent, pas pris en considération les articles de la Constitution de 2011, du moins sa philosophie, en matière de prise en charge. Pour Mme Chikhaoui, si focus il y a à faire par rapport particulièrement aux lacunes du code de la famille de 2004, qui se sont avérées être de réelles entraves face à l'égalité factuelle des femmes marocaines au niveau de leurs droits civiques entre autres, c'est sur le mariage précoce dit mariage des mineures qu'il faut insister. Certes, les droits non tranchés dans ce code référaient à plusieurs manquements, nous pouvons citer à titre illustratif majeur: la polygamie sévèrement codifiée mais qui se pratique sous couvercle de partialité sympathisante avec les hommes de certains juges ou de corruption et qui font que souvent que certaines clauses ne sont pas respectées comme l'autorisation de la première épouse (articles 65, 44, 45, 46). La question qui a marqué une grande avancée, à savoir le partage des biens cumulés tout au long de la vie conjugale est resté orpheline des procédures explicites effectives garantes de son applicabilité (articles 34) et bien d'autres aberrations au niveau des lacunes et de l'application. Il est certain que la question de l'héritage qui est passée sous silence dans le code de 2004, n'a cessé de faire surface. Elle finira par être mise sur agenda. Il y a moyen de l'aborder via le projet de loi sur la violence qui est soumis au gouvernement, souligne Mme Chikhaoui, sachant que la violence économique que subissent les femmes ne s'arrête pas aux pensions non honorées pour les femmes divorcées mais, précise-t-elle, le déshéritage et l'inégalité de l'héritage constituent aussi des discriminations de genre. Les contributions des femmes aux richesses des familles et à celles nationales ne sont pas reconnues, les femmes pourvoyeuses de biens et contributrices aux capitaux vivent l'inégalité de l'héritage dans une injustice totale et en décalage absolue avec l'article 19 de la constitution de 2011 qui parle d'égalité économique ente autres, cette codification juridique de l'héritage est une grande injustice qui ne peut durer, d'autant plus qu'elle est était sujet de débat des femmes féministes en Tunisie (Une étude réalisée et un plaidoyer entamé) , au Maroc de façon relativement plus timide avant les printemps des évolutions arabes (Fédération des ligues des droits des femmes/FLDDF...). Quant au mariage des mineures et ses chiffres inquiétants, en principe prohibé, sachant que l'âge légal au mariage est de dix huit ans (18 ans) pour les jeunes hommes et les jeunes femmes, il constitue un miroir grossissant les réalités discriminatoires que subissent encore les femmes dans un Maroc de la constitution de 2011 prônant les droits fondamentaux et qui comporte un article 19 qui stipule clairement l'égalité de droit pour les femmes d'ordre politique, économique, culturelle, environnementale et surtout civiques. Les femmes et les jeunes femmes en particulier, ont voix au chapitre quant à la prise de décision concernant leur vie en générale et celles inhérentes au mariage, question personnelle voire intime par excellence. L'antagonisme derrière cette pratique de mariage des mineurs est de taille eu égard à sa violation totale du principe égalitaire de la constitution et de l'ensemble des lois de façon globale. Dans une société qui s'individualise dans le sens de l'individu(e) porteur(e) des droits et tenu(e) par les devoirs, et donc bâtie sur le référentiel de droits fondamentaux, sévissent encore d'autres référentiels qui usent de représentations et pratiques dégradantes de la dignité humaine et qui exploitent la dimension affective-émotionnelle chez des innocentes, comme par exemple, par recours au mariage coutumier contracté par une simple lecture de verset coranique (Al-Fatiha) bénissant l'alliance, bâtant en brèche l'article (16) qui exige la reconnaissance légale de l'alliance. Ces jeunes épouses mineures deviennent souvent des dites "mères célibataires" bannies, leurs enfants et elles, par une société, "puritaine" peut-être, mais combien hypocrite, certes! Si certaines associations féministes qui combattent ce type de mariage précoce et forcé lèvent des slogans revendicatifs, souvent qualifiés de provocateurs, tels que la pratique déguisée » de la pédophilie ou de la traite des corps, d'exploitation sexuelle ou de prostitution de mineures voilée derrière la mariage coutumier ou conclu avec la complicité d'un juge, c'est qu'elles déterrent une réalité de terrain de pauvreté et d'analphabétisme et des vulnérabilités multiples. Le code de la famille de 2004 semble avoir laissé place au doute quant à une conviction réelle de la normalité de l'égalité intégrale entre les hommes et les femmes, jeunes et moins jeunes, enfants et âgés, en laissant place à cette mention de l'exception dans le cas du mariage des mineures. Il a surtout laissé un espace large à des marges majeures de risques de dérapage, qui guettent surtout les jeunes filles des milieux ruraux : Déscolarisation, abus et violences sexuels, maternité et maternage précoces guettent la femme qui panse ses blessures à vie et un pays qui poncerait ses retards de progrès et de paix encore!