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Ahmed Ammalek, historien :« La bibliothèque de Tamgroute a contribué au rayonnement de la zaouia Nacériya »
Publié dans L'opinion le 08 - 02 - 2014


-Qui est le fondateur de la zaouia Nacériya ?
-La zaouia Nacériya de Tamgroute a été fondée par cheikh Mohamed Ben Mohamed Ben Nacer Darii (Mort en 1085 H / 1674). A l'époque de la fondation, il figurait parmi les grands savants du Maroc. Sa renommée s'était tellement étendue qu'un dicton était colporté à travers les pays disant : « S'il n'y avait pas trois personnalités, le savoir se perdrait à force de discorde : Abdelkader el Fassi à Fès, Mohamed Ben Abi Baker Dilai' à Dila et Mohamed Ben Nacer à Tamgrout ». Cela était ainsi depuis 1052 H / 1642.
- Quelles étaient les conditions de la fondation ? Est-ce qu'il n'y avait pas des conditions économiques et politiques qui ont favorisé l'éclosion et la prospérité d'une activité scientifique et culturelle dans la région ?
-Il est possible que le contexte de la fondation trouve écho dans le dicton précité. Le Maroc avait sombré dans l'anarchie et le trouble après la mort d'Ahmed Al Mansour Dahbi (1012 H/ 1603) suite aux tensions et conflits opposant ses fils les uns aux autres. Aucun pouvoir central fort ne s'imposa dans le pays qui devint dès lors réparti entre des émirats multiples, faibles et constamment en conflits entre eux. Au Nord s'imposèrent les Oulad Naqsis autour de Tétouan et la famille Aaras au Rif. Au centre du Maroc, la zaouia Dila prit l'initiative et devint le noyau d'un Etat sous l'égide de Mohamed el Haj qui s'empara de Fès et devint souverain du Maroc central. Au Sud, le pouvoir revint à Abou Hassoun Semlali dans la région du Souss. Par contre, la dynastie alaouite, avec l'allégeance accordée à Moulay Cherif en tant que sultan, prend naissance dans le Tafilalet en l'an 1040 H/1631. Au moment où le cheikh Mohamed Ben Nacer s'est installé à Tamgroute après l'an 1052 H/ 1642, la région de Draa, dont Tamgroute était le siège d'une grande tension entre Moulay Mohamed Ben Cherif et Abou Hassoun Semlali. Le conflit prend fin par l'expulsion de ce dernier et le ralliement de la région du Souss sous l'autorité alaouite. Mais la situation ne se rétablit pour les Alaouites que depuis l'année 1081 H/1671 quand Moulay Cherif acheva l'unification du Maroc en mettant fin aux différents émirats qui se partageaient le pouvoir dans le pays.
Ce furent là des circonstances favorables pour le développement de la zaouia Nacériya et la prospérité de l'activité culturelle savante en son sein. Surtout que son cheikh a attiré un certain nombre de savants renommés pour enseigner au sein de la zaouia au point qu'un marché du savoir devint florissant dont le rayonnement porte loin. Du coup, des étudiants et savants de différentes régions du pays, en particulier de Souss, de Marrakech et des montagnes environnantes, commencent à affluer en grand nombre. Ils venaient même du Nord du Maroc comme Tétouan et Chefchaouen... Le fait que le Makhzen était occupé à pacifier et à lutter contre les poches de rébellion, avait permis à la zaouia de se développer et prospérer en toute sécurité. Du coup, son aire d'influence s'est élargie, ce qui a permis de créer plusieurs section de la zaouia dans différentes villes et campagnes marocaines.
-Comment la bibliothèque s'était-elle constituée au début ?
-Parmi les signes de développement et de rayonnement de la zaouia Nacériya à travers le temps, il y a la bibliothèque qui continue d'en témoigner jusqu'à aujourd'hui. Depuis la fondation de la zaouia, le cheikh Mohamed Ben Nacer était connu pour être un « faucon des livres ». Cette image est due à sa renommée d'homme passionné pour les livres. Il se faisait accompagner par des étudiants et disciples pendant ses voyages au Machrek pour le pèlerinage à la Mecque et à chaque fois qu'il tombait sur un livre, il le répartissait en livrets entre eux pour en faire des copies. De même qu'il n'hésitait jamais à acheter des livres ou à les accepter comme dons pour la zaouia. C'est ainsi qu'un grand nombre de livres furent orientés vers Tamgroute dont on peut citer le dictionnaire « Qamous al mouhit » de Fairouz Abadi, le livre de grammaire « Tashil » de Mouradi, « al Aqd alfarid » de Ibn Abd Rabbou, « al Mouncef mina al kalam » de Chamni. Le livre « al Mouncef » se trouve toujours dans la bibliothèque sous le numéro 637. La plupart des livres conservent toujours des commentaires sur la marge, comme c'est le cas des pages du livre « Ihya' ouloum eddine » de Ghazali. Le cheikh de la zaouia avait reçu aussi beaucoup de livres en tant que présents, comme ce fut le cas pour le livre « Sahih al Boukhari » selon le récit de Abou Dar el Haroui offert au cheikh par Abderrahman Souidi Meknassi. Une fois le cheikh a versé 80 mithqal à Mehdi el Fassi en contrepartie d'un exemplaire du livre « La parure d'Abou Naim » qu'il a rapporté à la bibliothèque. A noter enfin qu'il avait fait acquisition un certain nombre de livres au prix de huit cents mithqal, c'est un gros montant compte tenu du niveau de vie de l'époque. Mais à ce moment-là, il n'y avait pas un endroit approprié pour entreposer les livres au point qu'il les déposait à même le sol avant de les faire reposer sur des nattes de jonc offertes par un de ses élèves et ce fut là au tout début le premier noyau de la bibliothèque de Tamgroute.
Mais l'évocation d'une bibliothèque Naceriyya n'a commencé qu'avec le deuxième cheikh de la zaouia, Ahmed Ben Mohamed Ben Nacer qui poursuivit l'œuvre d'acquisition de livres, en particulier ce qu'il en avait ramené durant ses quatre pèlerinages à la Mecque.
-Quelles furent les étapes de la constitution de la bibliothèque ? Etait-elle régie par un règlement particulier ?
-Le deuxième cheikh a aménagé une bibliothèque pour entreposer et ranger les livres en l'an 1123 H/1711. Il fit venir des artisans de Fès pour embellir la bibliothèque afin qu'elle soit d'un accueil avenant pour les étudiants et autres visiteurs. Il répartit les livres par pavillons, chaque pavillon consacré à une discipline particulière. Il suivit les mêmes voies pour doter la bibliothèque en livres : faire des copies, acquisitions et accepter dons en bien habous. Ainsi, au cours de ses pèlerinages à la Mecque, il fit acquisition de stocks importants de livres manuscrits. Il usa de crédits pour ses acquisitions. De ces ouvrages, il y a lieu de citer la plupart des livres de Ibn al Ajdabi, « Sahih al Boukhari » version d'al Yunini qu'il avait acquis à quatre-vingt dinar en or. Ces ouvrages précieux ont été intégrés au fonds de la Bibliothèque nationale sous le numéro 481. Cela en plus de ce qu'il avait réalisé comme copies et ce qu'il avait reçu comme présents de ses nombreux élèves au Maroc et au Machrek. Après lui, les différents cheikhs poursuivirent la tradition de dotation de la bibliothèque en livres. C'est le cas notamment au cours de l'époque du cheikh Youssef Nacéri, le sixième cheikh, le sultan Sidi Mohamed Ben Abdallah avait offert comme bien habous un exemplaire du « Bayan wa tahssil » d'Ibn Rochd le grand-père, l'exégèse de Hassan Ben Rahal sur « Al Mukhtassar Khalil ».
A noter que le même cheikh avait fait acquisition d'une bibliothèque de l'un des célèbres savants de l'époque par le biais de ses héritiers. La célébrité de la bibliothèque de Tamgroute a dépassé l'espace de la vallée de Draa au point que des sultans avaient commencé à y emprunter des livres. Dans ce cens, le sultan Moulay Slimane a demandé au cheikh Ali Ben Youssef de lui prêter les deux livres d'Ibn Kathir « An-Nuzha » et « Tafssir ». Le sultan Moulay Abderrahman s'était excusé auprès du cheikh Nacéri Abou Bakr d'avoir tardé à rendre le livre « Hachiat taybi ala kachaf az-zamakhchari ». Les sources nous informent que ce cheikh avait demandé à son fils, installé à l'époque, dans la région du Souss, de se presser de faire une copie de Sahih al Boukhari et Moslim. A cette époque il y avait une bibliothèque de l'un des grands Ulémas de la région de Demnate, Ali Ben Slimane Demnati el-Boujamaaoui qui était en alliance avec le cheikh de la zaouia par sa fille. Le savant de Demnate avait recommandé à son fils Mohamed de faire don de la totalité de ses livres à la bibliothèque de la zaouia Nacériya de Tamgroute après sa mort. Ce fut là la dernière ère de l'agrandissement de la bibliothèque de la zaouia qui allait connaître par la suite une étape de régression et d'immobilisme.
Lors de sa visite de la bibliothèque en 1904-1905, Le Marquis de Segonzac évoqua le fonds qu'il estime à dix mille volumes. Relevant des signes de décadence, il a parlé du début de la dégradation de la bibliothèque et la perte de ses livres quand il évoque le fait que les ouvrages étaient revendus à vil prix. C'est pour cette raison que beaucoup de livres ont été perdus, particulièrement les œuvres des fils de la zaouia les plus renommés comme Mohamed Ben Moussa Nacéri ou Mohamed Ben Abdesslam Nacéri.
La bibliothèque Nacériya fut soumise à un régime d'organisation particulier du fait que ses visiteurs se sont accrus en nombre au point que le nombre des étudiants de l'école de Tamgroute avait culminé à 1.400. C'est pour cette raison que le cheikh Ahmed Ben Nacer mit en place une organisation incarnée dans la nomination d'un conservateur a pour veiller sur la bibliothèque, particulièrement pour ce qui concerne le prêt des livres. Ce conservateur a mis au point un registre pour le prêt des livres où étaient consignés le nom de l'étudiant et le titre du livre prêté. Les livres étaient prêtés pour un délai limité. Ce système d'organisation s'est poursuivi au moins jusqu'à l'époque du cheikh Ali Ben Youssef Nacéri. Par la suite, ce système avait été abandonné, ce qui ne manquera pas d'avoir des retombées négatives comme mentionné plus haut.
Si nous essayons de porter un regard sur le fonds de la bibliothèque, nous nous rendons compte qu'elle continue à abriter 4.123 livres manuscrits au moment de notre étude. La plupart des manuscrits sont en bon état, certains livres cependant ne sont plus que des amas de feuilles volantes, d'autres n'existent que sur les registres. Dans cette bibliothèque, les ouvrages de fikh (jurisprudence musulmane) occupent la première place suivis de ceux traitant de soufisme, ensuite la grammaire, le hadith, etc. Les ouvrages de mathématiques et de médecine occupent le dernier rang.
-Quelles relations de la bibliothèque de Tamgroute avec Tombouctou ?
-Il est certain que des savants résidaient à Teghaza, la plus importante étape entre le Nord et le Sud, dont Ahmed Adfal et Ahmed Ben Mohamed el Hachtouki qui était cadi là-bas pendant un certain temps. Les commerçants avaient beaucoup de considération pour les cheikhs de la zaouia Nacériya et leur offraient des présents pour qu'ils les protègent contre les méfaits des coupeurs de route. C'est pour cette raison que la relation plus ou moins étroite par la circulation des livres entre Tombouctou et Tamgroute n'est pas à écarter, sachant que Ahmed Baba de Tombouctou était passé par Tamgroute. Cet éminent savant y avait séjourné au moment où il retournait vers son pays sauf que cela s'était passé à l'époque des Saâdiens et donc avant l'époque des Nacéris.
-Quels ont été les échos sur la bibliothèque dans les livres des savants ?
-La bibliothèque a laissé d'importants échos chez les Ulémas de ces époques de la fondation et les suivantes. En plus de ce qui a été dit, il y a lieu de signaler que cheikh Abdelhay Kettani avait fait beaucoup de louanges sur la bibliothèque, regrettant de ne pas avoir pu s'y rendre. De même, Abbes Ben Brahim al Mourrakouchi et Zerkali, chacun l'évoque dans son livre sur les personnalités célèbres. De son côté, Abdeslam Bensouda l'a évoquée dans son « Guide ».
-Quelle part impartie à la bibliothèque de Tamgroute dans votre recherche ?
-J'ai consacré à la bibliothèque la douzième partie de mon étude sur l'histoire de la zaouia Nacériya. Il s'agit plutôt d'un aperçu succinct. J'ai réalisé une étude plus fouillée mais qui n'est pas encore publiée, j'espère qu'elle le sera prochainement.


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